Versailles, château des rois, palais des grandes heures de la France. Toujours admiré, jamais égalé, Versailles a su rester l'un de ces palais qui continue à écrire l'histoire de son pays. Quand les merveilles versaillaises surent servir admirablement les rois Bourbon, la République sut se servir de ce joyau du patrimoine français pour accueillir ses hôtes de marque. Elizabeth II et Philip ne firent pas exception.
Au cours de sa vie, Elizabeth II se rendit à pas moins de six reprises chez son voisin qui se dresse de l'autre côté de la Manche. Sur ces six voyages officiels, trois eurent en partie Versailles comme grand rendez-vous français. Sur les traces de ces monarques qui surent offrir l'apogée de la puissance du royaume de France, Elizabeth II déambule dans les jardins de Le Notre, sous les plafonds de Le Brun et sous les arcades sublimées du Grand Trianon. A l'aise dans ce château construit pour les rois, c'est au bras de présidents que la reine admire ses splendeurs. Chaque voyage se place dans un contexte politique particulier qui rend les visites elizabethaines de Versailles exceptionnelles.
En 1948, c'est une jeune princesse de vingt-et-un an qui se rend en France. Mariée depuis quelques mois au prince Philip de Grèce, Elizabeth n'est encore que la princesse héritière. Jeunes mariés, le couple choisit la France comme premier voyage officiel pour représenter le roi George VI quelques temps après leur union. Enceinte du prince Charles, elle rencontre le président Vincent Auriol. Celui-ci veut éblouir la jeune princesse à la popularité incroyable dans un pays qui se dit profondément républicain. Et pourtant, au milieu d'une foule en liesse, la princesse fait sa royale entrée dans le palais. La gratitude de la France pour le Royaume-Uni, ce pays qui sut braver le danger nazi et libérer l'Europe, es immense. Comme cadeau, Vincent Auriol n'a rien de mieux à offrir que cette royale visite dans les jardins du "plus beau palais du monde". Cette première visite est un succès. Elizabeth et Philip en ressortent sous le charme de cette France aux merveilles qu'on aime représenter.
En 1957, Elizabeth II est sur le trône depuis cinq ans, lorsqu'elle pose une nouvelle fois le pied sur le sol français. Le président René Coty veut lui aussi impressionner cette jeune reine. La France et le Royaume-Uni viennent de s'avouer vaincus par les Etats-Unis et l'Union soviétique dans la crise du Canal de Suez. Cette visite versaillaise a une importance considérable. Il est nécessaire de resserrer les liens franco-britanniques pour continuer à affronter le futur politique que l'avenir leur réserve et faire disparaître cette faiblesse dévoilée par la crise. Au programme, dîner d'Etat dans la Galerie des Glaces, visite des jardins, et représentation dans le théâtre Louis XV récemment restauré doivent continuer à éblouir cette jeune reine que la France admire.
En 1966, le duc d'Edimbourg établit une visite en solo en France. Son but ? Marquer concrètement le cinquantième anniversaire de l'Association France-Grande-Bretagne. Le général de Gaulle vient de faire restaurer le Grand Trianon qu'il compte utiliser le plus souvent possible pour recevoir ses hôtes étrangers. C'est donc le prince Philip qui devient le premier convive reçu à Trianon. La reine ayant déjà fait sa visite française qu'elle se doit de faire au moins une fois au cours de son règne, elle n'est pas tenue d'accompagner son époux. C'est donc seul, que le prince Philip choisit de se rendre en France pour être accueilli tel un Roi-Soleil par le plus versaillais des présidents.
Et enfin, en 1972, Elizabeth II et Philip entreprennent une tournée diplomatique en Europe pour marquer l'entrée de la Grande-Bretagne dans le marché européen. La France fait logiquement partie de ces visites. Le président George Pompidou veut marquer durablement cette visite. Lui qui se dit anglophile, veut faire oublier le double veto imposé par Charles de Gaulle pour l'entrée du Royaume-Uni dans l'Union européenne. Quoi de mieux que les rêves éveillés de Versailles pour satisfaire la plus célèbre des reines ? Cette visite au château marque vivement les esprits. Cette reine tout en majesté de quarante-six ans n'a rien perdu de sa superbe, et le chef de l'Etat français, entouré d'un peuple en émoi, le lui rend bien. Avec des étoiles plein les yeux, elle passe pour la dernière fois la portail doré couronné d'un soleil majestueux. Elizabeth II détient ainsi le record des visites de chefs d'Etat étrangers à Versailles, un lieu décidément fait pour les rois et présidents.