Charles II et la Grande Mademoiselle l'union manquée

Il est un roi en exil dont l’Europe est sa maison. Elle est la plus riche héritière de son temps aux multiples demeures. Charles II et la Grande Mademoiselle n’ont rien en commun. Et pourtant, ils auraient pu unir leur destin pour l’éternité, rapprochant davantage la France et l’Angleterre.

 

La Grande Mademoiselle, riche frondeuse de France

La cousine de Louis XIV a une place de choix à la cour de France. La fille du malcontent Gaston d’Orléans, frère du roi Louis XIII, a reçu de sa mère la duchesse de Montpensier une immense fortune. Mal-aimée par son père, Anne Marie Louise d’Orléans tente de trouver grâce aux yeux de Gaston en prenant les armes contre Louis XIV pendant la Fronde. En 1652, le Roi-Soleil vainqueur de cette révolte la fait exiler à Saint-Fargeau en Bourgogne pendant cinq ans.

Finalement, elle retrouve les faveurs du roi en 1657. Deux ans plus tard, l’ancienne frondeuse voit ses rêves d’épouser le plus grand monarque de son époque réduis à néant. La Grande Mademoiselle assiste au mariage de Louis XIV avec Marie-Thérèse d’Autriche. La main de la plus riche célibataire d’Europe est encore à prendre.

 

Charles II, un roi en exil

Quand éclate la Fronde en France en 1648, l’Angleterre connaît elle-aussi une révolution. Les parlementaires menés par Oliver Cromwell luttent contre le pouvoir autoritaire de Charles Ier depuis 1642. Finalement, après sept années de combat, Charles Ier est battu, emprisonné puis jugé. Cromwell arrive à obtenir la condamnation à mort du souverain. Face à la salle des banquets du palais de Whitehall de Londres, le roi Stuart est décapité.

Cromwell fait tomber la monarchie en Angleterre au profit d’une république. Mais l’Ecosse reconnaît l’héritier du roi martyr comme son nouveau monarque. Pour les Ecossais, tout comme les monarchistes anglais, le prince de Galles devient Charles II. Mais pour l’heure, il n’est pas le bienvenu en terres britanniques. Après s’être fait couronner à Scone roi d’Ecosse en 1651, Charles II se réfugie en France.

Quand il arrive chez son cousin Louis XIV, Charles II n’est pas en terre inconnue. Depuis le début de la Première révolution d’Angleterre, la France fut son refuge. Au côté de sa mère et de sa fratrie, il vécut au Louvre et à la cour de France. C’est d’ailleurs entre les murs de ce palais millénaire qu’il apprend la mort de son père en 1649. Après des tentatives vaines de retrouver son trône et son couronnement écossais, il est de retour au cœur du pouvoir de la monarchie française. Charles II retrouve ainsi sa sœur Henriette mais aussi sa mère Henriette-Marie. La fille de Henri IV vit recluse en France alors que la Fronde continue à menacer le pouvoir royal.

 

Une rencontre non désintéressée

Quand la Grande Mademoiselle revient au Louvre en 1657, elle fait la connaissance du roi exilé d’Angleterre. Depuis son château de Saint-Fargeau, la cousine frondeuse de Louis XIV n’est pas restée inactive. Elle a entretenu une cour brillante, tout en suivant la vie sociale de Paris. Elle sait bien entendu que Charles II est présent. L’heure est aux négociations matrimoniales.

La Grande Mademoiselle a déjà 30 ans et reste une éternelle célibataire. Cette femme de caractère a bien l’attention d’épouser l’homme qu’elle a choisi. Personne ne pourra lui imposer un quelconque mariage, pas même Louis XIV. Mais la cour de France est le berceau des intrigues.

Henriette d’Angleterre tente comme elle peut d’aider son frère à retrouver le trône d’Angleterre. Elle lui présente la Grande Mademoiselle. La beauté de la Petite-fille de France n’est qu’un mythe. Elle est réellement dépourvue de tout agrément physique. Mais pour un roi d’Angleterre en mal de légitimité, la beauté et l’amour sont superflus. Henriette est au fait de l’incroyable fortune de la princesse. En épousant Anne Marie Louise d’Orléans, c’est bien avec un porte-monnaie bien fourni que Charles II unirait son destin. La fortune de la cousine du roi de France serait ainsi entièrement consacrée au financement de la reconquête du trône anglais de Charles II.

 

L'union impossible

La Grande Mademoiselle est aussi un grand esprit. Cultivée, elle apprécie l’art de la conversation. Dotée d’une très haut opinion de sa condition, la petite-fille du bon roi Henri est aussi très attachée aux bonnes manières à la française. En cela, tout l’oppose à son homologue anglais.

Charles II n’est pas réputé pour son intelligence. Le roi préfère les plaisirs de la table et des femmes plutôt que les conversations interminables sur des sujets politiques. Hormis la reconquête de son royaume, aucun autre sujet ne l’intéresse vraiment.

La conversation est difficile entre les deux protagonistes. D’autan que Charles II n’est pas emprunt à discourir dans la langue de Molière. En plus de cela, alors que les couverts sont appréciés à la table de Louis XIV, Charles II préfère manger avec ses mains. Un détail qui irrite et déchante la Grande Mademoiselle.

Avec autant de différences, Anne Marie Louise n’est pas dupe. Elle sait que plus que sa personne, Charles II est amoureux de sa dot. Il n’en faut pas plus pour qu’elle mette fin définitivement à leurs relations.
Les destinées des deux êtres s’opposent alors en tout. Quand la Grande Mademoiselle reste une célibataire malheureuse après avoir vu son mariage avec le duc de Lauzun refusé par Louis XIV, Charles II réussit à restaurer la monarchie en 1660 et débute réellement son règne. La France et l’Angleterre doivent encore attendre pour signer un rapprochement officiel. Si Charles II n’a pas épousé la Grande Mademoiselle, il offre sa sœur Henriette en mariage à Philippe d’Orléans, le frère de Louis XIV. Finalement, la famille d’Orléans fut bien à l’origine des prémices du rapprochement franco-britannique.