Au détour d’une plage submergée par la lumière se dresse fièrement un palais enchanteur : Osborne House. Cet ancien palais royal fait figure d’exception parmi ceux qui peuplent le paysage britannique. Il est aujourd’hui un symbole, celui d’un amour éternel qui a lié la plus puissante souveraine de son temps à un prince germanique.
Un palais pour un bonheur familial
Quand Victoria devient reine en 1838, elle est un cœur à prendre. Alors que les prétendants ne manquent pas, elle choisit finalement son cousin le prince Albert de Saxe-Cobourg-Gotha. Le couple s’unit au palais Saint-James en 1840. Ce mariage politique est aussi un mariage d’amour. Après plusieurs décennies de scandales royaux en Grande-Bretagne, Victoria et Albert entendent devenir un couple modèle qui attend peu de temps pour voir leur première fille naître.
En 1845, le couple royal a déjà quatre enfants. Ils veulent alors un lieu unique qui offre un cadre chaleureux, naturel et loin du protocole pour élever convenablement leurs enfants. Cette année-là, Victoria et Albert achètent une petite demeure sur l’île de Wight à Lady Isabella Blachford, fille cadette du 3e duc de Grafton qui avait été Premier Ministre de George III.
Cette demeure de type géorgienne de trois étages dispose d’une tour belvédère. Agrémentée d’un immense parc et d’une plage privée, la maison semble idéale pour permettre à la famille royale de vivre en toute intimité sans se soucier du protocole. Mais elle parait très vite trop petite pour accueillir la famille royale qui s’agrandit peu à peu.
Victoria connaissait déjà l’île de Wight avant cet achat. Elle avait passé quelques vacances avec sa mère la duchesse de Kent au château voisin d’Osborne de Norris. Elle avait toute sa vie gardé un fabuleux souvenir de ses séjours sur l’île.
Le prince Albert, père d'Osborne House
En 1845, le prince Albert dessine les plans de sa nouvelle demeure en étroite collaboration avec l’architecte Thomas Cubitt. Il imagine un palais de style renaissance qui reprend la tour belvédère d’origine en construisant en face sa jumelle. Avec une pierre de couleur beige, le Soleil de l’île de Wight reflète l’éclatante originalité de ce palais qui fait figure d’exception dans le paysage anglais.
En 1851, Osborne House est officiellement achevée. Elle se dresse fièrement face à ses voisins français. Depuis ses fenêtres, la reine Victoria peut voir les cotes de ce pays qu’elle apprécie tant.
Entre les murs de leur résidence estivale, Victoria et Albert affichent fièrement leur bonheur familial. Ils s’y rendent à plusieurs reprises au cours d’une année. D’abord en mai, la famille royale fête l’anniversaire de la reine. En juillet et août, ils fêtent ensuite l’anniversaire du prince Albert. Puis, à partir de 1861, Victoria s’y rend pour les fêtes de fin d’année.
Osborne House est synonyme de bien-être, de bonheur et de fêtes pour la reine Victoria et les siens. Ils aiment se retrouver en famille pour échapper au poids de la couronne et du protocole, au point de mettre en scène leur famille devant l’objectif en posant dans les jardins d’Osborne House. La reine Victoria va même jusqu’à se faire construire une roulotte pour lui permettre de se baigner en toute intimité. Victoria et Albert aiment aussi s’offrir mutuellement des cadeaux à divers occasions. Osborne House va alors abriter toutes ces œuvres d’art qui symbolisent éternellement leur amour.
Les vestiges d'une vie passée
En décembre 1861, le prince Albert décède prématurément. La reine Victoria n’est plus que l’ombre d’elle-même. Les résidences royales deviennent pour elle des refuges qui lui permettent de se recentrer sur sa vie passée avec Albert. Osborne House est l’une d’entre elle. Lorsqu’elle déambule dans ce palais d’été imaginé par son défunt époux, tout lui rappelle le prince Albert.
Elle tente de retrouver le temps d’une journée un peu de gaieté le 1er juillet 1862. Ce jour-là, sa fille la princesse Alice épouse le prince Louis de Hesse-Darmstadt à Osborne House, sous un portrait de Winterhalter représentant le couple royal et leurs cinq premiers enfants. Mais il faut attendre la fin de sa dépression pour voir le palais évoluer à nouveau.
En 1890, elle fait ajouter une aile pour contenir les salles d’audience, de conseil et la célèbre salle Durbar. Parce que 15 ans auparavant, Benjamin Disreali lui a offert la couronne impériale. Devenue impératrice des Indes, elle se prend de passion pour la culture du joyau de son empire. Elle commande à Rudolf Swoboda une décoration indienne pour Osborne House avec de nombreuses gravures et peintures. Mais surtout, elle fait construire cette fabuleuse salle d’un blanc écarlate où trône un paon, symbole de l’Inde.
L'après Victoria, un destin oublié
Comme chaque année depuis la mort du prince Albert, la reine Victoria se rend à Osborne House pour les fêtes de Noël de 1900. Très vite, son état de santé se dégrade, au point d’être alitée. Elle rend finalement son dernier souffle dans sa chambre entourée de sa famille dont le prince de Galles et le kaiser Guillaume II. Une page se tourne dans l’histoire d’Osborne House.
Devenu roi, Edward VII n’a pas l’intention de garder Osborne House, qu’il a toujours détesté. Le jour de son couronnement en 1902, il va à l’encontre des dernières volontés de sa mère qui souhaitait qu’il reste entre les mains de la famille en le vendant à la Couronne. Le palais demeure en l’état, comme l’a laissé la reine Victoria. Il devient ainsi un musée privé en l’honneur de la souveraine où seuls les membres de la famille royale peuvent s’y rendre.
En 1903, une partie de la demeure est dévolue au Royal Naval College où des jeunes garçons de plus de 13 ans viennent se préparer à rentrer au Royal Naval College de Darmouth. Parmi les élèves, les futurs rois Edward VIII et George VI y ont fait leurs classes. Mais cette parenthèse éducative sera brève puisque le collège ferme ses portes en 1921.
Osborne House commence alors à ouvrir ses portes au public. Le rez-de-chaussée est d’abord accessible, avant que la reine Elizabeth II ouvre les appartements privés du premier étage en 1954. Le deuxième étage est ensuite visitable à partir de 1989. Aujourd’hui, Osborne House est gérée par les monuments historiques britanniques.
Osborne House est le dernier grand vestige de l’ère victorienne. En poussant les portes de cette demeure aux accents italiens, nous découvrons les coulisses d’un règne légendaire où rien n’a bougé. Osborne House est bien ce temple de l’amour familial, dernières ruines de la puissance de l’empire britannique.