L’étrange mort d’Henriette d’Angleterre

30 juin 1670, deux heures et demi du matin. Les bougies qui éclairent une des chambres du château de Saint-Cloud s’éteignent brusquement. Une princesse vient de rendre son dernier souffle. Henriette d’Angleterre, épouse de Monsieur, frère de Louis XIV, n’avait pourtant que 26 ans. Voilà plusieurs heures que la malheureuse hurlait de douleur dans son lit. Mais qu’est-ce qui a pu emporter Henriette, frère d’un roi d’Angleterre et épouse d’un prince de France ?

Marier la France des Bourbon à l’Angleterre des Stuart

Au lendemain de la mort du cardinal Mazarin, le 10 mars 1661, Louis XIV prend personnellement le pouvoir, mettant fin à dix-huit années de régence. Louis n’a que 23 ans. Sa première préoccupation est l’avenir de sa maison. Son épouse Marie-Thérèse d’Autriche est bien enceinte mais la mortalité infantile est très élevée. Louis est dans l’incertitude. Il compte donc sur son frère cadet, Philippe, pour s’assurer l’avenir des Bourbon.

Il lui faut marier le duc d’Orléans. Mais quelle princesse européenne est à la hauteur d’un prince du sang français ? En 1660, le roi Charles II retrouve son trône anglais usurpé par Oliver Cromwell à la suite de la première révolution d’Angleterre et de la décapitation de Charles Ier. Une alliance avec cette monarchie restaurée serait particulièrement intéressante pour Louis XIV. Charles II a une sœur cadette. Henriette a 16 ans. Elle est brune, les traits fins et dotée d’une élégance toute royale. Elle fut éduquée à la cour de France, tout en étant mise à l’écart. Cette cousine est la candidate idéale.

Une union orageuse

Philippe et Henriette s’unissent le 31 mars 1661. Ensemble, ils eurent cinq enfants, dont deux atteignirent l’âge adulte. Mais malgré ces naissances, la vie conjugale de Monsieur et Madame est loin d’être un long fleuve tranquille. Le duc d’Orléans ne cache pas son homosexualité. En 1665, il rencontre un beau jeune homme issu d’une Maison souveraine : Philippe de Lorraine. Le chevalier devient l’amant officiel de Monsieur, logé à grand frais au Palais-Royal.

Quant à Henriette, elle se rapproche très vite de son beau-frère. Louis XIV apprécie grandement Madame pour sa beauté, sa culture et son goût délicat. Le roi semble séduit. Elle est la reine incontestée de nombreuses fêtes données par le souverain. Les rumeurs naissent et se propagent dans les couloirs du Louvre : Henriette serait la maîtresse du roi.

Henriette ne supportait pas les aventures homosexuelles de son époux qui entachent sa réputation au sein de la cour. La jalousie envahit son cœur, comme celui de Philippe. Monsieur croyait volontiers aux rumeurs d’infidélité relayées et amplifiées par le chevalier de Lorraine. Ce dernier ne manquait aucune occasion d’intriguer contre sa concurrente dans le lit de son amant princier.  

Henriette, princesse diplomate

Loin des commérages, Henriette joua un véritable rôle diplomatique. Très proche de son frère, le roi Charles II d’Angleterre, elle lui écrit de nombreuses lettres qui rendent compte de la vie à la Cour de France. Charles II cherche un point faible à son cousin qui lui permettrait de négocier à son avantage une alliance. Le rapprochement entre la duchesse d’Orléans et le roi de France fut un véritable atout pour le monarque Stuart.

C’est ainsi qu’en 1670, Henriette traverse la Manche secrètement, envoyée par Louis XIV auprès de Charles II. Elle s’entretient longuement avec son frère. Elle emmène dans sa suite Louise de Keroual, duchesse de Portsmouth et d’Aubigny qui est la favorite de Charles II et l’espionne de Louis XIV. De ce duo féminin résulte la signature le 1er juin 1670 du traité de Douvres. L’Angleterre et la France s’allient ainsi dans la guerre de Hollande.

La fin brutale d’une princesse jalousée

Cette année-là, Henriette est au sommet de sa gloire. Troisième femme la plus importante de France, elle est respectée, crainte et copiée. Elle a la confiance du roi. Mais la gloire amène son lot d’ennemis. Excédée par les attaques répétées du chevalier de Lorraine, elle avait obtenu de Louis XIV son exil à Rome.

Deux semaines après son retour de Londres Madame fut saisie de violentes douleurs au côté après avoir bu un verre de chicorée. Quelques heures plus tard, Henriette rend son dernier souffle. Pourtant, rien n’aurait laissé présager cette fin si tragique et brutale.

Sa dépouille est autopsiée par Bourdelot. Les résultats laissent penser à un ulcère perforé. Mais très vite, le spectre de l’empoisonnement s’imposa. Le chevalier de Lorraine est le premier coupable potentiel. La jalousie peut avoir de sombres conséquences. Il ne fut d’ailleurs pas le seul amant du frère du roi. Le marquis d’Effiat fut lui aussi soupçonné d’être l’empoisonneur. Dans ses nombreuses lettres à l’écriture assassine, la princesse Palatine, seconde épouse du duc d’Orléans, laisse aucun doute de sa conviction : Henriette a été empoisonnée. Mais Madame de la Fayette, amie de la princesse, affirme dans son Histoire de Madame Henriette d'Angleterre que celle-ci s'était plainte pendant plusieurs jours avant sa mort « d'un mal de côté, et d'une douleur dans l'estomac à laquelle elle était sujette ». Alors, quelle fut la véritable cause de la mort d’Henriette d’Angleterre ? Le mystère demeure.