Elizabeth Bowes-Lyon, l'éternelle Queen Mum

La reine-mère est internationalement connue pour son charisme et son excentricité toute britannique. Seize années ont passé depuis sa disparition, pourtant son sourire enchanteur reste dans les mémoires des Britanniques, et bien au-delà. Mais connaissez-vous réellement son histoire ? Connue de tous, elle sut garder des parts d’ombre aux yeux du grand public.

 

Une jeunesse écossaise

Nous sommes le 4 août 1900 quand naît Elizabeth Angela Marguerite Bowes-Lyon à Londres, dans l’une des résidences de ses parents. C’est dans une Angleterre toute victorienne qui vit les derniers jours d’un règne qui fit sa puissance et sa renommée, que Claude Bowes-Lyon et lady Cecilia Cavendish-Bentinck voient arriver leur neuvième enfant. Lord Glamis est un propriétaire terrien écossais fortuné qui devient en 1904 le quatorzième comte de Strathmore et Kinghorne. Par ce titre, Claude Bowes-Lyon se veut le propriétaire de l’un des plus beaux châteaux d’Ecosse : le château de Glamis. C’est entre ses murs qu’Elizabeth passe la plus grande partie de son enfance. Née au sein de l’une des plus anciennes familles aristocratiques d’Ecosse, Elizabeth reçoit une éducation digne de son rang. Précepteurs et gouvernantes se chargent de lui inculquer un savoir nécessaire pour une fille aristocrate. Ce n’est qu’à l’âge de huit ans qu’elle entre dans une école londonienne, avant de retourner à la maison afin de terminer son enseignement. Entourée de ses neuf frères et sœurs, elle passe une enfance paisible dans le cadre féérique du château familial.

Mais le jour de son quatorzième anniversaire, le Royaume-Uni déclare la guerre à l’Allemagne. Quatre de ses frères servent dans l’armée. L’un d’eux, Fergus, est même tué en 1915 au cours de la bataille de Loos. Comme toutes les familles britanniques, les Bowes-Lyon ne sont pas épargnés par la guerre. Lorsqu’elle prend fin en 1918, Elizabeth est devenue une sublime jeune fille. Les courtisans ne manquent pas. En 1920, elle rencontre le prince Albert, second fils du roi George V. Le jeune prince tombe rapidement sous son charme. Il fallut peu de temps pour qu’il ploie le genou devant sa belle, mais elle refuse sa demande à deux reprises. La lourde charge qui incombe aux membres de la famille royale ne manquent pas d’effrayer la jeune femme peu habituée aux foules. C’est alors qu’un dénommé James Stuart, écuyer du prince Albert, se met en tête de faire la cour à Elizabeth. Albert ne se décourage pas et continue à la courtiser. Alors qu’elle participe au  mariage de la sœur cadette d’Albert, Mary, en février 1922 en tant que demoiselle d’honneur, Albert finit par faire fondre définitivement le cœur de la jeune fille. Il renouvelle une troisième fois sa demande en mariage. Cette fois, c’est décidé. Elizabeth épousera Albert et met un terme aux tentatives désuètes de James Stuart.

 

Un mariage d'amour princier

Le mariage a lieu le 26 avril 1923 en l’abbaye de Westminster dans une pompe toute royale. Lord et Lady Bowes-Lyon ne peuvent rêver mieux pour leur fille qui ne peut hériter du patrimoine familial. L’Angleterre s’exalte devant ce mariage où la modernité règne. Pour la première fois de l’histoire, un membre de la famille royale n’est pas issu d’une famille princière, royale ou même anciennement régnante. Son union avec le duc d’York lui offre également le titre prestigieux. Son Altesse Royale la duchesse d’York entre désormais au sein de la famille royale et doit, à ce titre, représenter son royal beau-père au bras de son époux autour du monde. Les trois années qui suivent cette union permettent au couple d’York de s’afficher aux yeux du monde. L’Afrique orientale, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les îles Fidji et Maurice sont autant de pays visités.

Le 21 avril 1926, Elizabeth donne naissance à une petite fille aux boucles d’or dans la résidence londonienne de son père dans le quartier de Mayfair, à qui elle offre son prénom. Quatre ans plus tard, c’est au tour de la princesse Margaret Rose de voir le jour au château de Glamis. Le bonheur familial remplie de joie Elizabeth, mais elle se rend très vite compte d’un problème de taille. Le bégaiement de son mari l’handicape cruellement lors de ses obligations officielles. Albert reste stoïque quand un discours public se présente à lui. Pour lutter contre ce problème qui ronge la santé de son époux, elle l’oblige à rencontrer de nombreux orthophonistes réputés mais le résultat est vain. Ils se contentent de l’encourager à fumer pour détendre son larynx. Finalement, elle fit appel au savoir de Lionel Logue en 1925, un spécialiste de l’élocution australien, qui, par des méthodes peu orthodoxes, finit par atténuer les problèmes de diction du duc d’York.

 

La crise de 1936

Le 20 janvier 1936, George V meurt dans sa chambre de Sandringham. Le frère aîné d’Albert devient alors le roi Edward VIII. Mais Edward se voit confronté aux rigueurs de son temps. Le jeune roi est amoureux d’une Américaine, doublement divorcée, Wallis Simpson. La société de l’époque, restée encrée dans les mœurs victoriennes, n’accepte pas les femmes divorcées, et cela dans toutes les classes sociales. La haine qui anime la relation d’Elizabeth avec Wallis est réciproque. Quant au gouvernement, il ne peut accepter l’union du chef de l’Eglise d’Angleterre avec une divorcée alors que l’Eglise condamne le divorce. Au vu du désamour de la famille royale, du gouvernement et du peuple envers cette femme venue de l’autre côté de l’Atlantique, Edward VIII n’a pas le choix. S’il veut épouser Wallis il ne peut qu’abdiquer.

Le 10 décembre 1936, c’est par la décision d’un homme que le destin du duc et de la duchesse d’York bascule. Edward VIII abdique au profit de son frère cadet Albert, qui devient George VI. Devenue reine et impératrice consort, Elizabeth doit prendre ses quartiers au palais de Buckingham. Le 12 mai 1937, George VI et Elizabeth sont conjointement sacrés en l’abbaye de Westminster à la date normalement prévue pour le couronnement d’Edward VIII. Elizabeth influence son époux pour ne pas accorder le prédicat d’Altesse Royale à celle qu’il faut désormais appeler, la duchesse de Windsor. La haine d’Elizabeth envers celle qui est à l’origine de son destin bousculé se renforce. Malgré tout, le nouveau statut d’Elizabeth est désormais un fait qu’elle doit courageusement porter.

 

Le courage face à la barbarie nazi

En 1938, le couple royal choisit la France comme premier voyage officiel, avant de se rendre au Canada et aux Etats-Unis. Autant de voyages sensés préparer les alliances pour le conflit à venir. Le 3 septembre 1939, le Royaume-Uni déclare la guerre à l’Allemagne nazie. Les Îles britanniques sont la cible favorite de la Luftwaffe. Les bombes tombent et se déchaînent sur la capitale anglaise. Pour protéger la famille royale, le gouvernement propose de l’envoyer au Canada le temps de la guerre. En réponse à cette proposition, elle déclare :

« Mes enfants n’iront nulle part sans moi, je ne partirai pas sans le roi, et le roi ne partira jamais ! »

Ainsi, c’est par un courage respectable qu’Elizabeth et sa famille affrontent le Blitz. Pour soutenir la résistance à l’ennemi, elle n’hésite pas à sortir du palais de Buckingham, accompagnée du roi, pour se mêler aux victimes des bombardements et constater les dégâts. En ce début des années 1940, ses actions sont bénéfiques. Aux yeux d’Adolf Hitler, elle est « la femme la plus dangereuse du monde ». Le courage du couple royal lui vaut l’admiration du peuple et du monde. Présente dans toutes les épreuves, elle soutient bravement son mari, qui décide de garder leurs filles en sécurité au château de Windsor. Elle encourage même sa fille aînée à s’enrôler en mars 1945 dans le Service de transport auxiliaire, où elle sert en tant que conductrice d’ambulance. Le 11 novembre 1945, elle fête la victoire sur le balcon de Buckingham avec à ses côtés le roi, ses filles, et le Premier Ministre Winston Churchill.

La fin de la guerre est l’occasion de terminer la formation de la princesse Elizabeth à son futur métier de reine. Pour lui faire découvrir l’étendu des territoires dirigés par le monarque de Grande-Bretagne, la famille royale entreprend un voyage en Afrique du Sud en 1947. La même année, elle donne son autorisation conjointe avec celle de George VI à sa fille qui désire épouser Philip Mountbatten. Pourtant, Elizabeth n’apprécie guère l’officier de Marine. Il n’est pas particulièrement riche, et certaines de ses sœurs ont épousé des aristocrates allemands nazis. Malgré tout, le mariage a bien lieu en l’abbaye de Westminster le 20 novembre 1947.

La fin des années 1940 voient la santé de George VI décliner. Atteint d’un cancer du poumon, dû à son tabagisme excessif, George VI est de plus en plus faible. Pour le soulager, la princesse Elizabeth remplace régulièrement son père pour différentes obligations. Les absences du couple princier permettent à George VI et Elizabeth de s’occuper et de se rapprocher de leurs deux petits-enfants nés en 1948 et 1950, Charles et Anne. En février 1952, Elizabeth et Philip partent une nouvelle fois en voyage officiel. Le couple royal les accompagne jusqu’aux portes de l’avion. Alors qu’ils apprécient le paysage kenyan, le 6 février 1952, George VI rend son dernier souffle à Sandringham. La princesse Elizabeth lui succède sous le nom d’Elizabeth II.

 

Queen Mum, la Couronne avant tout

En 1952, la reine-douairière Mary, épouse de George V, est encore de ce monde. Un nouveau titre doit être trouvé pour Elizabeth. Ce sera reine-mère. Surnommée tendrement « Queen Mum » par les Britanniques, elle se retire en Ecosse pendant sa période de deuil. C’est là qu’elle tombe sous le charme du château de Mey. Presqu’en ruine, la demeure doit subir une restauration d’urgence. Avec ses deniers personnels, Queen Mum décide de financer les travaux. Ainsi, elle crée sa résidence estivale personnelle au cœur de la terre de ses ancêtres.

La reine-mère n’entend pas être un membre désuet de la famille royale. Elle souhaite représenter sa fille aux quatre coins du monde autant que possible. La France, l’Iran, la Rhodésie, sont autant de pays où Elizabeth peut établir des voyages officiels au nom d’Elizabeth II. Attachée à son pouvoir, l’abandon du palais de Buckingham est rude. Pourtant elle est obligée de le laisser au nouveau couple royal au profit de la demeure voisine de Clarence House. Dans sa nouvelle résidence, elle vit comme elle l’a toujours fait : entourée d’une multitude de serviteurs, telle une aristocrate d’un autre âge.

Proche de sa fille aînée, avec qui elle partage sa passion pour les courses hippiques, elle influence grandement les décisions de la reine. Un conservatisme étroit l’anime. Ainsi, elle encourage Elizabeth II à maintenir l’exemption d’impôts de la famille royale, qu’elle avait obtenu avec George VI en 1936. Mais la reine cède aux demandes du gouvernement et du peuple suite à l’incendie du château de Windsor en 1992. C’est même elle qui choisit la fiancée idéale de son petit-fils Charles. Elle encourage le Prince de Galles à épouser Lady Diana Spencer, une aristocrate anglaise de dix-neuf ans, petite-fille de sa dame de compagnie, Lady Fermoy. Ainsi, comme le veut la tradition royale britannique, Charles épouse une jeune femme vierge, aristocrate et anglaise, de treize ans sa cadette, qu’il n’a rencontré qu’une dizaine de fois, le 29 juillet 1981.

L’arrivée de Diana au sein de la famille royale, n’est que mauvaise augure pour Queen Mum. Depuis 1936, elle reste dans les cœurs des Britanniques comme leur personnalité préférée de la famille. Mais l’arrivée de Diana vole la vedette à la reine-mère. Au cours du temps, elle finit par détester cette femme, peu à l’aise dans les palais royaux, décidée à révolutionner les codes de la royauté. Mais Diana finit par quitter la famille royale par un divorce ordonné par la reine, et encouragé par Queen Mum, en 1996. Un an plus tard, la Princesse de Galles décède dans un accident de voiture à Paris. Sa mort plonge la reine et sa famille dans une interminable réclusion. Là encore, Elizabeth II n’hésite pas à solliciter sa mère pour les décisions à prendre. Elle lui conseille de rester à Balmoral pour protéger les princes William et Harry de l’engouement médiatique. Mais le mécontentement populaire grandit. Il faut la ténacité du Premier Ministre Tony Blair pour convaincre la reine et sa famille à rentrer à Londres et accorder à Diana des funérailles nationales.

Néanmoins la popularité de Queen Mum ne fléchit pas. Les festivités organisées pour son centenaire en 2000 témoignent de l’amour des Britanniques pour cette femme courageuse, ambassadrice de l’Angleterre d’entant, qui fait de son sourire son atout charme. Mais la fin de sa vie est entachée par une tristesse immense. Le 9 février 2002, sa fille cadette Margaret meurt des suites d’un cancer des poumons. Le chagrin est trop grand pour la vieille dame. Deux mois plus tard, le 30 mars 2002, elle s’éteint dans sa chambre du château de Windsor dans sa cent-unième année. Ses funérailles sont célébrées en l’abbaye de Westminster dans la plus grande solennité, avant d’être inhumée dans la chapelle Saint-George de Windsor aux côtés de son époux et de Margaret.

Ainsi vécut Elizabeth Bowes-Lyon, l’éternelle Queen Mum, femme courageuse, déterminée et adorée, qui fit la fierté de tout un peuple.