Le 11 novembre est une date qui restera à jamais dans l’histoire. Voilà cent ans que le monde se souvient chaque année des morts du plus sanglant des conflits mondiaux, la Première guerre mondiale. Le soldat inconnu britannique a lui aussi une histoire que nous avons à cœur de vous raconter.
2 minutes de silence pour nos morts
La Première guerre mondiale reste le conflit le plus sanglant de l’histoire. Ils sont 10 millions à avoir perdu la vie en seulement quatre années de combats. En 1919, le vicomte Milner, membre de la Chambre des Lords, propose au secrétaire privé du roi George V un projet innovant. Il s’agit d’organiser chaque année, à la date anniversaire de l’Armistice, une cérémonie où deux minutes de silence seront observées en mémoire des morts au combat britanniques. L’idée est d’abord venue à Sir Percy Fitzpatrick, un écrivain sud-africain, qui a proposé cet hommage à Lord Milner.
L’idée d’un tel hommage national est donc proposée au roi George V en octobre 1919. Le monarque est très enthousiaste et demande l’approbation du cabinet de guerre le 5 novembre suivant. Les membres du cabinet s’expriment à l’unanimité pour approuver la proposition. Le 7 novembre, le Times publie un communiqué officiel du Palais qui en informe la population.
« A tous mes peuples,
Mardi prochain, 11 novembre, est le premier anniversaire de l'Armistice, qui a mis fin au carnage mondial de quatre années de guerre et a marqué la victoire du droit et de la liberté.
Je crois que mes peuples, partout dans l’Empire, souhaitent avec ferveur perpétuer le souvenir de cette grande délivrance et de ceux qui ont donné leur vie pour y parvenir.
Pour donner l'occasion à l'expression universelle de ce sentiment de se délivrer, je souhaite et j'espère qu'à l'heure où l'Armistice est entrée en vigueur, la 11e heure du 11e jour du 11e mois, il peut y avoir pour le bref espace de deux minutes une suspension complète de toutes nos activités normales.
Pendant ce temps, sauf dans les rares cas où cela peut être impossible, tout travail, tout son et toute locomotion devraient cesser, de sorte que, dans un calme parfait, les pensées de chacun puissent se concentrer sur le souvenir respectueux de nos glorieux morts.
Aucune organisation élaborée ne semble nécessaire.
A un signal donné, qui pourrait facilement être arrangé en fonction des circonstances de chaque localité, je crois que nous interromprons tous volontiers nos affaires et nos activités, quels qu'elles soient, et nous unirons dans ce simple temps de silence et de mémoire.
GEORGE RI »
Le 11 novembre 1919, jour du premier anniversaire de l’Armistice, le Royaume-Uni observe deux minutes de silence en mémoire de ses morts. Le temps des commémorations est né.
Un soldat inconnu, icône d'une guerre
Après ce temps de silence, vient l’idée d’un soldat inconnu. Elle naît dans l’esprit de David Railton, aumônier de l’armée britannique sur le front occidental, qui la propose au doyen de Westminster dans une lettre qu’il envoie en 1920. Il propose en fait qu’un soldat britannique non identifié, tombé sur les champs de bataille français, soit enterré dans l’abbaye de Westminster, église des rois, pour représenter les centaines de milliers de morts de l’Empire britannique au cours de la Première guerre mondiale.
Pour sélectionner le soldat qui devra reposer dans la somptueuse abbaye, quatre dépouilles de guerriers britanniques non identifiés ont été exhumés et placés dans la chapelle Saint-Pol-sur-Ternoise près d’Arras. Un brigadier, sélectionné au préalable, a alors la tâche de le sélectionner. On place les quatre cercueils devant lui, chacun étant placé sous un drapeau britannique. Les yeux bandés, il s’avance et pose sa main sur l’un d’entre eux. Le choix est fait. Les trois autres cercueils sont inhumés à nouveau à leur emplacement.
La dépouille est alors transférée le 7 novembre à la citadelle de Boulogne sous escorte, pour être placée dans la bibliothèque de la forteresse transformée en chapelle ardente. Le lendemain, des pompes funèbres placent le corps du défunt dans un nouveau cercueil en bois de chênes du palais de Hampton Court. Le cercueil est ensuite bagué avec du fer. Sur sa face avant, une épée médiévale choisie personnellement par le roi George V au sein de la Collection royale est apposée. Elle est surmontée par un bouclier de fer portant l’inscription "Un guerrier britannique tombé pendant la Grande Guerre 1914 –1918 pour le Roi et la Nation ».
11 novembre 1920, l'inhumation du soldat inconnu
Le cercueil est ensuite transféré au port de Boulogne le 10 novembre dans un wagon militaire français spécialement conçu pour l’occasion. Il est tiré par six chevaux noirs et escorté par des troupes françaises. Avant de partir pour l’Angleterre à bord du HMS Verdun, le maréchal Foch salue la dépouille. Le navire est escorté par six cuirassiers jusqu’au port de Dover, dans le Kent. Le guerrier est enfin transporté jusqu’à la gare londonienne Victoria par train spécial, où il reste jusqu’au lendemain.
Le matin du 11 novembre 1920, le cercueil est placé sur un chariot de canon de la Royal Horse Artillery. Tiré par six chevaux à travers des rues londoniennes envahies par une foule dense et apeurée, le cortège s’arrête à Hyde Park. Le roi dévoile alors un cénotaphe à Whitehall conçu par Edwin Lutyens. Il rejoint ensuite le cortège et embrasse l’étendard placé sur le cercueil. Le convoi funèbre est désormais suivi par George V entouré de ses fils, le prince de Galles Edward, le duc d’York Albert, Henry duc de Gloucester et George duc de Kent, et des ministres d’Etat jusqu’à l’abbaye de Westminster.
Une cérémonie privée est organisée au cœur de la nef de l’abbaye. Pour l’occasion, les invitées d’honneur étaient un groupe de cent femmes qui ont perdu leurs époux et leurs fils pendant le conflit. La dépouille est ensuite inhumée à l’extrémité ouest de la nef dans de la terre amenée de chacun des principaux champs de bataille. Pendant plusieurs jours, la tombe est recouverte d’un drap de soie aux couleurs de l’Union Jack et veillée par quatre soldats pendant que des milliers d’inconnus lui rendent hommage.
La tombe est finalement refermée par une pierre de marbre noir belge. Désormais, la tombe du soldat inconnu est la seule de l’abbaye sur lequel il est strictement interdit de marcher. Sur cette pierre, une inscription en lettres dorées de Herbert Edward Ryle, le doyen de Westminster de l’époque, est gravée.
Sous cette pierre repose le corps
d'un guerrier britannique
inconnu de nom ou de rang,
amené de France pour se trouver parmi
les plus illustres du pays
et enterré ici le jour de l'Armistice le
11 novembre 1920, en présence de
Sa Majesté le roi George V
ses ministres de État
Les chefs de ses forces
et une vaste assemblée de la nation
Ainsi sont commémorées les nombreuses
multitudes qui pendant la Grande
Guerre de 1914-1918 ont donné le meilleur de ce que
l’Homme puisse donner de lui-même
Pour Dieu
Pour le Roi et la patrie
Pour les êtres chers et l’empire
Pour la cause sacrée de la justice et de
la liberté du monde
Ils l'ont enterré parmi les rois parce qu'il
avait fait du bien envers Dieu et envers
sa maison
Sur cette tombe repose la mémoire britannique pour ses défunts morts pour le royaume. Trois ans plus tard, Elizabeth Bowes-Lyon dépose son bouquet de mariée en mémoire de son frère mort au combat en 1917. Elle donne naissance à une tradition royale qui veut que chaque mariée dépose son bouquet sur la tombe du soldat inconnu le lendemain de son mariage.