L'histoire politique du style elizabethain

Elle est la reine de toute une époque. En elle repose le souvenir de notre histoire, le bonheur et les malheurs de notre présent. En bref, Elizabeth II représente le Royaume-Uni, le Commonwealth et bien plus encore. En un seul coup d’œil, on la reconnaît, au point que sa silhouette est devenue légendaire. Elizabeth II c’est donc un style particulier qui lui offre une aura de prestige qui force l’admiration du monde. On la connaît en jaune poussin, en bleu azur ou encore en rouge flamboyant. Cette reine d’un siècle est aussi une reine arc-en-ciel. Loin d’une quelconque frivolité, ses choix vestimentaires sont extrêmement calculés. L’heure est venue de vous compter l’histoire politique du vêtement elizabethain.

 

Une robe pour un couronnement

Elizabeth II monte sur le trône de Grande-Bretagne le 6 février 1952. La jeune souveraine de 25 ans se veut l’incarnation d’une nouvelle ère pour l’Angleterre. Les Îles britanniques se remettent difficilement de six années de guerre mondiale qui ont ébranlé le royaume. Vêtue d’une sublime robe en soie blanche ornée des symboles floraux de l’Angleterre, de l’Ecosse, de l’Irlande mais aussi du Pays de Galles, Elizabeth II fait son entrée dans l’abbaye de Westminster pour être couronnée. La jeune reine avait exigé auprès de son couturier fétiche Norman Hartnell que ces symboles ne soient pas brodés uniquement d’argent mais également de fils de couleur. Elizabeth sait ce qu’elle veut. Avec elle, la reine montre l’importance de l’union de son royaume tout en accordant une place à l’avenir de l’empire britannique qui se mue en une organisation appelée Commonwealth. Cette robe flamboyante qui figure sur tous les portraits officiels du couronnement ouvre le bal du style elizabethain.

 

La naissance d'une icône

Les années 50 sont l’heure des grands bals donnés en son honneur ou organisés sous les dorures de Buckingham. A chaque événement, la reine arbore de somptueuses robes blanches ornées de fils d’or et de dentelles confectionnées par Norman Hartnell. C’est lui qui donne naissance à l’image iconique de la souveraine immortalisée par le talentueux photographe de cour Cecil Beaton. Ce duo artistique donne naissance à l’image légendaire de cette jeune reine glamour qui représente le renouveau du Royaume-Uni.

En 1957, elle est au côté du prince Philip pour une visite officielle en France. Ils montent les splendides escaliers du palais Garnier avec le président René Coty. Elizabeth II fait sensation avec sa tiare Vladimir et sa robe Hartnell au point que les milliers de Français qui ont envahis les rues de Paris crient « vive la reine Elizabeth ». Venant d’un peuple qui a fait décapiter son roi, le symbole est grand.

 

La couleur comme symbole du règne

En dehors des robes de cour, Elizabeth II illumine le monde par un choix original. 1950, elle fait le choix d’offrir la confection de ses tenues à Hardy Amies. Ce styliste britannique qui avait créé sa maison de couture à la fin de la Seconde guerre mondiale a gardé le mandat royal jusqu’en 2002. Il a compris le souhait et le goût de la reine.

Elizabeth II n’est pas une férue de mode. Pour elle, il s’agit plutôt d’un uniforme qu’elle se doit de porter pour incarner la nation avec tous les symboles qui lui appartiennent. Alors quand elle le peut, elle préfère se tourner vers des vêtements qui conviendront parfaitement à ses attentes. Hardy Amies crée ainsi une ligne de vêtements qui lui permet de bouger à son aise, tout en incarnant la majesté de son modèle. Car c’est bien la principale demande de la souveraine.

Elizabeth II souhaite suivre les conseils de sa mère. De petite taille, elle demeure la souveraine qui doit être vue de tous à chaque instant de sa vie publique. Hardy Amies opte alors pour des couleurs flamboyantes pour concevoir ses tenues. Bleu, rouge, jaune, violet, orangé… La reine arc-en-ciel est née. Par ces couleurs, où qu’elle se trouve, le monde la perçoit facilement. Quotidiennement, elle devient l’élément central de la scène publique de la monarchie britannique.

 

Angela Kelly, l'habilleuse confidente de la reine

En 1992, la reine est en visite officielle en Allemagne. Elle rencontre alors Angela Kelly, l’intendante de l’ambassade britannique à Berlin. Le prince Philip lui demande qui sont les invités de la soirée mais Kelly refuse de lui divulguer le moindre nom. Ce mutisme impressionne le couple royal. Quelques semaines plus tard, Kelly est rappelée par Buckingham pour lui offrir le poste d’habilleuse en lieu et place de Peggy Hoath qui prend sa retraite.

Kelly devient bien plus qu’une habilleuse. Confidente et amie de Sa Majesté, elle garde toutes les confidences de la souveraine pour elle tout en ayant la responsabilité de la garde de son dressing et de ses bijoux. Leur relation est tellement importante que Kelly est devenue aujourd’hui la principale personne qu’il faut aborder pour tenter d’approcher la femme la plus célèbre du monde. Elizabeth II lui confie d’ailleurs rêver de pouvoir poser telle une star hollywoodienne les mains dans les poches. Qu’à cela ne tienne, le photographe Barry Jeffery est mandé à Buckingham pour réaliser une série de clichés dans la salle du trône mettant en scène une reine tout sourire de plus de 90 ans qui pose les mains dans les poches. L'habilleuse de la reine va jusqu'à lui obtenir une place pour suivre un défilé de mode en compagnie d'Anna Wintour en pleine fashion week londonienne en 2018. Jamais la souveraine n'avait assisté à un tel événement. Et au vu de son large sourire, elle a largement apprécié.

 

Finalement, en 2002, elle devient sa nouvelle styliste favorite. Avec Kelly, la reine assume son goût prononcé pour les couleurs chatoyantes. Le vêtement royal doit signifier au peuple la présence de la Reine, la respectabilité de la fonction, sa pesanteur, son histoire. Kelly dessine une nouvelle ligne de vêtements qui respectent toutes ces demandes.

 Le choix de la couleur n’est pas le fruit du hasard. Il correspond à un message politique adressé par la reine au monde. Car avec Elizabeth II, c’est une affaire de symboles. Quand elle visite le Canada, elle arbore une robe rouge surmontée d’un chapeau blanc, les couleurs du drapeau canadien. En 2018, alors qu’elle ouvre la traditionnelle nouvelle session parlementaire, Elizabeth II abandonne pour la première fois de son règne la pompe monarchique pour une robe violette associée à un chapeau de même couleur agrémenté de petites fleurs jaunes. La référence ne trompe personne. En plein débat sur le Brexit, Elizabeth II fait ouvertement référence au drapeau européen. Pour son discours historique en pleine épidémie du coronavirus, elle opte pour un vert symbole d’espoir. Elizabeth II ne peut discuter la politique de son royaume, mais rien ne l’empêche d’exprimer son avis par d’autres moyens. Pour elle, le vêtement est devenu une arme de communication incommensurable.