Biographie - Prince Philip, duc d'Edimbourg

Elizabeth II est la plus célèbre et la plus populaire des souverains européens. Depuis 66 ans, elle règne sur un royaume qui ne cesse d’être admiré au-travers le monde. Sa silhouette suffit à la reconnaître. Mais derrière cette femme au caractère royal si vénéré se cache un homme entouré de mystères. Qui peut se vanter de connaître réellement le mari de la reine ? Philip Mountbatten est une énigme immiscée dans la très respectée famille Windsor. Toujours dans l’ombre, l’homme qui se tient éternellement deux pas derrière la reine sut occuper son poste avec brio tout au long de ces années. La vie de ce prince est pourtant un véritable livre vivant qui ne manquera pas de nous intéresser. L’heure est venue de vous dévoiler la vie de Philip Mountbatten, duc d’Edimbourg.

 

Prince de Grèce et de Danemark

Le style et le caractère de Philip semblent le présenter comme un véritable Britannique, pourtant, son histoire débute sur les territoires du royaume hellénique. Le prince André, fils cadet du roi Georges Ier de Grèce, a déjà quatre filles lorsque son épouse Alice de Battenberg accouche sur la table à manger du palais de Mon Repos d’un petit garçon. Le 10 juin 1921, Philip voit donc le jour sur l’île grecque de Corfou. L’enfant aux cheveux d’or reçoit dès sa naissance le titre de prince de Grèce et de Danemark. Mais Philip naît dans un contexte politique grec tendu.

Depuis 1919, la Grèce est en guerre contre des révolutionnaires turcs qui n’acceptent pas que leur soit cédé des territoires en Anatolie et en Thrace orientale. Le prince André dirige ses propres troupes face aux révolutionnaires, mais accumule les échecs. Trois ans plus tard, le royaume de Grèce subit une cuisante défaite. Des officiers grecs en profitent pour prendre le pouvoir par un coup d’Etat musclé qui force le roi Constantin Ier, frère aîné du prince André, à abdiquer au profit d’une république. Pour décrédibiliser la monarchie déchue face à cette défaite, les autorités républicaines grecques cherchent des responsables. Le prince André et huit généraux et hommes politiques monarchistes sont arrêtés pour être jugés devant une cour martiale. Reconnu coupable, le prince est banni à vie, échappant de justesse à la peine de mort. En danger de mort face à la fureur républicaine, George V du Royaume-Uni porte secours à ses cousins grecs. André et sa famille embarquent d’urgence sur le HMS Calypso, un croiseur britannique, en direction de la France. Philip n’a que deux ans lorsqu’on le dépose dans un panier d’osiers pour se diriger définitivement vers l’étranger.

Commence alors pour la famille de André de Grèce une vie d’exil. La famille princière prend domicile à Saint-Cloud, près de Paris, dans une demeure que loue pour elle la princesse Marie Bonaparte. Philip grandit au sein d’une famille qui vit mal son séjour français forcé. Alors que le fils unique du prince de Grèce est envoyé dans une école américaine de Paris, le couple formé par André et Alice de Battenberg se déchire. André tombe dans l’alcoolisme et la dépendance aux jeux d’argent. Il part à Monaco pour vivre son addiction librement aux côtés de ses nombreuses maîtresses. Quant à Alice, elle devient de plus en plus mystique. Elle se convertie à l’orthodoxie grecque en 1928 et déclare qu'elle possède des dons de guérison, qu'elle est sainte et qu'elle est désormais la fiancée du Christ. En 1930 le verdict des médecins qui l’auscultent tombe : la princesse est schizophrène. Pour la guérir, ils l’internent au sanatorium de Kreuzlingen, en Suisse.

Philip est désormais livré à lui-même. Tour à tour, ses sœurs épousent des princes allemands, qui s’avéreront proches du parti nazi, entre 1929 et 1931 et quittent le domicile français. Pour s’occuper du petit prince solitaire, sa grand-mère maternelle, Victoria de Hesse-Darmstadt, et son oncle George Mountbatten l’accueillent au palais de Kensington de Londres. Arrivé au Royaume-Uni, Philip commence une vie de véritable prince. Victoria de Hesse l’amène avec elle dans toutes les réceptions mondaines auxquelles elle est invitée. A propos de sa grand-mère qui joua un rôle d’importance dans son éducation, Philip ne tarde pas d’éloges : « J'aimais beaucoup ma grand-mère, elle était toujours serviable. Elle savait s'y prendre avec les enfants […] d'une façon très pragmatique. Elle les traitait de la bonne façon, avec un parfait mélange de raison et d'émotion. »

 

L’éducation d’un prince exilé

En 1933, Philip est envoyé par ses sœurs à la Schule Schloss Salem en Allemagne, propriété de son beau-frère Berthold de Bade. Sous la tutelle de son oncle Lord Milford Haven, Philip vit que quelque mois en Allemagne. La montée du nazisme oblige le fondateur juif de cette école, Kurt Hahn, à fuir le pays. Il s’installe en Ecosse et fonde un nouvel établissement : la Gordonstoun School. Lord Haven décide de suivre le pédagogue et envoie Philip poursuivre sa scolarité entre les murs de son école écossaise pour garçons.

A Gordonstoun, Philip se distingue de ses camarades. Au sein de cet établissement, l’éducation est fondée sur l’exercice physique. Le dépassement de soi, l’entraide, la compassion et l’initiative sont des valeurs indispensables pour supporter cet apprentissage à la dure où les douches froides et dortoirs non chauffés sont monnaie courante. Pourtant, Philip se plaît dans cet univers. Très à l’aise dans ces conditions de vie spartiates, le prince de Grèce forme peu à peu son caractère sportif et discipliné. C’est au cours de ses années d’étude à Gordonstoun que Philip vit le premier drame de son existence. En 1937, sa sœur préférée Cécile meurt dans un accident d’avion à Ostende en Belgique avec toute sa famille. Choqué et inconsolable, le jeune homme de seize ans part à Darmstadt assister aux funérailles somptueuses organisées par des dignitaires nazis. L’année suivante, son tuteur, Lord Haven, meurt d’un cancer des os.

Désormais, son oncle maternel Lord Louis Mountbatten, capitaine de vaisseau de la Royal Navy, le prend sous son aile. L’officier de marine a bien l’intention de faire de son petit protégé le fils qu’il n’a jamais eu. Il se rapproche du garçon et joue de son influence pour constituer sa personnalité si affirmée et ambitieuse. Les liens qui les unis sont rapidement indestructibles. L’avenir du prince de Grèce désargenté et sans domicile est entre ses mains.

 

Une carrière dans la marine

Nous sommes en 1939 lorsque Philip quitte Gordonstoun pour entrer dans la Royal Navy, avec l’appui de Lord Mountbatten. Il commence sa formation de marin au collège royal de Darmouth et se fait rapidement remarquer. L’endurance du jeune homme sportif de 18 ans le place parmi les meilleurs éléments de la prestigieuse école. Il fallut peu de temps pour qu’il soit nommé aspirant et commence une véritable carrière dans la marine. En janvier 1940 il part quatre mois à bord du cuirassier HMS Ramillies qui assure la protection des convois de la force expéditionnaire australienne dans l’océan Indien. Il est cadet de plusieurs vaisseaux de guerre avant de participer aux batailles de Crète et du cap Matapan en mars et mai 1941. Volontaire, Philip se distingue des garçons de sa génération. Il est promu lieutenant de vaisseau puis officier en second à seulement 21 ans.

Patriote, Philip l’est véritablement. En juillet 1943, il participe à l’invasion de la Sicile à bord du HMS Wallace. Le navire ne cesse d’être bombardé par l’ennemi. Pour le sauver du naufrage, Philip a une idée. Il envoie un radeau rempli de fumigènes sur la mer. Distraits, les bombardiers allemands lâchent prise. Le HMS Wallace peut alors s’échapper en toute hâte. L’héroïsme de Philip ne cesse d’impressionner les officiers de marine.

Après une courte période sur un navire qui lutte contre le Japon, Philip peut enfin retourner au Royaume-Uni en janvier 1946. Il devient alors instructeur au sein de l’école des officiers mariniers de Corsham, dans le Wiltshire. Mais un événement vient freiner temporairement l’ascension fulgurante du jeune officier.

 

Une love story princière

En juillet 1939, George VI et sa famille visitent le collège de Darmouth. Pour occuper les princesses de 13 et 9 ans, le directeur du collège - conseillé par Lord Mountbatten - demande à Philip de passer du temps auprès d’elles. Impressionnée par les exploits sportifs de Philip, Elizabeth est sous le charme de son lointain cousin. Elizabeth et Philip s’étaient déjà rencontrés à deux reprises, en 1934 et 1937, mais c’est véritablement ce jour qui vit naître en Elizabeth cette flame qui ne s’éteindra plus. Débute alors une correspondance accrue entre les deux adolescents, tandis que Philip poursuit sa carrière militaire. George VI n’hésite pas à l’inviter à passer ses permissions auprès d’eux. 

A l’été 1946, Elizabeth demande la permission à son père d’épouser Philip. Le roi accepte avec enthousiasme mais à une seule condition : qu’ils attendent la majorité de la princesse. Finalement, les fiançailles sont annoncées le 9 juillet 1947, trois mois seulement après le vingt-et-unième anniversaire d’Elizabeth. Commence alors pour Philip une période de renouveau.

Pour épouser la princesse héritière, Philip doit d’abord renoncer à ses titres grecs et danois et à son allégeance à la Couronne grecque. Il renonce à l’orthodoxie et se convertit à l’anglicanisme. Autant de conditions qui lui permettent d’obtenir la nationalité britannique. Le jeune homme peut désormais prétendre à un nom. Si jusqu’à présent le monde se contentait de l’appeler Philip de Grèce et de Danemark, Philip choisit un nouveau patronyme. Il prend le nom britannique de sa mère et devient Philip Mountbatten.

Le mariage a lieu en grande pompe le 20 novembre 1947 en l’abbaye de Westminster. La veille, George VI le fait duc d’Edimbourg, comte de Merioneth, et baron de Greenwich, et lui offre le prédicat d’Altesse Royale. Face à deux-mille-cinq-cent invités, Philip s’unit à Elizabeth Windsor qui jure de lui obéir fidèlement. Malgré le nombre important d’invités, certaines absences sont inévitablement remarquées. Etant donné les sympathies nazies des sœurs de Philip, elles ne sont tout simplement pas invitées. 

Une fois mariés, Elizabeth et Philip élisent domicile à Clarence House, à deux pas du palais de Buckingham. Il fallut peu de temps pour que le couple donne naissance à deux enfants. En 1948 et 1950 naissent respectivement Charles et Anne. Malgré son mariage princier, Philip n’abandonne pas sa carrière dans la marine. Il compte bien profiter du temps qui lui est offert avant l’accession au trône de son épouse pour poursuivre son ascension militaire. En 1949, il est muté sur l’île de Malte en tant que lieutenant du destroyer du HMS Chequers. Le couple vit ce qui se présente comme leurs plus belles années à deux. Promu commandant en 1952, la carrière de Philip semble relancée au sein d’un bonheur conjugal parfait. Mais ce bonheur est de courte durée.

 

Deux pas derrière

Atteint d’un cancer du poumon, George VI se sent de plus en plus affaiblis. Pour le soulager, Philip et Elizabeth doivent prendre en charge un grand nombre d’obligations officielles. En février 1952 ils débutent une tournée en Australie et en Nouvelle-Zélande, avec une escale au Kenya. Au Kenya, ils logent d’abord dans un hôtel constitué de cabanes en bois nichées dans des arbres au milieu de la faune kenyane. Puis, ils s’installent dans le luxueux hôtel Treetops, au cœur de la forêt d’Aberdare. Le 6 février, alors qu’ils viennent de visiter le parc national d’Aberdare, un télégramme provenant de Buckingham arrive. Le roi est mort quelques heures plus tôt dans son sommeil. La jeune princesse devient la reine Elizabeth II. Mais il faut l’annoncer à la princesse. Informé en premier, Philip décide de l’annoncer lui-même à son épouse. Désormais considéré comme le nouveau couple royal, la vie de Philip et Elizabeth ne sera plus jamais la même.

Philip organise leur retour urgent au Royaume-Uni. Ils rentrent en toute hâte à Londres par un avion spécial. Vêtue de noir, Elizabeth descend l’escalier d’embarquement de l’avion seule. Quelques secondes plus tard, c’est au tour de Philip de descendre de l’avion pour être accueilli par les hauts dignitaires du Royaume-Uni tel que Winston Churchill. Cette image illustre ce qui sera désormais la place qu’il occupera pour le reste de sa vie : deux pas derrière la reine. L’heure est venue d’organiser les funérailles du défunt roi et de prendre leur destin royal en main.

 Le couple déménage à Buckingham Palace pour laisser Clarence House à la reine-mère et la princesse Margaret. La période de deuil qui suit le décès de George VI permet d’organiser le sacre d’Elizabeth II. Durant seize mois, chaque détail de la somptueuse cérémonie est millimétré et répété. Philip prend part activement à la préparation de ce jour spécial. Il propose de retransmettre l’événement en direct à la télévision, permettant ainsi de mettre la monarchie à l’heure de la modernité. Mais les très conservateurs Winston Churchill et la reine Mary s’y opposent, considérant l’entrée de caméras dans un lieu saint comme profane. Philip insiste auprès de son épouse. Elizabeth II finit par accepter à la seule condition que le moment de l’onction soit caché des caméras. De plus, Philip voulait un couronnement moderne qui marquerait un changement remarquable dans la monarchie. Mais Churchill ne cède pas. Le sacre sera dans la plus pure tradition britannique, à l’image de celui de George VI. C’est donc un couronnement traditionnel et marqué par le progrès qui a lieu le 2 juin 1953.

 

Une position incertaine

Dès son arrivée à Buckingham, Philip doit affronter la ténacité du gouvernement et de la vieille garde de la monarchie. En 1850, le mariage de la reine Victoria avec Albert de Saxe Cobourg et Gotha avait permis un changement de nom de la dynastie à l’accession au trône d’Edward VII. L’arrivée d’une nouvelle reine sur le trône britannique devait tout naturellement accoucher du même processus. Mais encore une fois, Churchill et la reine Mary lèvent les armes contre Philip qui voulait offrir à ses enfants son nom. Le nom de Windsor est né en 1917 dans un contexte troublé par la Première guerre mondiale. Churchill et la reine Mary n’était pas décidé à abandonner ce nom qu’ils avaient eu tant de mal à faire accepter aux yeux des Anglais. Lord Louis Mountbatten plaidait volontiers pour la cause de Philip, non déçu d’offrir son nom à la famille régnante d’Angleterre. Finalement, le gouvernement rejette la proposition de Philip, confortant ainsi la place du nom de Windsor. Philip est furieux. Il ne cesse de se plaindre auprès de la reine d’être le seul homme du pays à ne pas pouvoir transmettre son nom à ses enfants. C’est seulement en 1960, après le décès de la reine Mary et la démission de Churchill, qu’un décret du conseil précise un changement de nom restrictif. Seuls les descendants en ligne masculine, ne portant pas le prédicat d’Altesse Royale, prennent désormais le nom de Mountbatten-Windsor.

 Les premières années du règne d’Elizabeth II ne sont pas une partie de plaisir pour Philip. Il doit imposer sa place, mais quelle place ? Philip vit mal ce retrait obligé. Il ne supporte pas d’être constamment positionné au second plan. Sa carrière militaire étant en suspens, il se sent inutile. D’autant que la cour Saint James ne le porte pas dans son cœur, lui repprochant ses origines allemandes. Il tente néanmoins de réformer le fonctionnement des palais royaux. Mais sa place semble se limiter à cela. Les disputes conjugales s’accumulent. D’autant que des rumeurs d’infidélités s’intensifient autour de l’image de Philip. La reine est consciente que son mari a besoin de se retrouver seul devant la lumière. Pour faire taire les rumeurs d’adultères et laisser briller le duc, Elizabeth II l’envoie en 1956 établir un « Commonwealth Tour » de plusieurs mois. L’Antarctique, l’Australie et l’Afrique du Sud sont autant de destinations visitées par Philip et ses hommes. Le voyage de Philip s’éternise, au point que de nouvelles rumeurs naissent, laissant entendre que le couple royal vacille. Elizabeth II ordonne donc à Philip de rentrer pour faire taire les rumeurs, bien décidée à lui offrir la place auquel il inspire. Le 22 février 1957, elle le fait prince du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande. Le prince-consort est officiellement né, bien qu’il refuse toute sa vie de porter ce titre.

 

« Le job, c’est elle »

Philip est conscient que son rôle se cantonne à épauler sa femme dans sa tâche. Il jouit désormais de la préséance sur tous les autres membres de la famille royale. Au Parlement, il peut se placer aux côtés de sa femme. Présent lors de toutes les obligations officielles de la reine il façonne à sa manière le « métier » de prince-consort, n’hésitant pas à représenter la reine lors de visites en solo.

 Elizabeth II laisse à Philip le soin d’éduquer leurs enfants. En 1957, il envoie Charles suivre des cours dans sa très chère école de Gordonstoun. Il veut faire de son fils un homme, un vrai. Pour lui, le seul moyen est de lui inculquer une éducation rigide comme il a pu avoir. Philip exige qu’aucun traitement de faveur ne soit attribué à Charles en raison de son rang. Mais le jeune prince est différent de son père. Le garçon de 13 ans est sensible et porte aucun intérêt envers les activités sportives. Il vit ses années à Gordonstoun comme une « peine de prison » où les railleries et le harcèlement font partis du quotidien. Elizabeth II ne tient pas rigueur de la dureté de son mari envers leurs enfants et continue à lui laisser ce privilège. Le couple, à l’aise dans leur job respectif, se sent capable d’accueillir de nouveaux venus au sein de leur petite famille. En 1960 et 1964 naissent tour à tour Andrew et Edward.

Philip commence à parrainer de nombreuses associations caritatives tournées vers le progrès, l’éducation et le développement durable, trois sujets qui lui sont chers. Ainsi, en 1961 il fonde le fonds mondial pour la nature (WWF) du Royaume-Uni qu’il préside de 1981 à 1996. Il fonde également en 1956 le Duke of Edinburg Award, un prix pour motiver les garçons de 15 à 18 ans à s’engager dans un programme équilibré d’activités bénévoles axées sur l’épanouissement personnel.

 

La famille avant tout

Philip semble enfin trouver son bonheur. Mais le 27 août 1979, le prince est touché personnellement par un drame familial. Son oncle adoré, Lord Louis Mountbatten, est assassiné en Irlande du Nord par l’Armée républicaine irlandaise qui veut toucher l’entourage de la reine. Philip est le seul à pouvoir prendre en charge l’avenir du prince Charles, dont Louis Mountbatten s’était rapproché.

En 1981, Philip intercède auprès de son fils aîné pour qu’il se décide rapidement sur son avenir avec Lady Diana Spencer. Face aux injonctions de son père, Charles fait publier les bans puis se marie six mois plus tard avec cette jeune aristocrate de treize ans sa cadette. Le couple de Galles offre deux héritiers à la Couronne : William et Harry. Les années 1980 semblent de bon augure pour l’avenir de la famille Windsor. Pourtant, la décennie qui suit voit apparaître une succession de malheurs.

En 1992, Philip voit le mariage de trois de ses enfants mis à mal. Quand Anne et Andrew divorcent, Charles et Diana finissent par se séparer malgré l’intervention du duc pour tenter de sauver leur couple. Philip s’est toujours opposé à la relation extra-conjugale entreprise par son fils avec Camilla Parker-Bowles. De plus, le château de Windsor, cher au cœur de la dynastie, est victime d’un incendie. Un événement qui conduit à la critique des Britanniques envers la famille royale qui refusent de payer pour la réparation des dégâts. Elizabeth et Philip sont touchés au vif, au point que la reine qualifie cette année maudite d’« annus horribilis ».

Charles et Diana mettent définitivement fin à leur relation en août 1996. Et un an plus tard, la princesse de Galles meurt tragiquement dans un accident de voiture à Paris. Face à la mort soudaine d’une princesse tant aimée par le peuple, le couple royal s’enferme avec leurs proches dans leur domaine écossais de Balmoral. Leur but ? Protéger leurs petits-enfants inconsolables du regard indiscret des médias. Mais ce silence est interprété comme un manque de compassion envers la mort de Diana. Après trois jours de lutte avec le Premier Ministre Tony Blair, Elizabeth se résigne à rentrer à Londres pour dissiper ce désamour populaire. Philip organise les funérailles nationales accordées à Diana et prend personnellement part au convoi funèbre. Il soutient volontiers William et Harry dans cette épreuve en marchant auprès d’eux derrière le cercueil de la princesse.

Les épreuves ne s’arrêtent pas là. En décembre 1997, le yacht royal Britannia, où la famille Windsor aimait se retrouver, est désarmé pour des raisons économiques. Elizabeth et Philip aimaient retrouver dans un environnement totalement privé leurs proches parents et accomplir leurs voyages officiels à son bord. C’est un tournant dans la vie de Philip qui voit son quotidien changé.

 

Assurer l’avenir

Philip et Elizabeth II doivent assurer l’avenir de la monarchie. Pour se faire, Charles doit être réellement préparé à succéder à sa mère. Dans cette perspective, le couple royal finit par accepter l’union de Charles avec son amour de toujours, Camilla. Le prince de Galles épouse Camilla en 2005 à Windsor. La relation compliquée entretenue avec son fils aîné tente enfin à se dissiper.

Quant à William, second dans l’ordre de succession au trône, il est autorisé à épouser Kate Middleton, une roturière de 29 ans, en 2011. L’engouement autour de ce mariage est tel que jamais la famille royale britannique n’avait été aussi populaire. Proche de ses petits-enfants, Philip apparaît enjoué face à ce mariage qui lui donne, peu de temps après, deux arrière-petits-enfants : George et Charlotte. La famille Windsor s’agrandit peu à peu.

Mais cette année voit également apparaître des problèmes de santé pour Philip. En décembre, une alerte cardiaque lui doit une hospitalisation d’urgence. Un an plus tard, au plus fort des festivités qui marquent le jubilé de diamant d’Elizabeth II, il est hospitalisé une nouvelle fois pour une infection urinaire. Seule, Elizabeth II achève son jubilé. L’âge avancé du duc, qui fête son quatre-vingt-quinzième anniversaire en 2016, affaiblit sa santé de fer. Affaiblis physiquement, Philip juge pouvoir obtenir le droit de se retirer définitivement. En août 2017, il prend sa retraite publique, se limitant à quelques apparitions officielles. Aujourd’hui encore, Philip doit affronter sa santé chancelante. En avril 2018 il est une nouvelle fois hospitalisé pour un remplacement de la hanche. C’est dans le calme des domaines privés de la famille royale que Philip décide de prendre un repos bien mérité, après 66 ans de vie publique auprès de son épouse.

Après deux semaines d'hospitalisation entre février et mars 2021 où il subit même une opération cardiaque qui réussit, le prince Philip rentre très affaibli au château de Windsor retrouver son épouse. Le duc d'Edimbourg vit alors ses derniers jours dans cette forteresse millénaire qu'il considère comme sa seule maison. Le prince Philip rend finalement son dernier souffle dans la matinée du 9 avril 2021, deux mois avant son centième anniversaire. En pleine période d'épidémie de Covid-19, les jours qui suivent sont adaptés à la situation sanitaire. Aucun hommage populaire à la dépouille n'est prévu. A contrario, un livre de condoléance en ligne est ouvert pour éviter les rassemblements. Slaves de canons partout dans le Commonwealth, portrait géant sur Picadilly Circus, dépots de bouquets de fleurs devant les grilles de Buckingham Palace, le Royaume-Uni pleure son prince-consort.

Les funérailles se déroulent le 17 avril suivant en la chapelle Saint-George du château de Windsor. En total respect des directives gouvernementales, seules 30 personnes furent autorisées à assister à la cérémonie (les militaires et les membres du clergé n'étant pas compris dans cette restriction). Derrière le cercueil porté par une Land Rover spécialement conçue par le prince, ses enfants et petits-enfants aînés marchent l'air grâve. Le prince Charles est certainement le plus atteint par ce deuil d'un père avec qui il avait si longtemps entretenu une relation conflictuelle. La reine suit elle aussi le cortège dans une Range Rover auprès de sa dame de compagnie Lady Susan Hussey. Toute de noire vêtue, la souveraine de près de 95 ans paraît physiquement abattue, mais elle reste digne, seule désormais pour affronter l'avenir de la monarchie. A la suite de cette sobre cérémonie, la dépouille du prince Philip est déposée provisoirement dans le Royal Vault, le caveau situé sous la chapelle Saint-George. L'époux de la reine sera inhumé une seconde fois lors du décès de la souveraine pour qu'il repose ensuite pour l'éternité à ses côtés dans la chapelle du mémorial du roi George VI.

 

 En somme, Philip eut une vie bien remplie. Son devoir est sa seule préoccupation. Toute sa vie, il n’eut de cesse de soutenir sa royale épouse dans sa tâche. Après des années de lutte, il sut imposer son propre style et sa conception du « métier » de prince-consort. Dans la discrétion absolue, il sait aussi faire entendre sa voix. Son franc-parler et son humour cinglant font de ce prince une exception parmi les Windsor. En cela, Philip demeure une figure paradoxale. Toujours dans l’ombre, il sait se démarquer de ses proches et se faire apprécier. Son destin ne peut être détaché de celui d’Elizabeth II. Sans lui, la reine d’Angleterre n’aurait pu établir ce règne si acclamé à travers le monde. Elizabeth II en est consciente. En 2011, elle lui rend un vibrant hommage marqué d’une sensibilité publique rare. « C'est mon roc. Il a tout simplement été ma force et mon soutien. » Ces mots suffisent à résumer la vie de Philip Mountbatten, le prince de Grèce devenu duc d’Edimbourg.