Elle règne depuis plus de cent ans dans l’inconscient des Britanniques. Sa figure suffit à représenter toute une époque, celle où le Royaume-Uni dirigeait le plus grand empire du monde, où l’industrialisation développait tout un royaume et où le puritanisme régnait en maître sur une société toujours avide de puissance. La reine Victoria est plus qu’une reine, elle est une légende aussi connue que sa descendante la reine Elizabeth II. Découvrir la longue vie passionnante de la reine Victoria, c’est revenir sur une période où le Royaume-Uni vivait l’apogée de sa puissance.
Une jeunesse en quête de la Couronne
Une héritière tant espérée
Le prince Edward, duc de Kent, est le quatrième fils du roi George III. Sous les recommandations du futur roi Léopold Ier de Belgique, il épouse le 29 mai 1818 la veuve d’un prince allemand qui lui avait donné deux enfants, Victoria de Saxe-Cobourg-Saalfeld. Le duc de Kent est un homme violent, plus attaché à l’armée qu’à sa nouvelle épouse. Malgré tout, il fallut peu de temps pour que la duchesse tombe enceinte. Le 24 mai 1819 une petite fille aux boucles d’or, à qui l’on donne le prénom de sa mère, voit le jour au palais de Kensington.
Victoria est baptisée un mois plus tard sous le nom de Alexandrina Victoria. Le premier nom choisi rend hommage à son parrain l’empereur Alexandre Ier de Russie. Mais le nouveau-né n’a pas le temps de connaître son père. Le duc de Kent meurt tragiquement d’une pneumonie en janvier 1820, six jours avant que ne trépasse le roi George III. Le prince-régent devient le roi George IV.
Le nouveau souverain avait eu une unique fille légitime, Charlotte. L’héritière du trône avait épousé l’oncle de Victoria, Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha, en 1816. Elle avait donné naissance à un garçon mort-né avant de mourir à son tour le lendemain des suites de l’accouchement difficile. Le roi George IV n’a donc plus de descendance vivante lorsqu’il monte sur le trône de Grande-Bretagne.
Son frère cadet, Guillaume de Clarence, a engendré une nombreuse descendance illégitime. Le prince avait épousé en 1818 Adélaïde de Saxe-Meiningen. Alors que Victoria naît l’année suivante, Guillaume et Adélaïde donnent naissance à une petite fille, mais elle meurt quelques jours après son baptême. Le couple héritier donne ensuite naissance à quatre enfants entre 1819 et 1824, mais ils sont tous mort-nés ou décédés quelques jours après leurs naissances. Lorsque Guillaume IV monte sur le trône en 1830, Victoria apparaît comme la seule héritière de la couronne de son oncle.
Le système Kensington
La duchesse de Kent a toujours su que sa fille aurait un destin royal. A chaque annonce de grossesse de la reine Adélaïde, la duchesse espérait que l’enfant ne survit pas. Sa Victoria devait rester l’unique héritière de la Couronne. A la mort de son époux, la duchesse de Kent s’entoure de John Conroy qui devient son unique conseiller. La rumeur ne tarde pas à naître dans les couloirs de palais. Conroy serait aussi l’amant de la duchesse.
Pour préparer sa fille à occuper cette position royale, la duchesse et son conseiller mettent en place le « système Kensington ». La princesse était ainsi enfermée entre les grilles du palais, ne pouvant ni côtoyer d’enfants de son âge ni une personne approuvée au préalable par sa mère et son conseiller. Elle grandit donc entourée de protecteurs, de ses livres, de son chien Dash et de ses poupées. Mais sa mère et Conroy s’attachent à lui faire découvrir son prochain royaume. Chaque année, à partir de 1830, elle visite l’Angleterre et le Pays de Galles.
La duchesse est une mère possessive à l’extrême qui voulait rendre dépendante sa fille de sa propre personne. Elle la faisait donc dormir dans sa propre chambre. En plus de cela, la princesse ne pouvait descendre des escaliers sans l’aide d’un adulte.
Pour lui éviter toute influence extérieure, la duchesse de Kent l’empêche également de côtoyer la cour, au grand dam du roi. Une scène mémorable se joue au banquet de l’anniversaire de Guillaume IV en 1836. Le roi s’emporte sur la duchesse de Kent, irrité par son manque de respect envers son épouse et par sa volonté d’écarter sa nièce de la cour. Il va jusqu’à déclarer à l’assistance qu’il prie Dieu pour qu’il ne trépasse pas avant la majorité de Victoria, pour éviter toute régence menée par la duchesse et son supposé amant.
Victoria Regina, les prémices d’un règne glorieux
Accession au trône et couronnement
Les souhaits de Guillaume IV sont exhaussés. Le roi meurt un mois après que Victoria ait fêté ses 18 ans, sa majorité dynastique. Ce 20 juin 1837 naît la reine Victoria. Ce jour-là, elle note dans son journal : « J'ai été réveillée à 6h par Mamma qui me dit que l'archevêque de Canterbury et Lord Conyngham étaient là et qu'ils voulaient me voir. Je suis sortie du lit et me suis rendue dans mon salon (en ne portant que ma robe de chambre) et « seule », je les ai vus. Lord Conyngham m'informa alors que mon pauvre oncle, le roi, n'était plus et avait expiré à 2h12 ce matin et que par conséquent « Je suis Reine ». »
Une année est dévolue au deuil du défunt roi. Le couronnement de la reine Victoria a donc lieu le 28 juin 1838. Toute de blanc vêtue, elle se rend en l’abbaye de Westminster pour recevoir tous les symboles de ses pouvoirs et sa dimension sacrée. Mais pour la première fois de l’histoire, le nouveau souverain n’est pas couronné avec la couronne de Saint-Edward, jugée trop lourde pour ses frêles épaules. Une couronne impériale d’apparat plus légère est alors créée pour l’occasion. C’est à partir du modèle de cette couronne qu’a été créée celle utilisée de nos jours.
Lord Melbourne, le mentor des premiers temps
Quand la reine Victoria accède au trône, Lord Melbourne est le locataire du 10 Downing Street depuis deux ans. Ce Premier Ministre Whig entend former la jeune souveraine inexpérimentée à sa fonction royale. Il la conseille et lui insuffle une réelle sensibilité libérale. Aux yeux de Victoria, Melbourne est ce père qu’elle n’a jamais eu. Sensible, intègre et attentionné, il guide Victoria dans ses premiers pas de reine. Ainsi, il l’aide à se débarrasser de sa mère et de Conroy. Devenue la première souveraine à vivre à Buckingham, elle octroie à la duchesse de Kent un appartement à l’extrémité du palais et bannit de la cour le conseiller de sa mère.
Malgré sa jeunesse, Victoria sait se montrer ferme sur ses positions politiques. En 1839, Melbourne démissionne après que les radicaux et les tories aient voter contre son projet de loi de suspendre la constitution en Jamaïque. Robert Peel est alors chargé de former un nouveau gouvernement. Le nouveau Premier Ministre est un tory. La tradition veut que les dames de compagnie de la souveraine soient choisies par le Premier Ministre en exercice parmi les épouses des membres de son parti, mais ce n’est pas au goût de Victoria. La reine s’oppose au renvoi de ses dames de compagnie actuelles. Robert Peel refuse de devoir gouverner selon les volontés de la reine et démissionne. Ainsi, Melbourne peut revenir au pouvoir.
Cette crise a des conséquences sur la popularité de la reine. Jusqu’ici extrêmement aimée de ses sujets, Victoria doit affronter les premières tentatives d’assassinat sur sa personne. Pour cette jeune reine célibataire, seul un mariage pourra lui permettre de regagner le cœur de ses sujets.
Victoria, la reine albertine
Un mariage d’amour aux accents politiques
Léopold Ier de Belgique a toujours été proche de sa nièce, avec qui, il entretenait une riche correspondance. Léopold avait bien l’intention d’organiser le mariage de Victoria pour servir les prétentions politiques de son royaume et de sa famille. Ainsi, en 1836, il organise la première rencontre de Victoria avec son autre neveu le prince Albert de Saxe-Cobourg-Gotha. Une abondante correspondance naît alors entre les deux jeunes gens.
Le 9 octobre 1839, le prince Albert est invité par la reine Victoria à séjourner à Windsor. Cinq jours plus tard, la reine Victoria le demande en mariage. Leur union est célébrée le 10 février 1840 en la chapelle royale du palais Saint-James de Londres. Pour son mariage, la reine choisie une robe blanche, faisant naître une tradition reprise dans toute l’Europe.
Victoria et Albert sont follement épris l’un de l’autre, au point que la reine donne naissance à son premier enfant à peine neuf mois après leur mariage. Cette petite fille prend son nom, Victoria, mais sera toute sa vie surnommée Vicky. Après elle vient le prince Edward en 1841, nouvel héritier du trône. Au total, la reine Victoria donnera naissance à neuf enfants entre 1840 et 1857. Si elle aime passionnément son époux, elle déteste ouvertement les conséquences de leurs actes. Elle n’aime ni être enceinte, ni les bébés qu’elle trouve laids. Avec cette descendance, le couple royal va mettre en place une politique matrimoniale d’envergure pour imposer leurs enfants sur tous les trônes européens. Ensemble, la reine Victoria et le prince Albert édifient un idéal de monarchie familiale qui contraste totalement avec la monarchie scandaleuse des précédents Hanovre et auquel les Britanniques s’identifient.
Les réformes sociales et industrielles du prince Albert
Avec sa descendance, la reine Victoria devient la matriarche de l’Europe, usant de son influence pour s’immiscer dans la politique des autres royaumes. Mais avec le prince Albert, la reine ne se contente pas de se tourner vers la politique internationale, elle s’attache à développer son propre royaume.
Le prince Albert est un intellectuel passionné de modernité et de science. Il a l’idée d’organiser une exposition vouée à célébrer la supériorité industrielle du Royaume-Uni, tout en faisant la promotion de la paix, du libre-échange et de l’harmonie entre les nations dirigées par la Couronne. Le 1er mai 1851, le couple inaugure le Crystal Palace à Hyde Park pour l’occasion. Ce jour-là nait la toute première Exposition Universelle de l’histoire.
Albert influence les avis politiques de Victoria. A cette époque, le souverain bénéficiait encore de quelques pouvoirs politiques. Ainsi, elle intervient à plusieurs reprises sur la nomination du nouveau Premier Ministre et ne cache pas ses sympathies libérales.
Le prince Albert remet en ordre l’administration de la maison royale avant de souffler à son épouse quelques réformes sociales d’envergure. Parmi ses nombreuses interventions, le prince s’attache au bien-être des plus démunis et fait construire des logements sociaux à Londres. Il développe aussi les égouts dans la capitale. Le prince marque aussi le règne de son épouse pour son puritanisme rigoriste. Il impose cette rigueur de vivre dans la société britannique qui sera synonyme « d’art de vivre » victorien.
Le rapprochement avec la France
Victoria est francophile. Les premières années de son règne sont consacrées au rapprochement de son pays avec son ancien ennemi héréditaire. Après la chute de Napoléon Ier, l’heure est venue de faire la paix. Grâce au mariage de son cher oncle Léopold avec Louise d’Orléans, fille du roi Louis-Philippe, la famille royale britannique était liée à celle de France. Pour favoriser leur rapprochement, le roi Léopold organise une première rencontre entre la reine Victoria et le roi des Français en 1843. Louis-Philippe l’accueille dans sa résidence estivale du château d’Eu en Normandie. Le voyage est un succès diplomatique, à tel point que l’année suivante, le roi Louis-Philippe lui rend à son tour une visite au château de Windsor où il reçoit les insignes de l’ordre de la Jarretière. En 1845, Victoria et Albert reviennent une nouvelle fois à Eu et achèvent les bonnes relations entre les familles d’Orléans et de Saxe-Cobourg-Gotha. Entre eux naissent une réelle amitié. Quand Louis-Philippe est déposé en 1848, Victoria lui ouvre les portes de son royaume et accueille sa famille exilée.
La reine Victoria n’apprécie guère la République française. Néanmoins, elle n’abandonne pas ses souhaits de rapprocher le Royaume-Uni avec la France. Quand la France redevient un empire, elle devient l’allié du Royaume-Uni pendant la guerre de Crimée. L’empereur Napoléon III souhaite se rendre en personne sur le champ de bataille, mais ce n’est pas de l’avis des Britanniques. Il est reçu en 1855 à Windsor puis à Londres où le couple royal lui fait visiter le Crystal Palace. Les deux couples s’entendent à merveille. A peine deux mois plus tard, Victoria et Albert se rendent à Paris où ils séjournent au palais de Saint-Cloud. Au programme, hommage à Napoléon Ier aux Invalides, bals aux Tuileries, au château de Versailles et à l’Hôtel de Ville de Paris. Entre Victoria et Napoléon III, une amitié durable est née ce jour-là. En privé et en secret, les deux couples se rencontrent à plusieurs reprises avant que l’empereur n’abdique en 1870. Là encore, Victoria se place en sauveteur du monarque français déchu. Napoléon III meurt en Angleterre trois ans plus tard mais Victoria va continuer à entretenir toute sa vie son amitié avec l’ex-impératrice Eugénie.
La veuve de Windsor
La mort du prince Albert
Toute sa vie, Victoria a toujours nourri une grande animosité contre sa mère. Mais elle finit par se réconcilier avec elle sur son lit de mort en mars 1861. Au début du mois de décembre suivant, le prince Edward est à l’origine d’un scandale. Alors qu’il assiste à des manœuvres militaires en Irlande, les officiers lui offrent dans sa tente les charmes de l’actrice Nellie Clifden. L’affaire vient aux oreilles du couple royal. Le prince Albert est furieux contre l’héritier du trône et se rend en personne en Irlande pour réprimander ce coureur de jupons de fils. Le prince Albert a toujours souffert d’une santé fragile. Sur le chemin du retour, il contacte la fièvre typhoïde.
Son état se dégrade rapidement. Il rend alors son dernier souffle le 14 décembre 1861 dans la chambre bleue du château de Windsor. La reine Victoria est inconsolable et considère pour responsable de ce malheur son fils aîné. Entre la mère et le fils, plus jamais leur relation ne sera comme avant. Elle laisse la chambre dans l’état que l’avait laissé son cher époux et la fait entretenir comme si le prince vivait encore. Au-delà de ce mysticisme, Victoria décide ce jour-là de ne porter désormais que du noir jusqu’à la fin de sa vie. L’image de l’éternelle veuve austère est née.
Victoria s’enferme alors dans un veuvage excessif et qui parait interminable. Elle pleure et s’enferme dans la nostalgie de son tendre Albert à qui elle fait construire un mausolée dans le grand parc du château de Windsor. Telle une ombre, elle erre dans les couloirs de Windsor, Buckingham, Balmoral en Ecosse et surtout sa somptueuse demeure d’Osborne House qu’ils avaient fait construire sur l’île de Wight.
John Brown, le gardien écossais
A partir de 1862, un domestique du nom de John Brown s’impose dans l’entourage de la reine. Avant toute chose, il veut redonner le goût de vivre à la souveraine. John Brown est un fringuant écossais qui avait été au service du prince Albert. Le voir lui permet de se souvenir facilement de son regretté époux. Victoria et son favori passent de plus en plus de temps ensemble. Des rumeurs commencent à voir le jour.
On dit que John Brown est l’amant de la reine. Un surnom sourd fait écho dans les couloirs des palais : « Mrs Brown ». Victoria ne fait rien pour arranger les choses. Elle publie en 1864 Leaves from the Journal of Our Life in the Highlands qui fait un éloge public de son favori. John Brown réussit à donner un petit goût à la vie à la reine qui accepte d’ouvrir la nouvelle session parlementaire en 1866. Mais il ne s’agit là qu’une des rares apparitions publiques de Victoria.
Une reine face au républicanisme
La reine s’enferme dans ses palais et refuse la majorité de ses obligations et de ses apparitions publiques. Les Britanniques veulent retrouver leur reine et se lassent de voir leur souveraine absente. Son impopularité profite au républicanisme.
En 1870, la France devient une république. L’absence de la reine n’arrange en rien l’opinion des Britanniques qui se tournent de plus en plus vers l’abolition de la monarchie. Plusieurs manifestations sont recensées à Londres. Mais en novembre 1871, le prince de Galles contracte à son tour la fièvre typhoïde, le mal qui a emporté le prince Albert. Mais finalement, après une dizaine de jours de souffrance, le prince Edward se remet miraculeusement de la maladie.
Pour fêter l’événement, la reine donne un service d’action de grâces en la cathédrale Saint-Paul de Londres le 28 février 1872. Cet événement sera bénéfique à Victoria qui voit le républicanisme disparaitre peu à peu de ses îles, malgré une tentative d’assassinat au cours de la procession qui l’emmène à la cathédrale.
Victoria, une impératrice surpuissante
L’impérialisme britannique à son apogée
En 1874, Benjamin Disraeli devient le nouveau Premier Ministre. Ce conservateur né est aussi un fervent défenseur de l’impérialisme britannique. A ses yeux, la puissance du Royaume-Uni repose sur la grandeur territoriale de son empire colonial. La Compagnie britannique des Indes orientales, qui avait aidée à l’agrandissement de l’empire britannique en Asie, avait été dissoute en 1858. Toutes ses possessions, comme l’Inde, passent alors aux mains de la Couronne. Le gouvernement nomme alors un gouverneur-général sur ces terres qui va gouverner ces colonies en représentant la souveraine.
Disraeli sait jouer de ses charmes pour orienter l’avis de la reine. Elle soutient ouvertement les guerres entreprises par son Premier Ministre pour agrandir son empire. En 1876, le Royaume-Uni annexe le Baloutchistan, l’année précédente Disraeli avait acheté le contrôle partiel du canal de Suez et en 1879 est déclarée la guerre anglo-zouloue. Autant d’exemples de l’impérialisme britannique des années 1870.
Victoria, impératrice des Indes
Régnant sur un territoire de plus en plus vaste, Victoria voulait un titre à la hauteur de sa puissance. En plus de cela, dans cette course à la colonie qui s’engage dans le monde en ce milieu du XIXe siècle, Victoria ne supportait pas que certains souverains aient des titres supérieurs au sien. Disraeli devient l’homme providentiel. Le 1er janvier 1877, lors d’un darbâr à Delhi rassemblant tous les princes indiens, Victoria fut proclamée officiellement impératrice des Indes. Malgré leur respect mutuel, Victoria doit nommer un nouveau Premier Ministre en 1880 à la place de Disraeli. Désormais, l’avenir de l’empire repose entre les mains de Gladstone.
La figure de Victoria devient le symbole de l’empire britannique et de la suprématie du Royaume-Uni sur le monde. Elle pose pour de nombreux portraits officiels avec une position qui lui est propre : la tête tournée d’un quart sur la droite. Ces portraits distribués à travers le monde en format carte postale permettent de populariser davantage la reine Victoria et d’indiquer au monde la puissance du royaume qu’elle dirige.
Désormais à la tête de la première puissance mondiale, elle est aussi l’impératrice d’un empire où le Soleil ne se couche jamais.
Le dénouement d’un règne
Une santé de plus en plus fragile
Le 17 mars 1883, la reine est victime d’une chute dans des escaliers du château de Windsor. Victoria a du mal à se remettre de cette chute. Elle en garda des séquelles toute sa vie. Dix jours plus tard, son très cher John Brown rend son dernier souffle au château de Windsor. La mort de John Brown ouvre un chapitre de malheurs pour Victoria. En mars 1884, son plus jeune fils Léopold meurt à Cannes d’une hémorragie des suites d’une chute. C’est un coup terrible pour la reine. Le mois suivant, sa plus jeune fille Béatrice lui annonce qu’elle souhaite épouser le prince Henri de Battenberg. Victoria voyait en Béatrice la suivante qui l’aiderait dans ses vieux jours. Dans son esprit, il était inimaginable qu’elle se sépare de sa fille. La reine commence donc par s’opposer à ce mariage, mais Béatrice l’organise malgré tout en secret. Finalement, Victoria accepte cette union à condition que le couple demeure à ses côtés.
Les années 1880 sont aussi synonymes de problèmes de santé. Victoria a des rhumatismes qui la font souffrir chaque jour depuis sa chute dans les escaliers. A partir de 1885, elle se rend dans le sud de la France pour profiter du climat plus doux bénéfique pour sa santé. Aix-les-Bains, Biarritz, Menton, Hyères, Nice sont autant de destinations pour la souveraine où elle se rend chaque année à partir de 1895. Victoria devient une vieille dame boiteuse et courbée, vêtue de noir, mais où chaque regard se dirige vers elle à chacun de ses voyages.
Abdul Karim, la dernière amitié
En 1887, la reine Victoria fête ses 50 ans de règne. Ce jubilé d’Or est l’occasion de nombreuses festivités. Le principal moment du jubilé est un grand banquet rassemblant toutes les têtes couronnées d’Europe organisé au palais de Buckingham. Deux jours après son jubilé, elle recrute deux domestiques indiens musulmans : Mohamed Buksh et Mohammed Abdul Karim. Victoria fait très vite ce dernier son nouveau favori.
Abdul Karim devient son Munshi, son secrétaire et enseignant. La reine est fascinée par la culture indienne. Depuis qu’elle est devenue impératrice des Indes, elle considère cette colonie comme le joyau de son empire. Si elle ne peut s’y rendre pour raison de santé et de sécurité, elle souhaite réellement s’impliquer pour en apprendre davantage sur l’Inde. Abdul Karim lui raconte sa vie à Agra et lui enseigne l’hindoustani, une langue musulmane d’Inde du nord.
La proche relation entre Victoria et son domestique indien choque autant sa Maison que sa propre famille. Abdul Karim est victime de la même rancœur qu’avait pu connaître John Brown en son temps. D’autant que la reine et son favori aiment se retirer dans une petite maison isolée du domaine de Balmoral, ce qui favorise la naissance de rumeurs sur de probables relations sexuelles entre eux. Mais la souveraine ignore les plaintes et les rumeurs. Elle garde Abdul Karim à son service jusqu’à la fin de sa vie.
A la mort de Victoria, le nouveau roi Edward VII renvoie le domestique en Inde et fait bruler leur correspondance. Le mystère reste donc entier jusqu’à nos jours sur la nature de leur relation, comme peut l’être celle qu’elle a entretenu avec John Brown.
Le jubilé de Diamant, l’apogée de la reine Victoria
En 1896, la reine Victoria devient le monarque britannique ayant régné le plus longtemps après son grand-père le roi George III. L’année suivante, elle fête ses 60 ans de règne. Ce jubilé de Diamant est une première dans l’histoire britannique fêté en grande pompe dans tout l’empire.
Les festivités du jubilé organisées le 22 juin 1897 sont un véritable festival à la gloire de l’Empire britannique. En dehors des Premiers Ministres des dominions, des troupes armées représentant tous les Etats dirigés par la souveraine et toutes ses colonies font le voyage à Londres pour participer à une immense procession. Ce jour-là, Victoria est à l’apogée de sa puissance et de sa popularité. Elle résume cette journée inoubliable ainsi : « Une journée inoubliable. Personne, je pense, n’avait jusqu’à présent été accueilli avec l’ovation qui m’a été réservée tout au long de ces neuf kilomètres de rues, y compris sur Constitution Hill. La foule était assez dans un état indicible. Elle rayonnait d’un enthousiasme vraiment merveilleux et extrêmement touchant. Les acclamations étaient assourdissantes et chaque visage resplendissait de joie ».
Le crépuscule d’un règne
Alors que le monde entre dans le XXe siècle, le Royaume-Uni est encore en plein dans une guerre qui devient de plus en plus impopulaire : la guerre des Boers. La santé de la reine se détériore cette année-là. La mort de son fils Alfred le 30 juillet 1900 achève le moral de la reine de 81 ans.
Comme chaque année depuis son mariage avec le prince Albert, elle se rend néanmoins à Osborne House pour fêter Noël. Au début du mois de janvier 1901, elle se sent faible et finit alitée. Somnolente et perdue, elle demande la présence de chaque membre de sa famille. La reine Victoria rend son dernier souffle le 22 janvier 1901 à 18h30, entourée par son fils aîné désormais Edward VII et son petit-fils le kaiser Guillaume II.
La reine est habillée d’une robe blanche et d’un voile de mariée avant d’être placée dans son cercueil avec à ses côtés un moulage de la main du prince Albert ainsi que l’un de ses peignoirs. Cachés derrière un bouquet de fleurs, une mèche de cheveux et une photographie de John Brown y sont aussi dissimulés. Ses funérailles sont alors organisés le 2 février en la chapelle Saint-George du château de Windsor. Elle est ensuite inhumée aux côtés du prince Albert au mausolée royal de Frogmore dans le Grand Parc de Windsor.
Si la reine Elizabeth II a battu le record de longévité de sa trisaïeule en fêtant son jubilé de Platine en 2022, la reine Victoria reste un point d’ancrage de l’identité britannique. Par son charisme, sa détermination, son importance politique, elle a marqué l’histoire en imposant son nom à toute une époque. L’ère victorienne reste marquée par le puritanisme et la puissance de l’empire britannique.