9 avril 2025, sans aucune annonce publique préalable, un couple royal se rend en toute discrétion dans la résidence Ste Marthe du Vatican. Charles III et Camilla sont en visite officielle en Italie. Ils profitent de cet événement pour rendre visite au pape François. Une audience privée officielle était bien prévue mais la santé du souverain pontife avait eu raison de ce premier programme.
Charles III se rend au Vatican en ami. Sensible à la fragilité de l’évêque de Rome, il a tenu à lui témoigner son affection. Ce jour-là est particulièrement symbolique pour Charles III et Camilla : il marque leur vingtième anniversaire de mariage. François leur transmet ses meilleurs vœux avant que le couple ne reprenne le cours de leurs obligations publiques. Ainsi s’achève la dernière audience d’un monarque auprès du pape François.
Au cours de son pontificat, ce dernier avait entretenu de très bonnes relations avec la famille royale britannique, représentante de l’Eglise d’Angleterre.

Un pape diplomate
Jorge Mario Bergoglio, archevêque de Buenos Aires, est élu 266e successeur de Saint Pierre le 13 mars 2013. Il choisit le nom de François, en référence à Saint François d’Assise. « Pape des pauvres », le successeur de Benoît XVI est bien différent de son prédécesseur. Attaché à la simplicité, il dévoue toute son existence aux plus pauvres, aux oubliés et aux plus démunis. Les nations en marge du monde attirent son attention. La pompe pontificale et les dorures des palais le repoussent. Dans son mode de vie et dans son style, François s’illustre tel un simple pèlerin, un évêque, un guide. Ainsi soit le crédo d’un pontificat empli de promesses.
Quelle que soit la simplicité que s’attribue François, il sait qu’il est aussi un chef d’Etat détenteurs de nombreux pouvoirs. La diplomatie est son arme. Et c’est en diplomate qu’il entretient les liens avec l’Eglise d’Angleterre.
Née au XVIe siècle suite aux désirs de divorce d’un roi, cette Eglise d’outre-Manche avait longtemps rompu toute relation avec le Saint-Siège. Il fallut attendre l’arrivée d’un pape venu de l’Est, Jean-Paul II, pour qu’enfin ces Eglises ennemies héréditaires se réconcilient. Le pape polonais avait fait du discours interreligieux l’une de ses principales politiques. Le pontife argentin s’assura de perpétuer l’héritage de son prédécesseur par le biais de la famille royale.

Elizabeth II et François : deux chefs d’Eglises
En 2014, la reine Elizabeth II et le prince Philip effectuent une visite d’Etat au Vatican. Cette troisième visite vaticane du couple royal est bien différente des précédente. François ne supporte pas le protocole qu’il érige au rang des désuétudes. Elizabeth II se présente donc vêtue d’un manteau violet accompagné de son chapeau assorti. D’ordinaire, en tant que souveraine protestante, elle s’y serait rendu vêtue de noir avec un voile couvrant ses cheveux.
Le couple rit facilement avec ce souverain pontife différent et charismatique. Un thé leur est offert dans la résidence Ste Marthe où le pape vit après s’être échangé des cadeaux. Cette année-là, le prince George venait de naître. François a alors tenu à offrir au bébé royal un globe royal en lapis-lazuli surmonté d'une croix en argent. Elizabeth et Philip, quant à eux, lui offrent un panier garni de produits venant de leurs fermes de Windsor et de Balmoral.
Ce sera l’unique rencontre entre les deux chefs d’Eglises. La relation entre l’Eglise de Rome et celle de Londres n’est pas une priorité pour François. Mais il reste profondément attaché à la reine dévote. Elizabeth II n’avait jamais fait mystère du caractère divin de sa mission sur Terre. François a toujours admiré la dévotion de la plus célèbre reine du monde.
Au moment du décès de la souveraine le 8 septembre 2022, François publie un message de condoléances très touchant, assurant qu’il « pour le repos éternel de la défunte reine et qu’il rend hommage à sa vie de service indéfectible au bien de la nation et du Commonwealth, à son exemple de dévouement au devoir, à son témoignage inébranlable de foi en Jésus-Christ et à sa ferme espérance en ses promesses. »

Charles III et François : une amitié dévote
Dans son message de condoléances, François n’oublie pas d’envoyer ses profonds soutiens au nouveau monarque. Pour le couronnement de Charles III, le pape envoie son once qui participe à l’onction. Il offre aussi au roi un morceau de la Vraie Croix. Ce cadeau précieux est une marque de profond respect entre les deux hommes.
Charles et François se ressemblent en bien des points. Sensibles à la précarité des plus démunis, ils fondent une politique sociale inédite. Tous deux modernisent leur monarchie par une simplicité d’expression et de comportement. Ne pouvant faire fi des traditions, ils apportent tous deux une véritable évolution de leur institution. Charles est, comme François, particulièrement sensible au discours interreligieux. Les deux monarques sont aussi particulièrement engagés dans la préservation de la planète. La cause environnementale porte leur cœur.
Charles rencontre à plusieurs reprises le pape argentin. La première fois a lieu en 2017. Le prince de Galles s’y rend en visite officielle avec la duchesse de Cornouailles. François l’encourage alors à être un « homme de paix », ce à quoi le futur roi avait répondu : « Je ferai de mon mieux. »
Marqué par cette visite, Charles se rend au Vatican deux ans plus tard. Il se rend à la canonisation de saint John Henry Newman, théologien influent converti au catholicisme après des années de ministère anglican. À cette occasion, le prince de Galles avait écrit un article faisant l'éloge de Newman et remerciant le pape pour ses efforts en faveur de l'environnement.

A l’annonce du décès du pape François le 21 avril 2025, Charles III publie un communiqué bien plus personnel qu’à l’accoutumé. « Sa Sainteté restera dans les mémoires pour sa compassion, son souci de l’unité de l’Église et son engagement inlassable en faveur des causes communes de tous les croyants. » Pour ses funérailles, le roi ne peut s’y rendre. La tradition britannique veut que le monarque n’assiste pas aux obsèques d’un chef d’Etat étranger. Il envoie alors son fils aîné le prince William le représenter. Ainsi s’achève l’histoire britannique du pontificat du pape François.
