Les révolutions de Charles III

Le début du règne d'un roi ambitieux, pressé et engagé.

En juillet 2023, deux nouveaux trônes flanqués des monogrammes du couple royal étaient dévoilés à Buckingham. Il s’agit des deux trônes utilisés pour le couronnement d’Elizabeth II en 1953 restaurés avec les chiffres de Charles III et Camilla. Le roi honore ainsi la mémoire de sa mère, tout en apportant sa propre marque. Une nouvelle ère est née : celle d’un roi soucieux de laisser une trace de son règne sur le Royaume-Uni.

 

Un prince passionné devenu roi engagé

Le 8 septembre 2022, Charles III monte sur le trône de Grande-Bretagne. A 74 ans, ce monarque novice quitte ses trois plumes d’Autruche de prince de Galles qui l’ont caractérisé pendant plus de cinquante ans pour la couronne de Saint-Edward. Cinquante années au cours desquelles il s’est préparé à ce jour si important dans sa vie.

Sous le règne d’Elizabeth II, Charles avait pris soin de façonner sa propre position. En tant qu’héritier de la Couronne, l’attente devait être son seul crédo, mais c’était sans compter sur sa personnalité ambitieuse. Il a très tôt souhaité se rendre utile à l’Angleterre. Il utilise sa solde de marin pour créer dans les années 1970 la Prince’s Fundation qui vient en aide aux jeunes Britanniques désargentés ou en difficulté. Intelligent, philosophe, artiste, Charles est un prince engagé et sensible. Il use de son influence pour intervenir sur divers sujets comme la politique, l’architecture ou encore la diplomatie. Il crée une société proposant des produits bio. Il achète Highgrove House, Llwynywermod et Dulfries House qu’il rénove à grands frais. Surtout, ce prince vert porte l’écologie dans son cœur et dans son âme. En somme, Charles est un prince passionné et engagé. De ces passions naissent une personnalité unique qui explique bien des changements dans le paysage royal britannique.

 

Un roi réformateur

En accédant au trône à 74 ans, Charles III est bien conscient de la courte longévité qu’aura son règne par rapport à celui de sa mère. Le roi est donc un homme pressé. Elizabeth II fut une femme attachée à la routine publique et quotidienne. Opposée au changement, elle fut bien souvent contrainte lorsque cet état de fait s’est imposé à elle. Charles III est tout le contraire. En tant que prince de Galles, il n’a jamais cessé d’entreprendre et d’innover. Désormais souverain, il a bien l’intention d’imposer sa propre manière de régner.

Cet homme travailleur ne perd aucune minute pour imaginer un nouveau projet, traiter les documents envoyés par le gouvernement, soutenir les associations caritatives qu’il parraine et jouer pleinement son rôle de diplomate couronné d’Angleterre. Bien qu’il ne bénéficie pas de la cote de popularité extraordinaire d’Elizabeth II, Charles III veut marquer physiquement le Royaume-Uni de son règne.

 

Sandringham : le jardin du roi

En montant sur le trône du roi Edward, Charles III apporte avec lui son immense fortune estimée à 2 milliards d’euros ainsi que trois résidences supplémentaires au patrimoine privé des souverains britanniques. Cet entrepreneur dans l’âme ambitionne alors de faire fructifier davantage le patrimoine de sa Maison, tout en le magnifiant.

Ce passionné de jardinage commence par dessiner un nouveau jardin pour Sandringham, sa résidence privée du Norfolk. Un immense jardin taupière sort de terre en cinq mois et remplace le vaste parterre d’herbes à l’anglaise que la reine affectionnait pour promener ses corgis. Conçu de manière écoresponsable, ce nouveau jardin stimule la biodiversité et la pollinisation. 10 000 plantes y ont été taillées. 5 000 plants d’ifs ont été alignés pour former les haies et plus de 4 000 autres plantes forment des buissons, des parterres et des massifs floraux. Il avait déjà prouvé ses talents de jardinier par le passé en créant de magnifiques jardins écologistes à Highgrove. Ces jardins font aujourd’hui figures de modèles et attirent bien des touristes dans le Gloucestershire. C’est donc tout naturellement qu’il renouvela l’expérience à Sandringham, laissant libre court à son imagination et à son attachement pour la beauté de la nature.

 

Balmoral, sur les pas d’Elizabeth II

Sandringham n’est pas la seule résidence royale concernée par les envies de changements de Charles III. Au cœur des Highlands, Balmoral a une place de choix dans le cœur du roi. C’est entre ces murs que la reine Elizabeth a rendu son dernier souffle. Alors pour lui rendre hommage et permettre à ses nombreux admirateurs de marcher sur ses pas, les portes de ce célèbre château s’ouvrent. Les touristes peuvent depuis l’été 2024 découvrir la salle de bal décorée de pastels réalisés par le maître des lieux et de tenues de campagne d'Elizabeth II, de Charles et de Camilla, les couloirs sombres aux murs desquels pendent des peintures de scènes de chasse et des têtes de cerfs empaillées, ainsi que les salons aux meubles massifs, dont le salon de dessin où la reine a fait sa dernière apparition publique.

Pour cet homme amoureux de la nature, ce vaste domaine forestier traversé par la rivière Dee est propice au ressourcement. Preuve de son attachement personnel avec Balmoral, Charles III s’est offert pour ses 76 ans un nouveau tartan à destination du personnel et pour les nouveaux tissus recouvrant les meubles du château de Balmoral. Baptisé Balmoral Glen Gelder Tartan, il sera également reproduit sur les marchandises de la boutique de la résidence royale.

Il fait aussi modifier un portail en fer forgé qui fait face à l’une des fontaines du jardin de Balmoral. Installé en 1923, ce chef d’œuvre rendait hommage au roi George V et à la reine Mary à l’occasion de leurs trente ans de mariage en mettant à l’honneur leurs monogrammes. Charles III fait alors ajouter son propre monogramme et celui de son épouse en respectant le style du portail original. Balmoral est ainsi physiquement marqué de l’amour de son actuel propriétaire.

 

Buckingham, palais du peuple de Charles III

Et qu’en est-il du palais de Buckingham ? Le palais officiel de la monarchie britannique depuis le XIXe siècle est ouvert au public chaque été depuis 1993. Mais jusqu’ici, seuls les salons d’Etat pouvaient être visités par les touristes. La salle du trône, la salle de bal, le salon de musique font entre autres partie du parcours touristique. Mais là encore, Charles III innove.

En 2024, l’aile est du palais est pour la première fois ouverte au public. Il s’agit rien de moins que l’aile qui offre au palais sa célèbre façade mettant majestueusement en valeur son célèbre balcon. Vous avez toujours rêvé de découvrir le salon qui donne sur ce balcon ? Charles III vous offre cette magnifique possibilité !

Palais habité, Buckingham est aussi le théâtre des grands dîners d’Etat, des réceptions des chefs d’Etat étrangers mais aussi des grandes cérémonies. Le roi a lancé des travaux de rénovation d’une ampleur inédite d’une durée de dix ans et d’une valeur de 400 millions d’euros. Depuis son accession au trône, il vit donc toujours à Clarence House et ne prévoit pas de déménager au palais avant 2027, date de la fin des travaux. Le souverain veut faire de Buckingham le « palais du peuple ». Il n’a jamais caché sa réticence à vivre dans cet immense palais aux allures de Versailles anglais. Les rumeurs vont donc bon train. A l’image du palais royal de Madrid, Charles III voudrait continuer à vivre à Clarence House lorsqu’il est à Londres en faisant de Buckingham un palais-musée-bureau.

 

Charles III : Edward VII du XXIe siècle ?

Charles III a une vision de son règne particulière qui nous rappelle en bien des aspects celui de son aïeul Edward VII. Celui qui avait succédé à la légendaire reine Victoria en 1901 devait lui aussi s’imposer face à une figure tutélaire écrasante. Son règne de neuf ans seulement a pourtant marqué durablement l’histoire britannique. Sandringham avait été achetée et restaurée par ses soins. L’ère edwardienne a marqué physiquement l’Angleterre. A son accession, il a considérablement augmenté le patrimoine royal. Il fut un roi influent dans la politique de son royaume et un diplomate respecté. Il est notamment à l’origine de l’Entente cordiale qui a mis fin à plusieurs siècles de conflits franco-britanniques. En tant que prince de Galles, il s’est créé une influence considérable, faisant d’Edward l’un des hommes les plus importants de son siècle.

Comme Edward VII, Charles III succède au plus long et l’un des plus glorieux règnes du Royaume-Uni. Comme Edward VII, le roi est un admirateur de l’architecture, souhaitant marquer physiquement de son empreinte l’Angleterre. Comme Edward VII, il fit de son influence une arme diplomatique indéfectible pour jouer un rôle dans l’évolution de la Grande-Bretagne et même du monde. Francophile et francophone, il a lui aussi à cœur de se rapprocher durablement de la France, malgré les fragilités et les défis politiques de notre temps. Par ses apports patrimoniaux, il a fait de sa dynastie l’une des familles royales les plus riches du monde.

 

Il va de soi que le règne de Charles III promet lui aussi de marquer l’histoire britannique, préparant le plus sereinement possible celui du futur roi William V.