Le 7 mars 2019 est une nouvelle date à graver sur le marbre blanc elizabethain. Ce jour la reine publie son premier post signé de son nom sur le réseau social Instagram. Elle dévoile à ses cinq millions de followers une lettre écrite par le scientifique britannique Charles Babbage à son arrière-arrière-grand-père le prince Albert en 1843. Du haut de ses quatre-vingt-douze ans, Elizabeth II continue d’impressionner le monde. Après six décennies passées sur le trône de Grande-Bretagne, la reine reste soucieuse d’incarner une monarchie moderne emplie de traditions. Cette publication instagramante s’inscrit directement dans cette vision particulière de la monarchie qui fait sa réussite.
Mais Elizabeth n’en est pas à son premier coup d’éclat en communication. Depuis sa naissance un jour d’avril 1926, le monde a connu bien des changements dont elle dut faire face avec majesté. Retour sur une histoire elizabethaine des médias.
Le monarque a une voix
A la naissance de celle que l’on appelle Lilibeth le rôle public de la famille royale est relativement restreint. Les apparitions au balcon de Buckingham, les discours d’inauguration, les représentations officielles et les dîners d’Etat rythment la vie de la Maison Windsor. Mais en 1932, le roi George V impose ce qui devient très vite une tradition incontournable. Il prononce son premier discours de noël radiodiffusé dans tout l’empire britannique. Le roi s’immisce dans les foyers de ses sujets. C’est une révolution ! En plus d’avoir un visage, le roi a désormais une voix. Plus jamais la vie de la famille royale ne sera comme avant. Chaque grand événement de sa vie publique devient désormais retransmis par les TSF du monde entier. Jusqu’à sa mort, George V continue à prononcer ses discours de noël à la radio. Edward VIII monte sur le trône en janvier 1936. Lorsque le jeune monarque décide d’abdiquer « pour la femme que j’aime », c’est aussi par la voix des ondes qu’il prononce son discours depuis le château de Windsor.
Vient alors à George VI la lourde charge d’affronter la terreur de la Seconde guerre mondiale. Le roi utilise abondamment ce moyen de communication rapide qui se démocratise. De plus en plus de Britanniques bénéficient de la TSF dans leur foyer. C’est par ce moyen qu’il annonce l’entrée du Royaume-Uni dans le conflit et encourage ses sujets à affronter corps et âme l’ennemi nazi. C’est aussi grâce à la radio que George VI prononce le discours de la victoire.
Et Elizabeth dans tout cela ? La princesse qui grandit alors que l’Europe se déchire ne peut échapper aux nouveautés technologiques de son époque. C’est une princesse volontaire et patriote qui s’affiche progressivement. Comme son père, elle a à cœur d’encourager les troupes déployées sur le front et les courageux Britanniques restés en Angleterre à continuer la lutte. Elle n’a que 14 ans lorsqu’elle prononce son premier discours retransmis sur les ondes depuis Windsor en 1940. D’une voie frêle, elle vient rassurer les enfants de Londres expatriés dans les campagnes anglaises pour échapper aux bombardements incessants.
Lorsqu’elle devient reine en 1952, Elizabeth n’a pas oublié l’utilité et la nécessité de s’exprimer à travers ce micro relié au monde. Déjà lors de son vingt-et-unième anniversaire, alors qu’elle se trouve en Afrique du Sud, elle prononce un nouveau discours radiodiffusé par la BBC où elle prête serment de servir son pays jusqu’à sa mort. Devenue souveraine, elle perpétue la tradition des discours radiodiffusé de noël et n’hésite pas à s’adresser à son peuple par ce moyen.
La télévision au service de Sa Majesté
Mais le monde a changé. La télévision prend une place grandissante dans le quotidien des Britanniques. Pour rester dans le cœur de son peuple, la monarchie doit se renouveler. En 1953, le prince Philip propose de retransmettre le couronnement à la télévision. Malgré l’opposition de Winston Churchill, elle accepte l’idée de son mari et fait de son sacre l’événement le plus regardé au monde jusqu’à ce que l’Amérique pose les pieds sur la Lune en 1969. Quant au discours de noël, il évolue inévitablement. Pour la première fois, Elizabeth II prononce un discours filmé entre les murs de Buckingham Palace en 1959. Dorénavant le monarque s’adresse visuellement à ses sujets. C’est une réussite. Elle s’impose une nouvelle tradition qu’elle ne dérogera sous aucun prétexte jusqu’à nos jours. Debout ou assise à un bureau, mais toujours entourée d’un sapin décoré et de portraits de famille, l’image de la souveraine change. Pour la première fois, les Britanniques ont l’impression d’entrer dans les coulisses de Buckingham.
La descente aux enfers
Ils ne peuvent se contenter de cette simple vue de l’un des salons du palais. Ils souhaitent découvrir comment vivent réellement les Windsor. La BBC organise ainsi un documentaire sur la famille royale avec l’avale de la souveraine en 1969. C’est un carton ! Mais l’hora qui entoure la souveraine finit par s’effondrer. La reine sacrée est finalement humaine. Cette image ultra-protégée semble échapper à la reine. Quelques années plus tard, elle décide de faire interdire définitivement la diffusion de ce reportage. Mais le mal est fait. Et l’entrée dans les années 1980 ne va rien arranger.
La presse tabloïd est à l’afflux du moindre scandale royal et voit en la princesse de Galles la cible idéale. Diana, empressée par des journalistes trop présents, finit par devenir la principale victime de cet engrenage. La mort de la princesse en 1997 sert de leçon à la reine. Après avoir essuyé un désamour grandissant de son peuple à son encontre, Elizabeth II rentre à Londres quatre jours après le décès de la princesse. Elle considère cet événement comme relevant de la sphère privée. Pour mettre un terme à cette crise sans précédent, elle prononce un discours télévisé depuis un salon de Buckingham. C’est donc par la télévision qu’elle fait naître et disparaître une descente aux enfers médiatique.
Une famille royale 2.0
Plus jamais la communication de la famille royale ne doit lui échapper de la sorte. Une nouvelle stratégie se met en place. La reine n’a jamais été contre l’adaptation aux changements du temps. Pour preuve, en 1976, c’est elle qui envoie le premier email de l’histoire depuis une caserne militaire. Dorénavant, une certaine distance avec les journalistes est imposée. Aucun magazine ne peut publier des clichés ou des informations relevant de la sphère privée de la famille royale. Les Windsor sont déterminés à protéger leur image et à lever les armes contre ces tabloïds qui les ont tant fais souffrir par le passé.
Pour dévoiler elle-même ses informations et ses portraits officiels, et ainsi contourner les tabloïds, la reine ouvre en 1997 un site internet dédié aux actualités de sa famille. Elle s’entoure également de photographes de renom, venant du milieu de la mode pour l’immortaliser. Des photographes stars tels que Mario Testino, Annie Leibovitz ou encore Alexi Lubomirski sont accrédités par Sa Majesté.
En 2008, la famille royale se dote de sa chaîne officielle YouTube. Dès lors, elle partage elle-même les vidéos immortalisant les grands événements de sa vie avec la nation et le monde. L’année suivante s’ouvre un compte Twitter, puis une page Facebook et enfin un compte Instagram. La mise en avant de la jeune génération coïncide avec ce renouvellement de communication révolutionnaire. C’est une monarchie connectée qui s’affiche. Les Windsor établissent ainsi un lien direct avec son public en devenant continuellement présents. Ils montrent alors l’utilité de l’institution qu’ils représentent en partageant des images de leurs obligations quotidiennes et des grands événements liés à leur vie. Le prince de Galles, puis les ducs de Cambridge et de Sussex, se dotent eux aussi de leurs propres réseaux. C’est d’ailleurs par Twitter que sont désormais annoncés les mariages et les naissances princiers. Pour s’assurer d’une bonne visibilité, des live Facebook et YouTube sont également organisés lors des mariages des princes William et Harry et de la princesse Eugénie.
Les réseaux sociaux, une arme contre le coronavirus
A l'heure de l'une des plus graves crises sanitaires qu'a connu le monde, la famille royale s'est tenue soudée pour encourager et soutenir le peuple britannique. Symbole d'une nation, la maison Windsor se devait de se tenir debout quand le Royaume-Uni est touché dans sa chaire. Malgré tout, leur sécurité, comme celle de tous citoyens, demeurait primordiale. Le prince Charles, le duc et la duchesse de Cambridge, la duchesse de Cornouailles, les comte de Wessex, sont devenus un symbole du courage britannique face au virus. Et pour cause, tout en demeurant confinés, ils ont tenu à demeurer présents sur la scène publique.
Et comment remplir convenablement ses obligations tout en restant confiné ? La famille royale a trouvé la solution. A l'heure de l'internet, c'est donc par la voie des réseaux sociaux qu'elle a choisi de s'exprimer. Vidéos, photos, communiqués, vidéos conférences, tout est bon pour galvaniser le courage britannique et continuer le combat contre le coronavirus. Plus qu'un outil de communication, les réseaux sociaux sont devenus le moyen le plus efficace des Windsor pour effectuer leur rôle de représentation et de symbôle d'unité face à l'adversité.
En somme, comme le souhaitent les Britanniques, l’intimité des princes du Royaume-Uni se dévoile tout en gardant le contrôle sur son image. Une certaine proximité naît entre le peuple britannique et sa famille régnante. Elizabeth II et les siens deviennent ainsi une véritable marque qui séduit la génération du millénaire attachée à cette manière de communiquer. Par ce biais, la monarchie élargie son public et ne cesse d’attirer l’attention des plus jeunes. Elle réussit ainsi à perpétuer ses valeurs tout en se modernisant. La volonté de modernisation de la reine aura payé. Elizabeth 2.0 est née et permet à la monarchie britannique d’assurer son avenir. Devenu une arme contre l'adversité, les réseaux sociaux ont pris une part non négligeable dans la vie et la communication des Windsor.