« Votre prĂ©sence ici aujourdâhui, Monsieur le PrĂ©sident, est un tĂ©moignage fort du lien qui unit nos deux pays, nos peuples et notre dĂ©termination commune sur qui cette relation continue. » Par un français parfait, le prince Charles cĂ©lĂšbre lâEntente cordiale alors que le PrĂ©sident Emmanuel Macron est en visite officielle Ă Londres, ce 18 juin 2020, afin de marquer les 80 ans de lâAppel du GĂ©nĂ©ral de Gaulle.
La France, pays de Louis XIV, NapolĂ©on et de Gaulle, a une place toute particuliĂšre dans le cĆur du prince Charles. Sâil est un hĂ©ritage quâil a reçu de sa mĂšre, parmi les traits qui forment sa personnalitĂ©, câest bien sa francophilie.
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Ses premiĂšres visites privĂ©es en France Â

Nous sommes en 1968 lorsquâil traverse la Manche pour la premiĂšre fois. Le Prince de Galles nâest alors quâun Ă©tudiant de lâUniversitĂ© de Cambridge de 19 ans. Daniel Glyn, son professeur, lâemmĂšne accomplir un mini-tour de France dans le cadre de ses Ă©tudes en archĂ©ologie et en anthropologie. Il visite la grotte de Font-de-Gaume et le musĂ©e des Eyzies en Dordogne avant de se rendre Ă lâabbaye de Fontevraud. LĂ , il sâĂ©merveille devant les splendides tombeaux colorĂ©s des anciens rois anglais PlantagenĂȘt. Il termine son pĂ©riple français en Bretagne pour dĂ©couvrir les monolithes de Carnac. Cette annĂ©e-lĂ , Charles dĂ©couvre les merveilles du patrimoine français. Jamais, il nâoubliera ce sĂ©jour dĂ©terminant dans sa vie.
De maniĂšre privĂ©e, il ne cesse de se rendre au pays de la langue de MoliĂšre pour donner libre cours Ă ses passions de lâhistoire, de lâarchĂ©ologie et de lâarchitecture, tout en sâadonnant aux plaisirs de la vie Ă la française. Charles est un prince artiste qui sâintĂ©resse particuliĂšrement Ă la peinture. Quand le maire de Bordeaux lâinvite en 1977 Ă visiter lâexposition « Peinture britannique de Gainsborough Ă Bacon », il ne peut rĂ©sister. LâannĂ©e suivante, il passe mĂȘme quelques jours Ă Deauville oĂč il nâhĂ©site pas Ă profiter de la plage sous les crĂ©pitements des flashs des paparazzis.
Charles succĂšde Ă son oncle Lord Louis Mountbatten Ă la prĂ©sidence des CollĂšges du Monde Uni en 1978. Cette institution fondĂ©e en 1960 est en fait un rĂ©seau dâĂ©coles internationales qui vise Ă favoriser les Ă©changes culturels. Câest en sa qualitĂ© de PrĂ©sident quâil se rend Ă Reims, au cĂŽtĂ© de son oncle, pour une visite de la ville afin de promouvoir la part de la France dans cette institution. Le prince de Galles et lâancien vice-roi des Indes ont toujours Ă©tĂ© extrĂȘmement proches. Ils partagent de nombreux points communs. Cette visite est alors lâoccasion pour Charles de rendre hommage Ă son oncle.Â
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Un jeune prince en visite officielle

Mais pour le jeune hĂ©ritier de la Couronne britannique, les sĂ©jours français ne sont pas forcĂ©ment synonymes de gaietĂ©. Le 12 novembre 1970, entourĂ© des chefs dâEtat du monde, il reprĂ©sente la reine Elizabeth II lors de la cĂ©rĂ©monie donnĂ©e en la cathĂ©drale Notre-Dame de Paris Ă la mĂ©moire de Charles de Gaulle qui vient de disparaĂźtre. Cette cĂ©rĂ©monie est lâoccasion pour lui de rencontrer le PrĂ©sident Georges Pompidou. Câest donc en France quâil fait son tout premier voyage officiel en solo.
Deux ans plus tard, la reine Elizabeth II et le prince Philip effectuent une visite officielle en France en vue de lâentrĂ©e du Royaume-Uni au sein de lâUnion europĂ©enne. Le prince Charles est du voyage. Avec eux, il se rend Ă Paris mais aussi Ă Avignon, Arles ou encore NĂźmes oĂč les Français leur accordent un accueil grandiose. Ce voyage officiel est lâoccasion pour le prince de Galles et ses parents de rendre une visite Ă©mouvante Ă lâancien roi Edward VIII. Accueillis par la duchesse de Windsor en leur hĂŽtel particulier parisien, ils voient pour la derniĂšre fois le duc de Windsor avant quâil ne rende son dernier souffle quelques jours aprĂšs.
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Charles et Diana, un couple glamour en FranceÂ

A partir de 1981, Charles forme avec Lady Diana Spencer le couple glamour du gotha qui voyage aux quatre coins du monde en tant quâambassadeur du Royaume-Uni. La France nâest pas oubliĂ©e. Alors que les deux pays nĂ©gocient pour la construction du tunnel sous la Manche, Charles et Diana sont dĂ©pĂȘchĂ©s pour une opĂ©ration de charme de grande ampleur.
Le 14 fĂ©vrier 1987, ils sâenvolent pour Toulouse oĂč les attendent le Premier Ministre de lâĂ©poque Jacques Chirac. Ensemble, ils assistent Ă la fastueuses cĂ©rĂ©monie qui prĂ©sente le premier prototype de lâAirbus A320. La princesse Diana en est la marraine. Câest donc au prince et Ă la princesse de Galles que revient lâhonneur de lâinaugurer avec une bouteille de champagne.
Trois mois plus tard, ils sont reçus Ă Cannes Ă lâhĂŽtel de ville. « Je ne suis pas le premier Prince de Galles Ă apprĂ©cier le charme de Cannes. Pour mon ancĂȘtre, le futur Edward VII, câĂ©tait en effet la vie de France quâil affectionnait tout particuliĂšrement. [âŠ] Aujourdâhui, Cannes nâest plus lâapanage particulier des Anglais. Elle accueille, surtout pendant le Festival du film, des visiteurs venant des quatre coins du monde. » La date de leur visite nâest pas choisie au hasard. Au mĂȘme moment se dĂ©roule son cĂ©lĂšbre Festival. Summum du glamour, le soir-mĂȘme, ils montent les marches du Palais des Festivals au mĂȘme titre que Sophie Marceau, Catherine Deneuve ou encore Yves Montand. Mais pour cette 40e Ă©dition, les vĂ©ritables stars du festival sont bien Charles et Diana qui font sensation.
Le 9 septembre 1987, ils se rendent Ă Caen et Ă Bayeux pour une visite officielle qui marque les 900 ans de la mort de Guillaume le ConquĂ©rant. Entre recueillement Ă lâabbaye aux Hommes et Ă©merveillement devant la tapisserie de Bayeux, le programme est tout trouvĂ©.
LâannĂ©e suivante est elle aussi placĂ©e sous le signe des visites princiĂšres de Charles et Diana. Entre le 7 et le 11 novembre 1988, ils sont invitĂ©s en France par François Mitterrand. AprĂšs un passage par Paris, ils se rendent en Centre-Val-de-Loire avec pour guide le couple Lang. Ils commencent par une visite de la ville de Blois, avant de se tourner vers le chĂąteau de Chenonceau oĂč ils posent avec plaisir devant le chĂąteau des Dames. Leur journĂ©e se termine par une rĂ©ception au chĂąteau de Chambord avec, parmi les invitĂ©s, la princesse Caroline de Monaco. Pour finir leur sĂ©jour, François Mitterrand les attend Ă Paris oĂč il prĂ©side, au cĂŽtĂ© du prince Charles, les commĂ©morations de la fin de la PremiĂšre guerre mondiale oĂč dĂ©filent des Grenadiers britanniques.
Ce long sĂ©jour officiel en France est le dernier effectuĂ© par le couple hĂ©ritier de la couronne avant leur divorce en 1996. LâannĂ©e suivante, la princesse Diana et son conjoint du moment sont victimes dâun tragique accident sous le pont de lâAlma Ă Paris. Le lendemain, le prince Charles vient chercher la dĂ©pouille de son ex-Ă©pouse Ă lâhĂŽpital de la PitiĂ©-SalpĂȘtriĂšre pour la remmener Ă Londres et organiser des obsĂšques nationales.
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Les commémorations françaises

Sur la trentaine de voyages en France du prince de Galles, la majoritĂ© sâest dĂ©roulĂ©e pour des raisons militaires comme lorsquâil visite les bases aĂ©riennes de Colmar, Pau et Brest en 1980. Mais plus prĂ©cisĂ©ment, ce fut pour assister Ă des commĂ©morations. LâarmĂ©e a une grande importance aux yeux du fils dâElizabeth II. Rendre hommage aux Britanniques morts sur le front fait partie de ses obligations.
En juillet 1982, il inaugure le MĂ©morial de Bruneval au cĂŽtĂ© de François Mitterrand Ă lâoccasion des 40 ans de lâopĂ©ration britannique qui a permis de sâemparer dâun radar allemand, une technologie alors inconnue des AlliĂ©s.
Le prince de Galles assiste Ă toutes les commĂ©morations du DĂ©barquement de Normandie. Le premier a lieu en 1984 Ă Ranville, le premier village français libĂ©rĂ© par les AlliĂ©s. Dix ans plus tard, dans ce mĂȘme village, il inaugure un nouveau mĂ©morial. En 2004, il participe Ă Dunkerque au soixantiĂšme anniversaire de l'opĂ©ration Dynamo qui consistait Ă Ă©vacuer des milliers de soldats alliĂ©s pris au piĂšge. Il est aussi aux 65 ans du DĂ©barquement Ă Colleville-sur-Mer auprĂšs de Barack Obama, Nicolas Sarkozy ou encore Gordon Brown. Et enfin, en 2014, il est auprĂšs de ses parents pour les grandes commĂ©morations internationales organisĂ©es Ă Ouistreham, Ranville et Bayeux.
La PremiĂšre guerre mondiale est aussi commĂ©morĂ©e par le prince de Galles. En 2006, il effectue sa premiĂšre visite officielle en France avec sa seconde Ă©pouse Camilla Ă Thiepval pour les 90 ans de la bataille de la Somme. Deux ans plus tard, le couple est reçu Ă Verdun pour les 90 ans de la fin de la PremiĂšre guerre mondiale. Il assiste aussi Ă Fromelles avec la duchesse de Cornouailles aux funĂ©railles du dernier des 250 soldats du Commonwealth morts en 1916. Ses fils et la duchesse de Cambridge se joignent Ă lui en 2016 pour commĂ©morer la bataille de la Somme Ă Thiepval auprĂšs de François Hollande. Enfin, lâannĂ©e suivante, il se rend Ă Vimy avec ses fils pour les cent ans de la cĂ©lĂšbre bataille.
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Le prince Charles cĂ©lĂ©brĂ© par la FranceÂ

Comme sa mĂšre, le prince Charles sâentendait particuliĂšrement bien avec François Mitterrand, au point que le prĂ©sident lâa reçu Ă lâElysĂ©e lors dâune visite privĂ©e parisienne en 1994. Quand Mitterrand meurt deux ans plus tard, il reprĂ©sente la reine Elizabeth lors de ses funĂ©railles Ă Notre-Dame de Paris.
Quand le prince Charles traverse la Manche, câest pour mettre Ă lâhonneur lâentente entre le Royaume-Uni et la France, mais aussi la gastronomie française comme il le fait en 1992. En mai 2018, il effectue avec Camilla sa derniĂšre visite officielle en tant que prince dans lâHexagone. Ils visitent Lyon et Nice pour des raisons bien prĂ©cises. Dâabord, ce voyage lui permet de commĂ©morer la fin de la Seconde guerre mondiale Ă Lyon, la capitale de la rĂ©sistance française. Ensuite, il lui permet de rendre hommage aux victimes de lâattentat du 14 juillet 2016 Ă Nice. En plus de discuter avec les familles des victimes, il signe le registre de condolĂ©ances officiel. Camilla visite aussi EmaĂŒs France. ForcĂ©ment, ce voyage glorifie aussi la gastronomie lyonnaise tant apprĂ©ciĂ©e.
En 1992, Charles visite de façon privĂ©e le domaine de Villandry. Le prince est si impressionnĂ© par la beautĂ© de ses jardins quâil sâen inspire pour crĂ©er une partie de son jardin dâHighgrove. Le prince nâhĂ©site pas non plus Ă sâoffrir quelques escapades parisiennes, une ville quâil admire tant. En 2004, il assiste par exemple Ă un gala Ă lâopĂ©ra Garnier avec Bernadette Chirac pour le centenaire de lâEntente cordiale.
Le prince aime la France, et la France le lui rend bien. Le 30 novembre 2015 il reçoit Ă lâInstitut de France Ă Paris le Prix François Rabelais pour son engagement en faveur de l'agriculture biologique. Pendant son discours sous la Coupole, il fait lâĂ©loge passionnĂ© des fromages français. Il participe ensuite Ă la confĂ©rence de lâONU sur le climat qui a lieu en la capitale oĂč il prononce un discours remarquĂ©. Ce jour-lĂ , le monde reconnaĂźt et remercie lâengagement du prince pour la prĂ©servation de la planĂšte. Pour son discours, il est mĂȘme fait Commandeur de lâOrdre du MĂ©rite Agricole en 2017.
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Dernier membre de la famille royale Ă parler français, Charles III a montrĂ©, dĂšs son plus jeune Ăąge, lâadmiration quâil ressent face Ă lâhistoire, la culture, le patrimoine et la gastronomie de la France. A lâimage de son ancĂȘtre Edward VII, son amour pour lâHexagone sera-t-il Ă lâorigine dâune nouvelle Ă©tape pour lâentente entre nos deux pays ? Lâavenir nous le dira. En attendant, Dieu sauve Charles III, le dernier roi francophile du Royaume-Uni.
