Le 17 juillet 1918, la famille impériale de Russie est conduite dans la cave d’un manoir lugubre de Iekaterinbourg. Entourés de leurs domestiques, Nicolas II et les siens sont brutalement assassinés par les Bolcheviques. Le dernier tsar de toutes les Russies devient un martyr pour beaucoup. Nicolas II était très proche de la famille royale britannique. Pourtant, George V n’est pas intervenu pour sauver son cousin. La raison peut être sombre pour certains et compréhensibles pour d’autres.
A l’heure de l’anniversaire de la mort de Nicolas II et sa famille, je vous invite à revenir sur les liens complexes de Nicolas II et la famille royale britannique.
Nicolas et la famille royale britannique, les liens du sang
Nous sommes en 1884. La princesse Elizabeth de Hesse-Darmstadt épouse le grand-duc Serge Romanov, le frère cadet du tsar Alexandre III. La sœur cadette de la mariée est une jeune fille de 14 ans qui répond du nom d’Alix. La jeune princesse repère rapidement l’un des invités. Le tsarévitch Nicolas est un fringuant jeune homme de 16 ans. C’est un véritable coup de foudre. Entre eux naît une véritable romance, à tel point que leur amour perdura jusqu’à la fin de leur vie. Pourtant, Alix était d’abord destinée à épouser le prince Albert-Victor de Clarence, alors que Nicolas devait s’unir à la princesse Hélène d’Orléans.
La romance de Nicolas avec Alix lui permet de resserrer encore plus ses liens avec la famille royale britannique. Et pour cause, il est cousin avec l’actuel duc d’York, futur George V, par sa mère. Effectivement, sa mère Dagmar est la sœur de la reine Alexandra, qui a épousé le prince de Galles et futur Edward VII en 1863.
Quant à Alix, elle est un membre de la famille royale britannique à part entière. Sa mère Alice est le troisième enfant de la reine Victoria et du prince Albert de Saxe-Cobourg-Gotha. Ainsi, Alix n’est autre qu’une petite-fille de la légendaire reine Victoria. Petite fille souriante et équilibrée, elle est à tout jamais marquée par les disparitions rapprochées de sa mère et de sa sœur cadette. Elle devient alors une jeune fille timide, triste et égarée. Pour l’élever, elle peut compter sur sa grand-mère Victoria qui la prend sous son aile. La vieille souveraine se reconnaît en la personnalité mélancolique d’Alix. A ses yeux, elle est sa petite-fille préférée.
Nicolas II et George V, les cousins jumeaux
Les liens du sang de Nicolas et Alix avec la famille royale britannique se trouvent être une réalité depuis leurs naissances. L’amour qui les lie n’a fais que les rapprocher avec leur famille venue d’Angleterre.
Alexandra et l’impératrice Dagmar sont extrêmement proches. Avec seulement trois années d’écart, celles qui étaient à l’origine des princesses danoises ne restent jamais très longtemps sans se voir malgré les milliers de kilomètres qui les séparent. C’est ainsi qu’en 1889, elles se retrouvent au château de Fredensborg au Danemark. Avec elles, elles amènent leurs fils respectifs.
Nicolas et George s’apprécient véritablement. Plus que des cousins, ils sont de véritables amis. Tous deux sont timides et renfermés. Ils sont aussi tous deux de grands amateurs de cigars. Ils font extrêmement attention à leur image et soignent délicatement leurs barbes. Appréciant le même style vestimentaire, au cours du temps, ils se ressemblent de plus en plus, au point de faire penser à des jumeaux. Posant volontiers ensemble devant les objectifs, leur ressemblance est si frappante qu’on a aujourd’hui du mal à les différencier.
Des fiançailles victoriennes
Le 4 avril 1894, toute la famille royale britannique se rassemble au château de Cobourg, en Allemagne, pour un événement d’exception. La princesse Victoria-Mélita de Saxe-Cobourg-Gotha épouse Ernest-Louis de Hesse-Darmstadt. Ce dernier n’est autre que le frère d’Alix. Chose exceptionnelle, la reine Victoria fait le voyage depuis Londres pour se rendre au mariage de son petit-fils.
Ce jour-là, le mariage n’était pas l’unique événement qui justifiait un tel rassemblement familial. Ce jour-là, Nicolas et Alix officialisent leurs fiançailles. C’est donc en présence de leur famille britannique, et surtout celle de la reine Victoria, que le jeune couple exprime ses sentiments pour un futur mariage.
Un mariage sous l’œil admiratif du prince de Galles
A peine sept mois plus tard, le 11 novembre 1894, le tsar Alexandre III rend son dernier souffle. Quinze jours plus tard, le nouvel empereur Nicolas II épouse son grand amour à Saint-Pétersbourg. Juste avant le mariage, Alix se convertie à l’orthodoxie et devient Alexandra Fedorovna.
A 75 ans, la reine Victoria ne peut se rendre elle-même en Russie. Pour la représenter, elle envoie le plus important de ses représentants, son héritier le prince de Galles. Edward est au plus près du jeune couple qui s’unie sous les dorures du Palais d’Hiver. Sa présence ne sera jamais oubliée par le tsar Nicolas. Grâce à elle, il demeure très proche de son oncle aussi imposant qu’attentif au bonheur du couple impérial russe.
Balmoral : la dernière visite à la reine Victoria
Il fallut peu de temps pour que l’impératrice Alexandra donne naissance à un premier enfant. Le 15 novembre 1895 naît la grande-duchesse Olga.
Quelques mois plus tard, en 1896, Nicolas et Alexandra se rendent à Balmoral, la résidence écossaise de la reine Victoria. Alexandra a à cœur de présenter son premier enfant à sa chère grand-mère qui lui a tout offert pendant son enfance.
Cette visite restera dans l’histoire comme la dernière visite du couple impérial à la légendaire souveraine. Ils profitent des paysages sauvages de Balmoral, tout en gardant de nombreux souvenirs avant leur départ grâce à des photographies instantanées. Le couple impérial et leur fille posent auprès de la reine et du prince de Galles avant de prendre la route pour Saint-Pétersbourg et affronter de nombreux temps difficiles.
Rapprocher la Russie et l’Angleterre
En 1908, le Royaume-Uni et la Russie se heurtent sur des différends coloniaux. Il faut régler ce problème politique rapidement. En ce début de XXe siècle, les temps ont bien changé. La reine Victoria est morte en 1901, laissant son trône à Edward VII. Nicolas II et Alexandra arrivent en Angleterre avec toute leur famille. Désormais, le couple est entouré de cinq enfants.
C’est précisément sur l’île de Wight dans la résidence de Osborne House qu’Edward VII accueille son neveu. Après avoir profité des plaisirs des retrouvailles, les familles royale et impériale se rassemblent dans la baie de Reval, aujourd’hui Tallinn. Suite à la signature de l’entente anglo-russe en 1907, l’heure est au rapprochement définitif. Ce rendez-vous diplomatique figure comme les prémices de la Triple Entente.
En août 1909, Nicolas II et Alexandra retournent vers l’île de Wight pour visiter leur famille britannique. Edward VII et les siens sont accueillis par Nicolas II et Alexandra sur leur navire le Standart pour assister à la semaine de Cowes, une compétition nautique annuelle au Royaume-Uni. Désormais, les bonnes relations anglo-russes sont officialisées.
1913, la dernière rencontre
En cette nouvelle décennie, l’Europe est un véritable volcan en sommeil. Les rivalités brouillent les relations internationales. Trois empereurs, qui sont cousins, sont alors les souverains les plus puissants de leur temps : George V du Royaume-Uni, qui accède au trône en 1910, Nicolas II de Russie et Guillaume II d’Allemagne.
Le 24 mai 1913, le prince Ernest Auguste de Hanovre épouse la fille de Guillaume II, la princesse Victoria Louise de Prusse à Berlin. L’événement est l’occasion de rassembler une nouvelle fois les familles royales d’Europe. Nicolas II et George V répondent présents à l’invitation. Le tsar et le roi sont véritablement heureux de se retrouver. George V note dans son journal : « À 16 heures, nous étions habillés prêts pour le mariage, je portais l'uniforme du 8e cuirassier et nous avons été photographiés avec Nicky. » Par courtoisie, les deux souverains sont vêtus des uniformes de régiments du pays hôte dont ils possèdent des titres honorifiques.
Aussi faste et joyeux que fut ce mariage, il reste dans l’histoire comme le dernier grand rendez-vous royal avant la Première guerre mondiale. Pour George V et Nicolas II, ce fut leur dernière rencontre.
La mort tragique de la famille impériale
La Russie ne connaît pas les victoires attendues pendant le conflit. Mal conseillé et mal préparé, Nicolas II tente malgré tout de diriger ses armées en se rendant directement sur le front. Mais surtout, la Russie doit faire face à une révolution sanglante. Le peuple se soulève contre le pouvoir impérial alors qu’une monarchie parlementaire avait été instituée en 1907. En février 1917, des manifestations entrainent l’abdication de Nicolas II. Les Bolchéviques, menés par Lénine, prennent la tête de la révolution. De prison en prison, les Romanov déambulent dans toute la Russie avant d’être envoyés à Iekaterinbourg.
L’empereur est désespéré. Il souhaite avant tout sauver sa famille du courroux des Bolchéviques. Il demande alors l’aide de son cousin George V. En premier lieu, le gouvernement britannique accorde l’asile à la famille impériale déchue. Mais finalement, le roi intervient personnellement pour retirer cet accord d’asile. La si proche relation entre les deux cousins pendant leur jeunesse a de quoi étonner cette décision. Pourtant, la raison d’Etat l’emporte sur les sentiments familiaux.
En cette période tumultueuse, les envies révolutionnaires foisonnent dans toute l’Europe. En dehors de la Russie, le Portugal a lui aussi connu le renversement de sa monarchie en 1910. George V veut avant tout sauver la monarchie britannique. Il craint que l’arrivée de la famille impériale en Angleterre fasse naître un sentiment révolutionnaire sur les Îles britanniques. Au-delà des relations familiales, George V met ses devoirs avant toute chose. Pour perdurer, il abandonne son cousin à son sort qui finit assassiné le 17 juillet 1918.
L’héritage russe dans la monarchie britannique va au-delà des relations familiales. Aujourd’hui, certains bijoux avaient d’abord appartenu à la famille impériale. Parmi eux, on compte le diadème Vladimir affectionné par la reine Elizabeth II qui avait été vendu par la princesse Nicolas de Grèce à la reine Mary en 1921. En somme, le souvenir de Nicolas II et sa famille reste très présent chez les Windsor. Face à son destin tragique, qui finalement n’aurait pas pu être autrement au vu du symbole qu’il représentait, la famille royale britannique ne reste pas insensible. En 1990, les corps de la famille impériale sont retrouvés et authentifiés. Le gouvernement de l’URSS organise le 17 juillet 1998 des funérailles grandioses pour les réhabiliter. Pour la représenter, Elizabeth II envoie son cousin le prince Michael de Kent qui ressemble tant au défunt tsar. Ainsi s’achèvent les derniers feux de la relation anglo-russe de Nicolas II et ses cousins anglais.