Game of thrones à l'heure de la monarchie britannique

Prenez un peu de tromperies, ajoutez-y quelques pincées de guerres, de complots et de sexe, pour finir avec une bonne dose de fantastique, voilà la recette parfaite pour une série à succès. Game of thrones est l’une des séries mondiales les plus réussie de notre temps. Cette fiction aux nombreux rebondissements aura connu huit saisons en huit ans. Sorti tout droit de l’imagination d’un homme, cet univers qui semble se dérouler dans une époque médiévale connaît bientôt sa fin. Pour créer ce monde, George R. R. Martin l’avoue lui-même : l’histoire d’Angleterre fut une grande source d’inspiration. Décryptage d’une fiction aux inspirations historiques.

 

Britannia contre les barbares

Geoffroy de Monmouth se plonge dans la réalisation d’une œuvre pharaonique : une histoire des rois de Bretagne. Parmi ses livres, qu’il rédige entre 1135 et 1138, Geoffroy nous compte l’histoire d’un homme qui donna son nom à une île : Brutus le Troyen. La légende veut qu’il débarque sur une île nommé Albion peuplée de géants et dénuée d’habitations. Avec son armée, il repousse les géants dans les montagnes et les cavernes et s’empare de ce territoire. Ainsi naît Britannia.

Brutus le Troyen est le premier à faire éclore l’imagination de George R. R. Martin. Sur le modèle de ce personnage légendaire, il crée Brandon le Bâtisseur, fondateur de la Maison Stark. Arrivé au Nord de Westeros, il repousse ce peuple qui sera ensuite nommé sauvageon sur des terres reculées, s’empare de leur territoire et construit un mur de glace de 213 mètres de haut. Si Brutus le Troyen est considéré comme le père des Bretons, Brandon le Bâtisseur est à l’origine du monde complexe de Westeros.

Ce mur de glace n’est pas inconnu. L’écrivain américain s’inspire d’un mur qui a bel et bien existé. En 122 de notre ère, l’empereur romain Hadrien veut en finir avec la menace barbare sur la province bretonne. Il donne l’ordre d’ériger un mur de pierres qui délimitera réellement la frontière romaine et protègera son empire des peuples ennemis. D’Est en Ouest, le mur devient une frontière infranchissable gardée par des légionnaires dévoués. Il correspond, par la suite, à peu près à la frontière anglo-écossaise. Comme le mur d’Hadrien est gardé par une armée spécialisée, le mur du Nord de Westeros se voit attribué une garde de nuit qui vit son rôle de protection comme un sacerdoce.

 

L’unification conquérante de Guillaume

Le monde de Game of thrones est divisé en deux îles (Westeros et Essos) séparées par des mers. Westeros est le lieu principal de l’intrigue. Sa typographie ressemble étrangement à un territoire bien connu. En fait, il s’agit de la Grande-Bretagne inversée. L’intrigue se déroule donc dans ce qui peut être comparé à l’actuelle Ecosse.

Avant même qu’une guerre pour un trône de fer n’éclate, Westeros a subi de nombreuses invasions humaines ou non. La Grande-Bretagne a elle-même été victime d’invasions : d’abord par les Romains au Ier siècle de notre ère, puis par des populations germaniques surnommées Vikings à partir du Ve siècle. Coïncidence ? Certainement pas ! D’autant que les îles britanniques sont ensuite divisées en sept couronnes gouvernées par des rois concurrents à l’époque anglo-saxonne. L’Essex, le Wessex, le Sussex, le Kent, la Mercie, la Northumbrie et l’East-Anglia forment en fait la Grande-Bretagne. Westeros est lui aussi divisé en sept couronnes représentées par sept Maisons différentes. Chaque seigneur se dispute une certaine supériorité sur les autres.

Pour mettre un terme à ces querelles, un homme fait son apparition : Aegon Ier Targaryen. Armé de trois dragons, il impose son autorité sur les sept couronnes. Il en fait ses vassaux et réussit à unifier l’île sous son égide. Il récupère les épées des vaincus et les fais assembler pour en fabriquer son trône. Ainsi naît l’origine de l’intrigue. Un homme qui vient conquérir une île divisée en imposant son pouvoir par la force, cela ne vous rappelle rien ? Et pourtant, le personnage historique dont George R. R. Martin tire son inspiration est bien connu. Guillaume le Bâtard, duc de Normandie, a des rêves de conquête. En 1066, il débarque en Angleterre pour faire face à une coalition anglo-saxonne. Après la célèbre bataille d’Hasting, il s’impose et se fait couronner roi d’Angleterre le 25 décembre en l’abbaye de Westminster. Commence alors le règne de Guillaume le Conquérant, et l’ère des Normands qui règnent jusqu’à l’arrivée des Plantagenêt en 1154.

 

L’Angleterre des Plantagenêt

Dans l’Angleterre des Plantagenêt le rôle des femmes est primordial. Un seul nom suffit à vous prouver ces dires : Aliénor d’Aquitaine. Celle qui fut tour à tour duchesse d’Aquitaine, reine de France puis reine d’Angleterre est aussi la mère de trois rois anglais. Toute sa vie, elle a tenue à garder un rôle politique important, tout en protégeant les droits de ses enfants. Elle va même jusqu’à endiguer ses fils pour comploter contre son époux Henri II. Mettant sa progéniture avant toute chose, Aliénor est une femme de caractère, calculatrice et appréciant particulièrement le luxe. Un tel personnage historique ne pouvait qu’être représenté dans une telle série. Cersei Lannister, épouse de Robert Barratheon et mère de deux rois des sept couronnes, est le véritable sosie d’Aliénor. De par son caractère et sa puissance, Cersei correspond parfaitement à l’image de cette femme médiévale au destin extraordinaire.

Aliénor d’Aquitaine n’est pas la seule à pouvoir être identifiée à Cersei. En 1326, Isabelle de France, épouse du roi Edward II d’Angleterre, monte un complot armé avec son amant pour renverser son mari homosexuel. Ils réussirent à le capturer et à l’enfermer au château de Berkeley, dans le Gloucestershire, pour l’obliger à abdiquer en faveur de leur fils. Ainsi, Isabelle prend le pouvoir en devenant régente du royaume au côté de son amant qu’elle finit par épouser. En ce qui concerne Edward II, elle lui réserve un sort funeste. L’année suivante, Edward est retrouvé mort dans sa cellule. Isabelle aurait ordonné son assassinat en lui faisant introduire un tison brulant dans l’anus. Une technique meurtrière qui s’avéra efficace et discrète. La cruauté d’Isabelle ne peut que rappeler celle de Cersei. En plus de cela, elle devait épouser son cousin Loras Tyrell, un chevalier ouvertement homosexuel. Pour garder le pouvoir à elle seule, elle utilise ses penchants sexuels pour l’écarter et éviter le mariage.

Quant à Arya Stark, elle peut être représentée par Nicola de La Haye. Dans sa jeunesse, cette femme au tempérament de feu est désignée comme la sheriff de la ville de Lincoln sous le règne de Jean sans Terre. Elle défend avec rage le château de sa ville en l’absence de son mari, puis longtemps après sa mort sans jamais capituler. Jusqu’à l’âge de 70 ans, elle tient le château. Dans le roman national, sa résistance en 1217 pendant la première guerre des Barons est considérée comme la bataille qui a sauvé l’Angleterre. Son courage et sa combativité est louée par ses pairs et l’histoire, comme peut l’être Arya.

Le monde de Game of thrones s’inspire ouvertement de celui des Plantagenêt. Son système féodal, fait de chevaliers, de seigneurs et de vassaux, renvoi directement à l’Angleterre médiévale. Les chevaliers sont titrés Sir et les dames sont appelées Lady. Ils doivent prêter serment dans une cérémonie d’adoubement fastueuse souhaitée par le souverain. Qu’on se le dise, Game of thrones se déroule bien au Moyen Age.

                                                                                                 

La guerre des Deux-Roses, au centre de l’intrigue

Cette série repose sur une intrigue principale. Que serait-elle sans sa guerre pour le trône de fer ? Pour imaginer le conflit, George R. R. Martin s’appuie là encore sur l’histoire britannique, notamment sur l’un de ses moments les plus marquants. En 1455 naît la guerre des Deux-Roses.

Quand Edward III d’Angleterre meurt en 1377, il laisse son trône à Richard II, son petit-fils de dix ans seulement. Si son fils aîné, le célèbre prince Noir est mort courageusement sur le champ de bataille un an auparavant, trois autres fils et leurs descendances subsistent encore. Jean de Gand, duc de Lancastre, et Edmond de Langley, duc d’York, sont respectivement les quatrième et cinquième fils d’Edward III. Leurs héritiers n’acceptent pas qu’un enfant occupe le trône. En 1399, le fils aîné du duc de Lancastre, Henri Bolingbroke, force Henri II à abdiquer et devient Henri IV. Mais les York veulent aussi la couronne. Après 56 ans de règne Lancastre, le roi Henri VI tombe dans la démence. La régence est alors disputée entre sa femme Marguerite d’Anjou et son cousin Richard d’York. Les tensions entre les deux Maisons sont si fortes qu’en 1455 Richard prend les armes contre Henri VI. La rose rouge des Lancastre affronte la rose blanche des York.

Richard finit décapité pour haute trahison en 1460 mais les York ne s’avouent pas vaincus. Ses fils continuent le combat. L’aîné réussit à destituer Henri VI un an plus tard et devient Edward IV. Henri reprend finalement son trône neuf ans plus tard pour ne régner que six mois. Il est définitivement destitué en 1471.

Edward IV meurt en 1483 laissant deux héritiers mâles vivants. Son fils aîné Edward V monte sur le trône, mais il n’a que douze ans. Le frère d’Edward IV, Richard, n’a pas l’intension de laisser le pouvoir à cet enfant. Il veut la couronne, et il l’aura. Celui qui devient Lord Protecteur d’Angleterre pendant la minorité du roi fait déclarer Edward V et son jeune frère Richard de Shrewsbury illégitimes et les enferme à la Tour de Londres. Les deux garçons meurent mystérieusement entre ces murs, probablement assassinés sur ordre de Richard qui devient Richard III d’Angleterre.

Si nous revenons à Game of thrones, on voit Eddard Stark décapité pour trahison sans jamais devenir roi. Ses fils, Robb Stark puis Jon Snow, prennent sa défense pour finalement devenir tous deux rois du Nord. Ce n’est pas sans rappeler l’image de Richard d’York qui est exécuté pour rébellion contre son souverain mais qui voit pourtant deux de ses fils occuper le trône d’Angleterre. Le fait qu’Henri VI laisse son cousin gouverner le royaume à sa place malgré la présence de sa femme calculatrice qui tente de s’emparer du pouvoir, permet de rapprocher ces derniers avec trois personnages. Eddard Stark c’est d’abord Richard d’York, Henri VI est Robert Baratheon et Marguerite d’Anjou est Cersei Lannister. Le destin des princes de la Tour peut être lié à celui des deux cousins Lannister qui sont séquestrés puis sauvagement assassinés, même si d’autres raisons justifiaient cet acte.

Dans cette guerre entre deux roses, il est un homme qui use de son influence au gré de ses intérêts personnels. Richard Neville, comte de Warwick, est l’homme le plus riche et le plus influent du royaume après le roi. Il occupe au cours du temps des postes clés de l’entourage royal. Surnommé le faiseur de rois, il met ses armes à disposition de l’une ou l’autre Maison pour servir sa gloire. Ce personnage influent, riche et calculateur n’est pas sans rappeler Tywin Lannister qui sert avant tout sa famille. Warwick est tué par les York en 1471. Sa mort affaiblis le camp des Lancastre, tout comme celle de Tywin affaiblis celui des Lannister.

Pour mettre un terme à la guerre des Deux-Roses, il faut se tourner vers une autre Maison. Henri Tudor, en exile depuis quatorze ans, débarque en Angleterre en août 1485 pour revendiquer ses droits. Descendant de Jean de Gand, duc de Lancastre, par sa mère, il affronte les armées de Richard III. Quelques mois plus tard, ce dernier est tué sur le champ de bataille. Henri ouvre alors une nouvelle ère pour l’Angleterre et devient Henri VII. Un personnage providentiel, errant autour du royaume pendant des années, pour ensuite écraser le monarque reconnu comme illégitime par beaucoup, cela ne vous rappelle rien ? On pense forcément à Daenerys Targaryen, où armée de ses dragons qui remplacent les canons, souhaite mettre un terme au règne tyrannique des Lannister.

 

Il n’y a pas de doute permis. L’histoire britannique et Game of thrones sont étroitement liés. A tel point que l’on peut parfois confondre la réalité et la fiction. Mais finalement, si l’on en croit la fin de la guerre des Deux-Roses, qui serait à même de siéger sur le trône de fer ? A vous de juger !