Arthur de Connaught, le plus canadien des Windsor

Décédé en 1942, il est depuis tombé dans l’oubli. Pourtant, il est l’arrière-grand-père du roi Carl XVI Gustaf de Suède. Le prince Arthur de Connaught et Strathearn fut le seul gouverneur général du Canada à appartenir à la famille royale britannique. En cela repose sa particularité, mais pas seulement. Je vous invite à découvrir le destin princier et politique de Arthur de Connaught.

 

Une éducation princière marquée par la figure paternelle

La reine Victoria est sur le trône de Grande-Bretagne depuis treize ans lorsqu’elle donne naissance à son septième enfant au palais de Buckingham. Ce premier mai 1850, la plus puissante souveraine de son temps met au monde un garçon qu’elle prénomme Arthur, en référence à son parrain Arthur Wellesley, duc de Wellington, qui était né lui-aussi un premier mai. Ce dernier est auréolé de ses victoires napoléoniennes. Figure du patriotisme britannique et véritable icône de son vivant, Wellington est proche de Victoria et de son époux Albert. Le premier mai 1851 est un triple événement. Ce jour-là, Arthur fête son premier anniversaire. De plus, le duc de Wellington fête son quatre-vingt deuxième anniversaire. Enfin, le couple royal inaugure la première exposition universelle voulue par le prince Albert en son palais de Crystal. Pour marquer cette journée d’exception, Victoria commande à son portraitiste favori Winterhalter un tableau unique qui les représente. Ce fut le tout premier portrait de l’enfant.

L’éducation d’Arthur respecte scrupuleusement les règles aristocratiques de l’époque. Victoria n’est pas une mère très aimante. Elle délaisse volontiers ses enfants pour se tourner vers sa fonction royale. Mais le prince Albert adore passer du temps avec sa progéniture. C’est lui qui est chargé d’éduquer les enfants royaux. Il nomme pour cela des tuteurs particuliers pour son fils Arthur jusqu’à l’âge de 16 ans.

En 1861, son père chéri meurt prématurément au château de Windsor. A 11 ans, Arthur est profondément marqué par ce décès. Et pour cause, l’enfant est très attaché à ses parents, en particulier à son père. Pour leur dix-neuvième anniversaire de mariage, Victoria et Albert avaient reçu d’Arthur un dessin, représentant leurs chiffres, accompagné d’une tendre lettre. A la mort d’Albert, le prince se tourne vers l’image paternelle de son tuteur de l’époque le capitaine Howard Elphinstone.

En 1867, Arthur continue ses études en entrant à la Royal Military Academy de Woolwich. Avec ses études, le prince a trouvé sa passion : l’armée. Il sort ainsi de l’institution en 1868 avec un brevet des Royal Engineers.

 

Un amour naissant du Canada

A sa sortie de l’académie, Arthur débute une carrière militaire à succès. Dès 1869, il est affecté au Canada en sa qualité d’officier du détachement montréalais de la brigade des fusiliers. Il écrit dans son journal : « J’ai très hâte de me dire chez moi à Montréal, et d’avoir l’occasion de me familiariser avec ses institutions, ses habitants et son commerce ». Pendant son servie au Canada, Arthur doit diriger son armée contre un raid de Fenians en 1870. Ce mouvement interdit dans tout l’empire britannique combattait pour l’indépendance de l’Irlande vis-à-vis de la Grande-Bretagne. Dans ses mémoires, il se rappelle que « nous avons ouvert le feu et ils se sont rapidement dispersés ». Sa lutte contre le raid lui vaut l’attribution de la médaille du service général au Canada.

Cette même année, Arthur est le premier membre de la famille royale à assister à l’ouverture du Parlement canadien. À Brantford en Ontario, Arthur est adopté par la Première Nation Mohawk et devient un des chefs de la Confédération iroquoise, sous le nom Kavakoudge (« le soleil volant d’est en ouest sous l’égide du Grand Esprit »). La poète Pauline Johnson, dont le père est un chef présent à la cérémonie, écrit en 1911 : « Le jeune Arthur était ravi — les jeunes de la royauté ressemblent à tous les autres garçons ; cette cérémonie unique est un répit bienvenu dans la ronde sans fin de réceptions, de banquets et de discours d’État ». Pendant ses années au Canada, il visite plusieurs pays et rencontre même le président américain Ulysses S. Grant. Mais Arthur est contraint de rentrer en Angleterre pour reprendre sa vie de prince.

En 1874, la reine Victoria le fait duc de Connaught et de Strathearn. La souveraine ne se contente pas de lui offrir un titre. Elle arrange pour lui son mariage avec une princesse prussienne. Victoria se sert de ses enfants pour se rapprocher avec l’Europe du Nord, et tout particulièrement les principautés germaniques dont sa famille et celle de son époux défunt sont originaires. Il épouse donc la princesse Louise Margaret de Prusse le 13 mars 1879 en la chapelle Saint George du château de Windsor. Ensemble, ils ont trois enfants : d’abord Margaret en 1882, Arthur en 1883 et enfin Patricia en 1886.

Trois ans plus tard, Arthur part continuer sa carrière militaire en Egypte. Puis, il pose les pieds en Inde en 1886. Le prince obtient la reconnaissance du monde de ses capacités militaires, au point qu’il espère succéder au duc de Cambridge à la tête du commandement en chef de l’armée britannique, mais en vain.

Mais pendant tout ce temps, Arthur n’a pas oublié le Canada. En 1878, il écrit à sa sœur, la princesse Louise, suivant l’annonce que son époux lord Lorne a été nommé gouverneur général : « Tu sais à quel point je me sens Canadien, alors tu peux t’imaginer l’intérêt que je porte à ce qui s’y passe à l’heure actuelle. » Il ne peut s’empêcher de passer par le Canada lorsqu’il rentre d’Inde en 1890. Cette tournée du Canada est acclamée par la population qui l’accueille comme l’un des leurs. Victoria, satisfaite de l’accueil que le public canadien réserve à son fils, lui répond qu’il est grandement admiré et aimé en ce pays.

 

Arthur de Connaught, gouverneur général du Canada

A son retour au Royaume-Uni, Arthur cumule les grades prestigieux tel que commandant en chef de l’Irlande à partir de 1902. Un an auparavant, sa mère avait trépassé dans son palais de l’île de Wight. Son frère Edward était monté sur le trône. Pendant le règne d’Edward VII, sa carrière militaire ne cesse de progresser.

En 1910, George V monte sur le trône de Saint-Edward. Un an plus tard, le Premier Ministre Asquith le propose au roi comme nouveau gouverneur général du Canada. Le 6 mars 1911, George V annonce officiellement sa nomination. Arthur assiste au couronnement du nouveau monarque en sa qualité de pair d’Angleterre avant de partir pour le Canada avec son épouse et sa plus jeune fille. Ainsi, Arthur de Connaught devient le représentant officiel de George V en terre canadienne.

A peine arrivée, la famille vice-royale établit une tournée dans tout le Canada. Leur popularité est née. Il ouvre également la nouvelle session parlementaire canadienne à Ottawa avant de s’installer à Rideau Hall, la résidence officielle à Ottawa du gouverneur général. Le duc de Connaught débute une tradition qui veut que le gouverneur organise des réceptions privées qui rassemblent tous les partis politiques et tous les dignitaires du pays. Comme le souverain, le gouverneur général devient l’incarnation de tous les Canadiens. Le duc et la duchesse de Connaught commandent des rénovations majeures à Rideau Hall, qui selon la duchesse ressemble à « un gymnase flanqué d’un centre équestre réunis par un triste et petit portique ». Rideau Hall adopte ainsi sa forme actuelle, caractérisée par une longue galerie, une serre agrandie et des armoiries royales taillées dans la pierre, pendant le mandat du prince Arthur. Pendant ses représentations officielles, le duc est toujours accompagné de son épouse ou de sa fille qui devient extrêmement populaire.

En 1914, le Canada entre dans la Première guerre mondiale. En tant que militaire avant tout, Arthur souligne la nécessité d’établir une formation et une préparation accomplies des troupes canadiennes. Il est également très présent dans les services de guerre auxiliaires et les organismes de bienfaisance. Il n’hésite pas non plus à visiter les hôpitaux pour montrer son soutien moral à la population. Portant son magnifique uniforme de maréchal, il visite aussi les terrains d’entraînement et les casernes sans l’avis de ses ministres pour s’adresser aux troupes avant qu’elles partent pour l’Europe. Son épouse sert dans la Croix-Rouge tandis que sa fille donne son nom à un nouveau régiment canadien. La famille Connaught est entièrement dévouée au conflit et plus généralement au Canada. Mais le mandat du prince Arthur prend fin en 1916.

 

Au soir d'une vie

Une fois rentré au Royaume-Uni, le duc de Connaught reprend ses activités royales. Il est l’un des plus importants représentants de son neveu George V lors de nombreuses obligations qu’il effectue en son nom. Avec son épouse, il élit domicile Clarence House, à quelques mètres de Buckingham Palace. Grand amoureux de l’empire britannique, il ne cesse de voyager aux quatre coins du monde pour représenter le roi. Son fils devient d’ailleurs lui aussi gouverneur général mais d’Afrique du Sud cette fois.

Mais en 1917, son épouse meurt à Clarence House. De santé fragile, elle avait été perpétuellement malade pendant leur séjour au Canada. Le prince a du mal à se remettre de cette disparition. Il se retire alors très progressivement de la vie publique en se renfermant de plus en plus souvent dans sa villa Les Bruyères du Cap Ferrat qu’il achète en 1920. Quatre ans plus tard naît la princesse Elizabeth. La future reine Elizabeth II est baptisée à Buckingham et reçoit comme parrain le prince Arthur. Pendant la Seconde guerre mondiale, il devient une figure attachante pour les soldats sur le front qui voient en lui un grand-père patriotique.

 

Le duc de Connaught rend son dernier souffle le 16 janvier 1942 à Bagsthot Park dans le Surrey à l’âge vénérable de 91 ans. Il est inhumé au cimetière royal de Frogmore, dans le Grand Park de Windsor, face au mausolée qui habrite les tombes de ses parents. Il laisse au Canada un profond souvenir. Le passage du duc de Connaught au pays de la feuille d’érable a largement marqué son histoire et sa physionomie. Hormis les travaux qu’il a entrepris à Rideau Hall, de nombreuses villes, rues et édifices portent son nom. Il a même légué un concours de tir qu’il a créé pendant la Première guerre mondiale pour entraîner les troupes canadiennes, la Coupe Connaught, qui continue à récompenser les Canadiens. Plus qu’un prince, Arthur de Connaught fut sans aucun doute le plus canadien des membres de la famille royale.