En 70 ans de règne, Elizabeth II aura connu tous les changements de notre monde : du premier homme sur la Lune aux réseaux sociaux, en passant par l’implantation de la télévision dans nos foyers. Elizabeth II est désormais la gardienne de notre passé. Pour s’imposer comme l’une des femmes les plus célèbres et les plus populaires du monde, elle a dû moderniser cette institution quasi millénaire qu’est la monarchie britannique.
Le conservatisme des premières années : influence de Queen Mum
Quand Elizabeth II monte sur le trône britannique le 6 février 1952, elle n’a que 25 ans. Extrêmement proche de sa mère Elizabeth Bowes-Lyon, désormais surnommée Queen Mum, elle lui téléphone chaque jour pour lui demander conseils. Elizabeth Bowes-Lyon entend bien devenir la maîtresse de cérémonie de la monarchie. Conservatrice, elle est très attachée aux traditions qui font de cette institution une exception dans le monde. Elizabeth II suit alors à la lettre les conseils de sa mère.
Une famille au service des traditions de la monarchie
Ses devoirs de souveraine sont ses seules préoccupations. Elle vit son règne comme un sacerdoce. Son premier souhait est de maintenir la monarchie. Et en ce début du règne, elle doit se confronter à un premier défi.
La princesse Margaret tombe amoureuse du captain Peter Townsend, l’ancien écuyer de George VI. En 1953, en plein préparatifs du couronnement, elle demande à sa sœur l’autorisation de l’épouser. Peter Townsend est un héros de la Seconde guerre mondiale mais il est aussi divorcé et père de famille. Elizabeth II demeure la cheffe suprême de l’Eglise d’Angleterre, et l’Eglise condamne encore le remariage des personnes divorcées. Elizabeth II ne peut s’exprimer favorablement pour ce mariage malgré le soutien des médias. Margaret est dévastée. Ce refus royal va longtemps détériorer leur relation.
L’autre grand défi de la reine a lieu trente ans plus tard. Les traditions sont les piliers de la monarchie britannique. Elizabeth II en est totalement consciente. C’est ainsi qu’en 1981, Lady Diana Spencer est choisie pour épouser le prince Charles. Cette jeune aristocrate anglicane répond à toutes les demandes imposées à une future reine-consort. Ce mariage fut arrangé par Queen Mum et sa dame de compagnie Lady Fermoy, la grand-mère de Diana. Malgré la naissance de deux garçons en 1982 et 1984, le mariage est un échec. Chacun vit sa propre vie de son côté et le quotidien est rythmé à coups de scandales médiatiques. Leur union prend fin en 1996 par un divorce. Un an plus tard, la princesse de Galles perd la vie lors d’un accident de la route à Paris. Quand la reine apprend la nouvelle, elle protège d’abord ses petits-fils de la folie médiatique en enfermant sa famille dans son domaine de Balmoral. L’incompréhension règne chez les Britanniques, désireux de voir leur reine s’exprimer. La crise de la mort de Diana prend fin quatre jours plus tard, quand la reine rentre à Londres, prononce un discours en hommage à Diana et lui accorde des funérailles dignes d’une Altesse royale. Cet épisode va marquer durablement l’esprit de la reine.
Vers la modernisation de la famille royale
La mort de Diana est un tournant pour Elizabeth II. Elle prend conscience que les Britanniques ne veulent plus de cette monarchie lointaine qui parait hors du temps. Les mariages arrangés et les apparitions distantes de la famille royale ne suffisent plus à contenter le peuple. Il est temps de moderniser la monarchie.
Dès la semaine qui suit le décès de la princesse de Galles, Elizabeth II se risque à des bains de foule. On la voit aussi s’assoir aux côtés des enfants lorsqu’elle visite des écoles, tester des nouvelles lunettes 3D qui lui sont présentées à Buckingham ou encore participer à des poignées de main populaires avec Tony Blair pour ses 50 ans de règne. Une reine plus décontractée et chaleureuse se montre au monde.
Elizabeth II est née en 1926. Ses parents lui ont inculqué une éducation qui respectent à la lettre les mœurs victoriennes. Dès son plus jeune âge, elle se devait de montrer une certaine distance, tout en gardant secret ses sentiments. La devise de la reine Victoria, « Never explain, never complain » est aussi celle d’Elizabeth II. Mais désormais, elle tire les leçons des actes de la princesse de Galles pour faire correspondre la monarchie aux nouvelles mœurs de la société.
Elle sait dorénavant que le bonheur de sa famille est la clé du maintien de la Couronne. En 2005, elle accepte que son fils Charles épouse son amour de toujours Camilla Parker-Bowles. En 2011, le prince William obtient l’accord de la reine d’épouser Kate Middleton, une roturière qu’il avait rencontré sur les bancs de l’université de Saint Andrews. C’est une révolution pour la monarchie britannique ! En 2018, elle frappe encore plus fort en acceptant l’union du prince Harry avec Meghan Markle, une actrice américaine divorcée et métisse.
Mais cette immense évolution de la reine n’a pas empêché la naissance de nouveaux scandales. Le prince Harry et son épouse décident de fuir leurs obligations pour partir vivre aux Etats-Unis en octobre 2019. A la même période, le prince Andrew demande à la reine de se retirer de la vie publique. Il est lié à l’affaire Epstein, une affaire de prostitution de mineurs. L’une des victimes porte plainte contre lui. Elizabeth II va jusqu’à retirer les parrainages et les titres militaires de son fils en janvier 2022, avant de conclure un accord avec les avocats de la victime. Mais ces scandales n’entachent en rien la popularité de la reine.
Une évolution de la communication royale
Car c’est bien là la véritable capacité d’Elizabeth II. La reine a durant tout son règne montré de fortes capacités à s’adapter pour faire correspondre la Couronne aux attentes de son peuple. Son rôle est de suivre, voir même de devancer, les demandes des Britanniques.
Dès son couronnement, le 2 juin 1953, Elizabeth II entretient un lien particulier avec les médias. Pour ce jour si important dans sa vie, elle accepte la proposition du prince Philip de filmer et diffuser en direct dans les télévisions du monde entier l’intégralité de la cérémonie, au grand dam de Winston Churchill et de sa grand-mère qui s’y opposaient. Le duc d’Edimbourg, admirateur des progrès techniques de son temps, veut rendre la monarchie plus humaine, plus proche de son peuple. La famille royale se veut encore plus accessible lorsqu’elle s’adonne à l’enregistrement d’un film sur leur quotidien en 1969. Le film diffusé sur la BBC est un énorme succès et met l’accent sur la « normalité » de la reine. Mais le film ouvre la porte à la curiosité des Britanniques, avide de toujours plus de détails sur la vie privée des Windsor.
A la fin des années 1950 la télévision surplante la radio, la communication de la reine doit alors changer. En 1957, elle prononce son premier discours de Noël télévisé. Désormais, la figure de la souveraine entre dans les foyers des Britanniques. Avec le temps, elle se familiarise avec la caméra pour se rendre plus proche de ses sujets. En 2012, elle accepte même de participer à un court-métrage avec Daniel Craig dans le rôle de James Bond pour la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Londres.
Elizabeth 2.0
Elizabeth II s’intéresse aux nouvelles technologies pour toujours faire évoluer l’institution. En 1976, elle envoie le tout premier e-mail de l’histoire. Pour toujours mieux maîtriser la communication de la famille royale, elle ouvre en 1997 son site internet officiel. Grâce à lui, la Couronne peut publier ses communiqués en contournant les tabloïds et leur pouvoir de nuisance.
En 2008, une chaîne YouTube est ouverte, puis viennent une page Facebook, et des comptes Instagram et Twitter. Elizabeth 2.0 est née. Par ses réseaux sociaux, la famille royale se dévoile tout en contrôlant parfaitement son image.
Quand la crise du Covid-19 s’impose en 2020, le monde se confine. La famille royale ne fait pas exception. Plus que jamais, les réseaux sociaux vont montrer leur importance. Ils deviennent les principaux moyens de communication des Windsor. Chaque membre de la famille royale travaille à distance pour encourager le moral des Britanniques. A 95 ans, Elizabeth II donne ainsi un grand nombre de conférences depuis le château de Windsor. Pour servir, quelles que soient les circonstances, Elizabeth II devient une reine connectée.
A l’heure du jubilé de Platine, nous célébrons Elizabeth II, une reine de son époque qui a su moderniser avec brio la monarchie britannique pour en faire une institution populaire et incontournable.