Les Stuart d'Aubigny ou l'Ecosse en Berry

C'est l'une des singularités de la Sologne que d'abriter les souvenirs de la dynastie écossaise des Stuarts. Et c'est l'histoire d'un roi de France (Charles VII) acculé en Berry par le roi d'Angleterre (Henri V) à recourir à l'aide militaire d'un connétable d'Ecosse (Jean Stuart de Darnley), en vertu d'un traité d'assistance militaire conclu deux siècles plus tôt : l'Auld Alliance. Demeurée vivace dans la mémoire locale par-delà les siècles, cette histoire franco-écossaise est sortie des grimoires à l'initiative d'un député-maire ambitieux et visionnaire (Yves Fromion), qui choisit de miser sur ce particularisme pour distinguer sa cité. Trente ans plus tard, les fruits de cette initiative collective (un élu et ses concitoyens) sont visibles aux yeux de tous, le festival annuel franco-écossais d'Aubigny-sur-Nère étant devenu un rendez-vous incontournable pour tous les passionnés de culture anglo-saxonne.

 

L'Auld Alliance : what is it ?

Les revendications territoriales des rois d'Angleterre sur la terre de France et la lutte pour la prépondérance en Europe amenèrent le roi de France à rechercher une alliance politique et militaire avec le roi d'Ecosse et celui de Norvège. Le traité de l'Auld Alliance fut signé à Paris le 23 octobre 1295 par Philippe le Bel et les représentants de John Balliol, roi d'Ecosse, puis ratifié le 23 février suivant et confirmé le 26 par le Parlement écossais. Le traité prévoyait une assistance militaire mutuelle en cas d'attaque anglaise. En avril 1326, le roi Robert the Bruce renouvela l’alliance par le traité de Corbel.

Sous sa forme initiale, l'Auld Alliance fut invoqué à six reprises durant la guerre de Cent Ans. En 1336, Philippe VI de France fournit une aide militaire à David II d'Ecosse, alors exilé en France et dix ans plus tard, l’Écosse envahit l’Angleterre pour défendre les intérêts de la France. L’armée écossaise fut défaite et le roi d'Ecosse fut fait prisonnier lors de la bataille de Neville's Cross. En 1385, une flotte française de 180 navires mouilla au large de l'Écosse sous les ordres de Jean de Vienne. Mais le débarquement, à proximité d'Edimbourg, fut un échec...

En 1421, à Baugé, les forces franco-écossaises vainquirent les Anglais. En remerciement, le roi Charles VII récompensa les Écossais de marque, et notamment le prestigieux chef de l'armée écossaise en France et cousin du roi d'Ecosse : John Stuart de Derneley, à qui fut offerte la ville et seigneurie d'Aubigny (cité de Sologne située sur la Nère) ainsi que la seigneurie de La Verrerie à Oizon.  

Après l'anéantissement des armées écossaises lors de la bataille de Verneuil, en 1424, un corps écossais fut constitué pour défendre la personne du roi de France, dont la protection sera longtemps assurée exclusivement par la Garde écossaise, avant d'être remplacée par la Garde suisse. En 1429, lors du siège d'Orléans, Jeanne d'Arc fut assistée par des Ecossais. Au XIXe siècle, le romancier britannique Walter Scott évoquera ces mercenaires écossais dans la figure de Quentin Durward.

Au titre de l'Auld Alliance, de nombreux Écossais passèrent au service de la France et s'installèrent dans le royaume des Lys. Jusqu'en 1903, les Français résidant en Ecosse et les Ecossais résidant en France bénéficiaient automatiquement de la double nationalité (la clause ayant été révoquée par la France).

Le 11 février 2018 s'est déroulée en Ecosse la première édition de l'Auld Alliance Trophy entre la France et l'Écosse dans le cadre du tournoi des Six Nations sur la pelouse du Murrayfield Stadium à Édimbourg. La seconde édition de ce trophée s'est jouée au Stade de France, le 23 février 2019 et fut également l'occasion du lancement de l'Auld Alliance Day dédié à la célébration, des deux côtés de la Manche, du traité d'alliance multiséculaire.

 

Les Stuarts d'Aubigny

Le petit-fils de John Suart, Bérault, et son gendre Robert Stuart (tous deux compagnons d'Arles de Bayard), firent construire les châteaux d'Aubigny et de La Verrerie.

Devenue officiellement la Cité des Stuarts, Aubigny-sur-Nère fut en 1512 le théâtre d'un incendie qui la détruisit presque totalement. Pour aider à sa reconstruction, le maréchal Robert Stuart autorisa les habitants à se servir en bois de charpente dans trois de ses forêts. Commerçants dans l'âme, les Stuarts d'Aubigny promurent l'industrie et le commerce d'un drap de qualité qui fit la réputation de leur ville.

Cette dynastie franco-écossaise s'illustra au XVIe siècle durant les guerres d’Italie, les armées de Charles VIII étant commandées par Béraud Stuart et celles de Louis XII par Robert, respectivement 4e et 5e seigneurs d'Aubigny. De ces pérégrinations, ils revinrent avec des idées de constructions, ce dont témoignent les châteaux d'Aubigny et de la Verrerie.

Les Stuart d'Aubigny s'éteignirent en 1672, et Louis XIV rentra en possession de la ville. Mais voulant être agréable au roi d’Angleterre, un Stuart (Charles II), le Roi Soleil fit don de la seigneurie d’Aubigny à la maîtresse de ce dernier, Louise Renée de Penancoët de Keroual, en 1673. Bretonne de naissance devenue dame d'honneur d'Henriette d'Angleterre (épouse de Monsieur, frère du Roi), elle fut surnommée outre-Manche la « putain française », et mit au monde un enfant naturel du monarque britannique : Charles Lennox, duc de Richmond. Charles II, très épris, l'avait faite duchesse de Portsmouth et, à ce titre, fut un agent d'influence de la Cour de France à la Cour Saint James. Pour elle, Louis XIV érigea Aubigny en duché-pairie.

Dans son domaine français, la duchesse de Porsmouth créa de magnifiques jardins dans le style de Le Nôtre. Les héritiers de la Duchesse conservèrent la propriété de la seigneurie d'Aubigny jusqu'à la Révolution. Parmi ses descendants figurent notamment Lady Di, Sarah Ferguson et Camilla Parker Bowles (par le duc de Richmond) !

 

L'empreinte Stuart

C'est d'abord un patrimoine de pierre. Le château d'Aubigny, (aujourd'hui le siège de la Mairie), commencé par Robert Stuart au XVIᵉ siècle puis remanié par Louise de Keroual (duchesse d’Aubigny et de Portsmouth), comportait jadis deux ailes reliées par un pavillon d’entrée. Il n'en demeure aujourd'hui que la façade et l’aile gauche. Le pavillon d’entrée est doté de tourelles en encorbellement date de Robert Stuart, dont les armes sont encore visibles sur la clé de voûte du porche. A l'intérieur du château sont conservées les tapisseries d’Aubusson offertes par Louis XIV à  la duchesse de Porstmouth, dont le blason orne encore les taques de cheminées.

Ce qui demeure des anciens jardins à la française sont les charmilles, un jardin anglais occupant depuis le XIXe siècle le centre de la promenade.

Parmi les élégantes maisons à colombages bâties après le grand incendie du XVIe siècle, la Maison du Bailli a conservé le souvenir des Stuart, le B de Béraud et le A d'Anne se retrouvant parmi les motifs ornementaux. Quant à l'église Saint-Martin, elle fut restaurée sous Robert Stuart.

Quant au château de La Verrerie, il présente l'apparence de celle que lui donnèrent les Stuarts.

 

La renaissance écossaise

En 1990, la Municipalité décide de relancer les Fêtes franco-écossaises nées en 1931 et de recréer un lien identitaire entre l’Ecosse et Aubigny, avec l'objectif de vitaliser l’économie touristique. Ainsi ont été créés le Mémorial de l’Auld Alliance, le Centre de Recherche sur l’Auld Alliance, le Pipe Band d'Aubigny, le Whisky made in Aubigny, ainsi que les Fêtes franco-écossaises d'été. Ces festivités rassemblent plusieurs milliers de personnes venues assister au Tattoo (défilé de pipe bands), aux concerts, aux défilés historiques, campements d’Highlanders, jeux médiévaux, et profiter du marché médiéval achalandé par des producteurs écossais.

Sans oublier le banquet, au cours duquel est servi le plat écossais typique, le Haggis (panse de brebis farcie). Les Fêtes franco-écossaises d'Aubigny ont été récompensées en 2010 par « Les Etoiles du Tourisme ».

Tout au long de l'année, des échanges culturels noués notamment dans le cadre du jumelage avec la ville écossaise d’Haddington, située dans la région d’East Lothian, (à une trentaine de kilomètres d’Edimbourg), maintiennent éveillé ce lien fraternel entre l'Ecosse et la Sologne.

Accentuant encore la touche anglo-saxonne, en 2021, la Municipalité et l'Office national des combattants et des victimes de guerre ont honoré la mémoire d'Anna Guérin, la Poppy Lady de France, en inaugurant le premier espace public dédié à celle qui, à l'issue de la Grande Guerre, institua conjointement la fleur interalliée du souvenir militaire (le coquelicot, ou Poppy) et la journée du Souvenir du 11-Novembre (le Poppy Day).