INTERVIEW | Princesse Yasmine Murat - 120 ans de l'Entente cordiale

En 2024, la France et le Royaume-Uni célèbrent les 120 ans de l’Entente cordiale.

Pour marquer cet anniversaire, la princesse Yasmine Murat, épouse du prince Joachim Murat, a réalisé une illustration qui fut utilisée pour présenter les timbres postes édités pour l’occasion.

En exclusivité pour Monarchie Britannique, la princesse Yasmine Murat témoigne de sa participation à cet anniversaire diplomatique exceptionnel.

 

Vous êtes l’auteur d’une illustration qui met à l’honneur l’Entente cordiale à l’occasion des 120 ans de cette amitié diplomatique entre la France et le Royaume-Uni et qui est aujourd’hui utilisée par le Conseil franco-britannique pour présenter les timbres postes édités à l’occasion.

Comment avez-vous été amenée à collaborer pour ce projet franco-britannique ?

Ce projet m’a été proposé par l’ancienne sénatrice des Français à l’étranger, Joëlle Garriaud-Maylam, qui a un lien très fort avec l’Angleterre, d’un point de vue familial, personnel et surtout amical.

Pour le 120e anniversaire de l’Entente cordiale, elle a voulu offrir un cadeau symbolique à l’ambassade d’Angleterre. Elle a donc imaginé un carnet de timbres qui reprend les symboles forts de cette entente. Elle m’a demandé de créer une illustration qui servirait de fond à ce carnet qui reprend lui aussi des symboles de cette entente. J’ai accepté car il ne faut jamais rater une occasion de célébrer la paix et l’amitié entre les peuples.

 

Pour quelles raisons avoir choisi le coquelicot britannique et le bleuet français plutôt que le lion et le coq par exemple, ou d’autres symboles de nos deux nations ?

J’ai fait ce choix car un autre artiste avait collaboré pour ce même projet et il avait pris comme symboles le coq et le lion. Donc il ne me restait plus que cela. Pour faire un fond d’ailleurs, il fallait quelque chose de très léger. J’ai donc choisi de créer ce champ verdoyant. J’ai utilisé la technique de l’aquarelle en digital art. j’aime beaucoup travailler avec l’aquarelle mais j’avais qu’une heure de temps pour réaliser ce dessin.

 

Entretenez-vous des relations avec les membres de la famille royale britannique ? Quels sont les liens qui unissent votre famille au Royaume-Uni ?

Actuellement, il n’y a pas d’échanges particuliers entre notre famille et la famille royale d’Angleterre. En revanche, il y a un lien de cousinage. Par le passé, il y a eu de belles relations d’amitié entre les Murat et les Windsor notamment par la princesse Cécile Murat, née Ney d'Elchingen, qui est la petite-fille du maréchal Ney et qui avait épousé le cinquième prince Murat. Je sais qu’ils recevaient le roi Edward VII et son épouse. Ils se recevaient mutuellement que se soit à l’hôtel Murat, au 28 avenue de Monceau. Cet hôtel n’existe plus malheureusement mais il était l’un des plus beaux de Paris et il avait accueilli le président américain Wilson pendant trois mois pour signer les accords de paix après la Première guerre mondiale. Je sais également que la princesse Cécile Murat recevait en dîner le roi Edward VII à Marienbad, une station thermale en Bohême. A plusieurs reprises elle l’a reçu à dîner et l’anecdote est qu’elle emmenait par train tout son personnel, l’argenterie et le linge de maison pour recevoir comme à la maison.

Bien entendu, sous le Premier Empire, la relation entre la famille impériale c’est-à-dire les Bonaparte, incluant la reine Caroline Murat de Naples, il y avait des relations diplomatiques mais elles étaient tendues parce que ces deux grandes puissances s’affrontaient lourdement. Napoléon défendait les valeurs de la Révolution française face aux attaques qu’il a reçu de toutes les monarchies européennes. Ensuite sous le Second Empire, les relations se sont apaisées car nous sommes passés par d’autres régimes mais aussi parce que Napoléon III a sillonné l’Europe et les Etats-Unis. En passant par l’Angleterre, il a pu observer les développements économiques de la Révolution industrielle anglaise et s’en inspirer pour les transposer en France. Après la chute du Second Empire, Napoléon III est parti en exil avec sa famille et il a été accueilli en Angleterre où il avait de fortes relations avec la reine Victoria. Les trois membres de la famille impériale sont aujourd‘hui enterrés en Angleterre ce qui prouve l’apaisement entre la famille royale britannique et la famille impériale de France.

 

Dans un monde fragilisé par des tensions géopolitiques toujours plus importantes, quelle place offrir à l'entente diplomatique entre la France et le Royaume-Uni ? Est-elle toujours si cruciale qu'elle ne l'était il y a 120 ans ?

Il faut toujours laisser la place à une entente, à la diplomatie, au consensus. Mais malheureusement, je ne crois pas du tout à l’amitié entre les Etats. Ils suivent leurs intérêts respectifs. En revanche, je crois en l’amitié entre les peuples. Et je pense qu’il y a une certaine amitié entre le peuple français et le peuple britannique. Même si parfois ils se font des blagues mutuellement, je pense qu’ils se ressemblent un peu. C’est à tous les acteurs, à tous les niveaux, d’entretenir la paix, la fraternité, d’encourager les gestes positifs. Je suis de formation politique. J’ai étudié la géopolitique et les relations internationales et je sais pertinemment que c’est juste de la rhétorique. Il n’y a pas d’amitié entre deux Etats, il n’y a que les intérêts. Il n’y a jamais la place pour deux. En revanche, avec l’évolution des choses, ces deux puissances ont su un terrain d’entente et de coopération. Et cette entente mutuelle, il faudrait l’entretenir.

 

Sous quelles formes se dessinent l'intérêt des Français pour le Royaume-Uni selon vous ?

Je dirais que les Français sont fascinés par le glamour de la famille royale britannique. Alors c’est drôle parce qu’ils ont coupé la tête de leur roi. C’est un peuple régicide disons. Mais il est quand même fasciné par la famille royale d’Angleterre. En revanche, c’est sûr qu’ils ne sont pas fascinés par la pluie et la grisaille londonienne, même si parfois il y a du soleil. Les Français aiment beaucoup Londres parce que c’est une très belle ville. Ils aiment aussi la campagne d’Angleterre. Enfin, là je parle pour moi. Mais je pense qu’en général on aime bien ce côté bucolique sous la période victorienne et de Jane Austen. Et puis peut-être les fish and chips… Mais certainement pas le pudding !

 

Pour vous, quel évènement symbolise le mieux l'Entente cordiale ?

L’événement qui symbolise le mieux l’Entente cordiale est sous le Second Empire parce que, comme vous le savez, l’Entente cordiale a été initiée par le roi Louis-Philippe d’Orléans qui voulait la paix à l’extérieur et à l’intérieur de la France. Mais je vois plus de mérites quand même sous le Second Empire parce que nous avons un empereur, Napoléon III, le neveu de Napoléon Ier qui fut combattu longtemps par l’empire britannique et emprisonné sur l’île de Sainte-Hélène où il est mort dans des conditions un peu dures. Donc en tant que neveu de cet empereur malmené par l’Angleterre, Napoléon III aurait pu garder beaucoup d’amertumes. Mais non, il a fait preuve de beaucoup d’humanité, de sagesse et il a préféré tendre la main à l’Angleterre en créant une relation d’amitié avec elle. Tant mieux parce que c’est en Angleterre qu’il sera accueilli après son règne. Et l’événement qui marque cela c’est surtout la visite de la reine Victoria à Paris pour visiter l’Exposition universelle de 1855.

 

Pour revenir sur votre travail d’illustration, il me semble que ce n’est pas votre première illustration publiée.

Et oui, cher Kévin, ce n’est pas mon premier coup de pinceau. J’ai déjà fait des dessins par le passé, étant illustratrice pour livres pour enfants. J’ai notamment travaillé avec ma sœur Nesrine Briki sur Tom l’Atome et le Big-Bang, de la série des Comtes de la Science. C’est le premier livre que j’ai illustré. Il raconte la théorie du Big-Bang simplifiée pour les enfants. Ce n’était pas facile de dessiner l’atome primitif ou encore les particules élémentaires mais ce fut très amusant à faire. J’ai aussi travaillé sur le livre La fabuleuse aventure de Lily. Il raconte un peu mon histoire. Il aborde des sujets comme la différence chez l’enfant, le harcèlement à l’école, l’amour dans la famille, la fraternité ou bien le cas de l’adoption.

 

Je remercie infiniment la princesse Yasmine Murat d’avoir accepté de répondre à mes quelques questions.