Est-il possible de penser un couronnement britannique sans Zadok the Priest ? Pourtant, cet hymne extrêmement attaché à l’image de la monarchie d’outre-Manche n’a pas toujours existé. Je vous invite à revenir sur l’histoire de l’un des plus importants chants de l’institution britannique.
Une jeune dynastie germanique au pouvoir
Treize années ont passé depuis qu’une nouvelle dynastie a pris possession du trône de Saint Edward. George Ier de Hanovre est un prince germanique qui a succédé à la reine Anne Stuart en 1714 alors qu’elle disparaît sans avoir laissé de descendance vivante. En tant que premier cousin protestant de la souveraine défunte, George est le seul à pouvoir porter la couronne de Saint Edward. Mais George Ier meurt en 1727 après avoir lutté toute sa vie pour s’imposer face à de nombreux Britanniques qui restent fidèles aux descendants de Jacques II Stuart. Le jacobitisme reste très présent alors que George II monte à son tour sur le trône.
Comme son père, George II ne parle pas anglais. Profondément Allemand, il s’intéresse peu à la politique intérieure de son nouveau royaume. Il reste la plupart du temps dans sa principauté de Hanovre. Mais pour l’heure, le sacre du nouveau souverain doit être organisé en toute hâte.
Un couronnement pour légitimer les Hanovre
Comme tous les couronnements des rois d’Angleterre précédents, celui de George II se tiendra en l’abbaye de Westminster, au cœur même de Londres. George II veut marquer les esprits par une cérémonie à la grandeur de la puissance britannique. Le but est avant tout politique en somme. Sa légitimité tient en cette cérémonie sept fois centenaire.
Alors que les Jacobites ne cessent de contester sa présence à la tête de l’Etat, lui préférant Jacques-François Stuart exilé en France, George II doit montrer qu’il est le véritable souverain de ces îles et qu’en aucun cas ses droits ne doivent être contestés. Le temps presse. C’est décidé, le couronnement se tiendra le 22 octobre 1727, soit quatre mois seulement après la mort de George Ier.
Haendel, un compositeur germanique pour un sacre britannique
En 1727, le grand compositeur à la mode en Grande-Bretagne n’est autre que Georg Friedrich Haendel. Ce compositeur allemand avait été repéré par George Ier pour sa musique baroque qualifiée rapidement de royale. Il a composé pour lui plusieurs mélodies pour l’accompagner pendant ses promenades sur la Tamise. George Ier l’appréciait tellement qu’en février 1727 il l’a naturalisé Britannique.
George II partage les goûts musicaux de son père. La musique pompeuse de Haendel est parfaite pour une cérémonie aussi importante dans sa vie. En plus de cela, ses origines germaniques réhaussent Haendel dans l’estime du jeune roi. Il commande au musicien quatre hymnes différents qui viendront rythmer le déroulement du couronnement. Parmi eux, il crée Zadok the Priest.
Zadok the Priest, un chant pour un couronnement
Haendel commence par écrire les paroles de son chant. Car c’est bien d’un chant qu’il s’agit et non d’une simple musique. Pour ce faire, il s’inspire d’un ancien hymne écrit en 1685 pour le couronnement d’un ancien monarque anglais, Jacques II. Le choix est plus que symbolique. Par cette référence presque cachée, Haendel montre lui aussi que George II est le digne successeur de la dynastie Stuart, faisant taire toutes prétentions jacobites.
Les paroles sont donc un dérivé d’un texte biblique. Il s’agit en fait du récit du sacre du roi d’Israël Salomon. Mais le texte n’est pas directement cité. Haendel s’est contenté de paraphraser la description biblique pour en faire un chant court et mélodieux.
Quant à la structure musicale, Zadok the Priest est écrit pour un chœur de six voix et un orchestre. Il commence par une longue introduction dont l’intensité monte crescendo. Le drame est ensuite suggéré par le chœur sur des notes plus longues. Le chœur se met ensuite à chanter d’une seule voix sur un rythme saccadé pour la deuxième phrase. Le final est chanté d’une seule voix, entrecoupé par des Amens. Le chœur se termine par une cadence largo baroque sur l’Alleluia.
Le chant de toute une monarchie
Le succès est au rendez-vous pour Zadok the Priest. Cet hymne à la gloire du nouveau souverain est repris pour le couronnement de George III en 1760. Plus qu’un chant de couronnement, Zadok the Priest est bien le véritable hymne de la Maison de Hanovre. Chaque souverain qui a succédé à George II a vu Zadok the Priest chanté pendant sa cérémonie de couronnement. Les Windsor, qui descendent directement des Hanovre, ont continué encore aujourd’hui à scander cet hymne pour chacun des sacres.
Le succès de cette composition est tel, qu’elle fut de nombreuse fois détournée pour une utilisation plus populaire. C’est ainsi que l’hymne de la Ligue des Champions a été composé en 1992 par Tony Britten en prenant pour modèle Zadok the Priest.
Les paroles de Zadok the Priest
Paroles en anglais
Zadok the Priest and Nathan the Prophet anointed Solomon King.
And all the people rejoic'd, and said:
God save the King, long live the King, may the King live for ever!
Amen Hallelujah!
Paroles traduites en français
Sadoq le prêtre et Nathan le prophète oignirent Salomon pour le faire roi.
Et tout le peuple se réjouissait, et disait :
Dieu sauve le Roi, longue vie au Roi, que le Roi vive pour l'éternité !
Amen Alléluia !