Elizabeth II demeurera à jamais « la reine », cette femme qui a su représenter avec brio pendant près d’un siècle la nation britannique. De nos jours, la majorité de ses sujets sont nés sous sa couronne. Devenue la souveraine la plus célèbre du monde, elle accumule les records. Celle qui n’était pas destinée à monter sur le trône connaît aujourd’hui une popularité sans faille. Et pourtant, son règne n’a pas toujours été si lumineux.
Jeunesse dorée d’une princesse
Nous sommes le 21 avril 1926. La foule se masse devant le 17 Bruton Street, dans le très chic quartier londonien de Mayfair. Le duc et la duchesse d’York sont heureux de présenter aux Britanniques une petite fille aux boucles d’or née dans la nuit. Le prince Albert est le second dans l’ordre de succession au trône. Il a épousé un an auparavant l’aristocrate écossaise Elizabeth Bowes-Lyon. La petite fille est prénommée Elizabeth Alexandra Mary pour rendre hommage à sa mère, son arrière-grand-mère et sa grand-mère paternelles.
Dès sa naissance, Elizabeth devient l’enfant star du gotha. On ne compte pas les unes de magazines à l’effigie de la princesse d’York. Pourtant, elle n’est que troisième dans l’ordre de succession. Avant son père, se trouve son oncle Edward, destiné à succéder à son grand-père George V. La nouvelle représentante des Windsor est une enfant sage, consciente de son rang et peu téméraire. Avec sa sœur Margaret, de quatre ans sa cadette, elle est élevée sous les dorures des palais royaux. Celle que l’on surnomme très vite Lilibeth suit les cours de précepteurs qui voient en elle une réelle intelligence. Telle une enfant de l’époque victorienne, elle grandit dans un monde clos et merveilleux ponctué d’obligations officielles.
L’abdication d’Edward VIII, un destin bouleversé
Elizabeth est toujours restée très proche de son grand-père. Le vieux roi George V a été un père sévère et autoritaire, mais avec la petite Lilibeth, son cœur s’attendrit. Il joue volontiers avec sa petite-fille à cheval sur son dos qui le surnomme « grand-père Angleterre ». Mais le 20 janvier 1936, George V rend son dernier souffle. Son fils lui succède sous le nom d’Edward VIII.
Edward est un homme qui aime plaire et être aimé. Extrêmement populaire en tant que prince de Galles, il est le prince le plus célèbre de son époque. Et Edward aime sa célébrité qui se perpétue au moment de son accession au trône. Plus que sa popularité, Edward est surtout amoureux de Wallis Simpson, une Américaine bientôt doublement divorcée au moment de son accession. Leur relation éclate au grand jour et crée un véritable scandale. Dans une Angleterre gouvernée par les mœurs victoriennes, jamais une telle femme ne pourra devenir reine-consort. Pourtant, Edward est bien décidé à l’épouser. Le gouvernement et la famille royale lui laisse le choix entre Wallis et la couronne. Ce sera Wallis.
Edward VIII abdique le 11 décembre 1936 en faveur de son frère cadet qui devient George VI. Son père devenu roi, le destin de Lilibeth bascule à jamais. Elle devient l’héritière présomptive au trône britannique. George VI a alors 41 ans. L’éventualité de la naissance d’un garçon n’est pas encore oubliée. Avec une telle naissance, Elizabeth pourrait occuper finalement la seconde place dans l’ordre de succession.
La Seconde guerre mondiale, une jeunesse dans la crainte
Une vie à Windsor
Après avoir aménagé à Buckingham Palace, la famille royale devient le nouveau symbole du Royaume-Uni. George VI et la reine Elizabeth sont très proches de leurs filles, à tel point que le roi n’hésite pas à parler de « nous quatre » pour parler de sa petite famille. Le cocon familial des Windsor doit cependant affronter bien des difficultés.
Le 3 septembre 1939, le Royaume-Uni déclare la guerre à l’Allemagne d’Adolf Hitler. Pour protéger la famille royale des bombardements, le gouvernement propose de l’envoyer au Canada le temps de la guerre. Mais le roi refuse catégoriquement. Le couple royal devient le symbole du courage britannique dans la lutte contre la barbarie nazie. Et pour cause, si officiellement la famille royale demeure à Buckingham, officieusement, le roi travaille à Buckingham et passe la nuit à Windsor. Elizabeth et Margaret demeurent quant à elles confinées derrière les murs de la forteresse millénaire de Windsor. Pendant tout le conflit, fenêtres blindées, eau froide et pièces non chauffées sont monnaie courante. Pendant le Blitz, Buckingham est bombardé alors que le couple royal y réside. George VI et Elizabeth n’hésite pas à conforter leurs sujets en sortant constater les dégâts dans les rues.
Elizabeth grandit dans cette ambiance particulière de la menace constante de l’invasion nazie. A 14 ans, elle veut elle aussi montrer à la nation son patriotisme. Au micro de la BBC, installé dans un salon de Windsor, elle prononce son premier discours radiodiffusé à l’attention des enfants évacués de Londres pour fuir les bombardements.
« Nous essayons de faire tout ce que nous pouvons pour aider nos valeureux marins, soldats et aviateurs et nous essayons également de porter notre part du danger et de la tristesse de la guerre. Nous savons, chacun de nous, que tout se terminera bien. »
Une princesse engagée
Cinq ans plus tard, en février 1945, elle ne veut plus se contenter d’attendre que le conflit se termine dans les salons dorés de Windsor. Elle s’engage dans l’armée britannique avec l’accord de son père. Elle entre dans l'Auxiliary Territorial Service avec le grade honoraire de sous-lieutenant. Elle reçoit un entrainement en conduite et en mécanique avant d’être promu capitaine honoraire cinq mois plus tard. Sa présence galvanise les troupes fatiguées par six années de guerre. A l’heure de la fin du conflit, l’engagement militaire de la princesse est très populaire.
Le 8 mai 1945, elle apparaît en uniforme militaire aux côtés de ses parents, de sa sœur et du Premier Ministre Winston Churchill au balcon de Buckingham pour fêter la fin de la Seconde guerre mondiale devant une foule en liesse. Elizabeth et Margaret sont jeunes et veulent profiter de l’enthousiasme populaire comme toute adolescente britannique. Elles partent incognito fêter l’événement au beau milieu des rues londoniennes envahies par la foule. Ce fut la seule soirée que Lilibeth a vécu en toute liberté, telle une Britannique de son époque.
Deux ans plus tard, elle fête son vingt-et-unième anniversaire alors que la famille royale effectue un voyage officiel en Afrique du Sud. Depuis l’hôtel où ils séjournent, elle prononce un discours radiodiffusé à la BBC qui restera à jamais dans l’histoire.
« Je déclare devant vous tous que je consacrerai toute ma vie, qu'elle soit longue ou brève, à votre service et au service de la grande famille impériale dont nous faisons tous partie. »
La jeune princesse devient officiellement l’héritière de la Couronne britannique. Désormais, elle est prête à endosser le destin royal qui l’attend.
Une love story royale
En 1939, George VI et sa famille visitent le célèbre collège de la Royal Navy à Darmouth. Pour occuper les deux princesses de 13 et 9 ans, le directeur du collège désigne leur cousin germain le prince Philip de Grèce et de Danemark âgé de 18 ans. Même si les deux cousins se sont déjà rencontrés auparavant, pour Lilibeth c’est un fabuleux coup de foudre. Alors que la famille royale part du collège, la princesse n’oublie ce jeune homme fort aux yeux azurs et aux cheveux blonds.
Entre eux naît une correspondance accrue alors que le prince part combattre les nazis. George VI est conscient des sentiments de sa fille pour Philip et n’hésite pas à l’inviter à passer ses permissions auprès d’eux. Le 21 avril 1947, Elizabeth fête ses 21 ans. Trois mois plus tard, le couple annonce officiellement leurs fiançailles. Pourtant le couple royal n’était pas forcément en faveur de ce mariage. La reine n’hésitait pas à traiter le prince de boche pour ses origines allemandes.
Néanmoins, le couple s’unit en grande pompe sous les voutes de l’abbaye de Westminster le 20 novembre 1947. Pour les Britanniques, cette journée est vécue comme une parenthèse enchantée dans une période de récession. Mais pour épouser l’héritière au trône, le prince Philip a dû faire quelques concessions. Il abandonne ses titres et son allégeance à la couronne grecque, ainsi que la religion orthodoxe. A l’inverse, il se convertie à l’anglicanisme et il est naturalisé Britannique en prenant le nom de sa mère Mountbatten. La veille du mariage, George VI le fait duc d’Edimbourg et lui offre le prédicat d’Altesse royale.
Le couple met peu de temps à avoir des enfants. Le 14 novembre 1948, Elizabeth donne naissance au prince Charles. Puis, deux ans plus tard, naît la princesse Anne. Avec leurs enfants, Elizabeth et Philip s’installent à Clarence House, à quelques mètres de Buckingham Palace. Philip poursuit sa brillante carrière militaire dans la Navy. Il est muté sur l’île de Malte. Sur l’île méditerranéenne, Elizabeth vit la vie d’une simple épouse d’officier alors que leurs enfants demeurent auprès de leurs grands-parents. La vie est belle pour le duc et la duchesse d’Edimbourg, mais pour combien de temps ?
Elizabeth Regina
L’accession au trône
En 1951, la santé de George VI commence à décliner. Victime d’un cancer du poumon, il doit subir l’ablation de l’un d’entre eux. Pour le soulager, Elizabeth et Philip le remplace dans la plupart de ses obligations. C’est ainsi que le 2 février 1952, le couple part pour une tournée en Australie et en Nouvelle-Zélande avec une escale au Kenya. Alors qu’ils séjournent au beau milieu des paysages kenyans, Elizabeth et Philip apprennent la mort de George VI qui a rendu ses derniers souffles dans la nuit du 6 février. La reine Elizabeth II est née.
Le couronnement
Le couple rentre en toute hâte en Angleterre pour prendre son destin en main. Accueillis par le Premier Ministre Winston Churchill, Elizabeth II et Philip prennent une berline royale pour se rendre à Sandringham dans le Norfolk, là où repose le défunt monarque.
Après une année de deuil national, vient l’heure du couronnement. Elizabeth II est sacrée reine du Royaume-Uni le 2 juin 1953. Sous les voutes de l’abbaye de Westminster, Elizabeth reçoit les symboles de son pouvoir des mains de l’archevêque de Canterbury dans une robe dessinée par Norman Hartnell et composée des symboles floraux de l’Angleterre, l’Ecosse et l’Irlande. La ferveur populaire est telle que plus de 2 millions de Britanniques sont massés dans les rues londoniennes.
Ce couronnement est une réelle exception dans l’histoire. Et pour cause, il fut entièrement retransmis en direct à la télévision dans le monde entier. L’événement est d’ailleurs le plus regardé à la télévision jusqu’à ce que l’homme pose les pieds sur la Lune. Cette innovation est le fruit de la volonté d’un homme : le prince Philip. Mais pour ce faire, il a dû affronter l’opposition de Winston Churchill et de la reine Mary de Teck, la grand-mère d’Elizabeth II. Ces derniers pensaient que l’entrée des caméras dans l’abbaye désacraliserait la cérémonie. Mais Elizabeth II a finalement tranché en faveur de son époux. L’entrée des caméras dans la vie des Windsor n’était qu’à son commencement.
Les premiers scandales
Churchill en est convaincu. Le règne de cette jeune souveraine de 26 ans paraît comme une nouvelle ère elizabethaine pour l’Angleterre. Pourtant, dès les premières années, Elizabeth II doit affronter plusieurs scandales.
La princesse Margaret est tombée amoureuse du captain Peter Townsend, l’ancien écuyer de George VI. En 1953, en plein préparatifs du couronnement, elle demande à sa sœur l’autorisation de l’épouser, comme le veut le protocole. Peter Townsend est un héros de la Seconde guerre mondiale mais il est aussi divorcé et père de famille. Elizabeth II demeure le chef suprême de l’Eglise anglicane, et l’Eglise condamne encore le remariage des personnes divorcées. Elizabeth II ne peut s’exprimer favorablement pour ce mariage malgré le soutien des médias. Margaret est dévastée. Ce refus royal va longtemps détériorer leur relation. Cependant, la reine accepte son mariage en 1960 avec le photographe britannique Antony Armstrong-Jones.
La mort d’Elizabeth II aurait dû voir disparaître la dynastie Windsor en faveur de celle des Mountbatten, la famille de son époux. Mais ce n’est pas du goût de Churchill et de la reine Mary qui ont eu tant de mal à faire accepter aux Britanniques le nom de la famille royale dans un contexte de Première guerre mondiale. Philip, avec l’appuis de son oncle Lord Louis Mountbatten, le dernier vice-roi des Indes, plaidait la cause de son nom. Elizabeth II finit par suivre les conseils de son Premier Ministre et refuse d’adopter le nouveau nom de Mountbatten pour sa descendance. Pour le duc d’Edimbourg, c’est un échec. Finalement, en 1960, Elizabeth II accepte par lettre patente que tous leurs descendants en ligne masculine ne portant pas le prédicat d’altesse royale prendraient le nom de Mountbatten-Windsor. Cette année-là, elle donne naissance à un petit garçon qu’ils prénomment Andrew. Quatre ans plus tard, un dernier né naît à Buckingham Palace et prend le nom d’Edward.
Elizabeth II et le Commonwealth
A son accession, Elizabeth II est aussi désignée chef du Commonwealth par les Premiers Ministres des nations qui composent l’institution. Le Commonwealth of Nations est en fait une organisation intergouvernementale composée de 54 États membres qui sont presque tous d'anciens territoires de l'Empire britannique. Sous son règne, Elizabeth II voit la transformation de l’Empire britannique en Commonwealth of Nations. Quand la reine Victoria a régné sur un empire colonial qui n’a cessé de s’agrandir, Elizabeth II règne sur un territoire en proie à la décolonisation. Victoria a encouragé la colonisation, Elizabeth II encourage la décolonisation. Profondément tolérante, elle est un puissant soutien à Nelson Mandela qui lutte contre l’Apartheid.
La reine aime ces pays qui lui font confiance pour les diriger. Plus qu’une reine du Royaume-Uni, Elizabeth II est avant tout chef d’une organisation internationale de poids. Elle préside toutes les réunions de chefs de gouvernement du Commonwealth et encourage la progression de l’organisation qui ne cesse de compter de plus en plus de membres. Le titulaire du titre honorifique de chef du Commonwealth demeure, depuis sa création, nommé par les Premiers Ministres des Etats membres à la mort de l’ancien titulaire. Mais en 2018, les chefs du gouvernement ont décidé par consensus que le prince Charles succéderait à sa mère comme chef du Commonwealth, faisant de ce titre, un titre héréditaire. L’avenir du Commonwealth est assuré.
Le rôle de la reine
Le métier de roi implique plusieurs obligations et titres vis-à-vis des institutions du pays. En premier lieu, par son sacre, Elizabeth II demeure le chef de l’Eglise anglicane. Oint du Saint Chrême, il est considéré comme le représentant de Dieu sur Terre. Il est l’interface entre les Hommes et le Divin. Au-dessus des ecclésiastiques d’Angleterre, il ne connaît aucun supérieur hiérarchique, si ce n’est Dieu.
La politique est l’affaire du Parlement. La diplomatie est la véritable prérogative du souverain. La représentation est au cœur du quotidien officiel de la reine. En tant que représentant officiel de la nation britannique, elle représente le Royaume-Uni lors de ses nombreux voyages à l’étranger. Grâce à ses liens avec les chefs d’Etat étrangers, elle forme la diplomatie de la Grande-Bretagne. Lorsque l’un d’entre eux se rend au Royaume-Uni, c’est elle qu’il doit d’abord saluer avant de débuter son séjour. Elle seule suffit pour représenter le Royaume-Uni.
Elizabeth II ouvre également les nouvelles sessions parlementaires lors d’une cérémonie fastueuse où tous les symboles de la monarchie sont utilisés. Au-dessus des partis, elle n’a pas de droit de vote et ne doit en aucun cas exprimé un point de vue politique. Tous les Britanniques doivent en fait se retrouver en sa personne. Ainsi se constitue l’unité du royaume. Toutefois, le gouvernement et son cabinet agissent en son nom. Elle conseille, instruit, encourage et réprimande si besoin son Premier Ministre toutes les semaines lors d’un rendez-vous à huit clos. Les actions d’Elizabeth II se déroulent ainsi en coulisses.
Les années Thatcher
En 1977, Elizabeth II fête son jubilé d’argent. Ses 25 ans de règne sont l’occasion de festivités grandioses à la hauteur de l’événement. Depuis George V, le Royaume-Uni n’avait pas vécu un tel événement. La ferveur populaire de ce jubilé ouvre la porte à une nouvelle période elizabethaine, et elle n’est pas des plus simples.
Deux ans plus tard, Margaret Thatcher est élue au 10 Downing Street. La première femme Premier Ministre de Grande-Bretagne n’a pas un caractère facile. Cette forte personnalité impose une politique dure pour redresser le pays en proie à une crise économique. Pendant onze années, deux femmes sont à la tête du Royaume-Uni. La Dame de fer redresse l’économie du pays par une série de réformes radicales, elle s’oppose à l’URSS, mène une guerre aux Malouines et soutient le libre-échange en Europe. Conservatrice, Thatcher sait ce qu’elle veut et n’hésite pas à imposer ses volontés à son entourage politique et aux Britanniques quitte à déplaire. La gronde sociale monte face à celle qui soutient la fermeture des mines de charbon.
Avec Thatcher, la reine entretient une relation particulière. Elizabeth II ne s’est pas toujours entendue avec ses Premiers Ministres. Mais en tant que représentante de la cohésion entre les Britanniques elle se devait de rester neutre politiquement, ce qui ne l’empêchait pas de donner son avis lors des entrevues hebdomadaires. C’est ce qu’elle fit à de nombreuses reprises avec Thatcher. Avec elle, c’était difficile. Lors des audiences privées, Thatcher aurait très souvent fait la conversation seule, ne laissant pas la reine s’exprimer. Face à sa politique de fer, Elizabeth II n’aurait pas hésité à la sermonner, mais Thatcher n’a jamais tenu compte de son avis. Les conversations étaient vigoureuses. D’autant que les partisans de Thatcher qui goûtaient peu au cérémonial de la Couronne voyait en elle leur « vraie reine ». Elle osait même porter des tenues toujours plus proches de celles de la reine. Les deux femmes avaient le même âge mais elles venaient de milieux radicalement différents. Malgré tout, un profond respect réciproque règne entre elles. A tel point qu’à la mort de Thatcher en 2013, la reine assiste à ses funérailles nationales, un privilège qu’elle avait accordé qu’à Churchill.
Elizabeth et Diana, la guerre des Dames
Le 29 juillet 1981, le prince Charles épouse Lady Diana Spencer, une jeune aristocrate de 19 ans qui répondait à toutes les exigences pour devenir une reine-consort. Retransmis en direct à la télévision, il attire des millions de téléspectateurs au point d’être surnommé « le mariage du siècle ». L’engouement autour de ce mariage est le point de départ d’une longue descente aux enfers médiatique. L’intérêt des médias pour la famille royale ne cesse de grandir. Toujours à l’affut du moindre scandale, les tabloïds scrutent le moindre fait et geste des Windsor, en particulier la nouvelle princesse de Galles.
Charles et Diana offrent à la reine deux héritiers, William et Harry. Au départ, Elizabeth II est très enthousiaste face à ce mariage. Mais au cours du temps, son point de vue est bouleversé. Charles a continué sa relation avec Camilla Parker Bowles malgré son mariage. Diana ne supporte pas cette relation. Toujours en quête de libertés et d’attention, elle est aussi très peu à l’aise dans l’univers des palais royaux. Boulimique, Diana tombe dans une profonde dépression. Elle commence alors à révéler aux médias l’échec de la vie conjugale de son couple. Elizabeth II, qui a été élevée pour cacher ses sentiments, n’arrive pas à comprendre son comportement. Finalement, les deux femmes sont beaucoup trop différentes pour réussir à s’entendre.
1992, l’annus horribilis
« 1992 n’est pas une année dont je me souviendrai avec plaisir. Selon les termes de l’un de mes plus correspondants les plus compatissants, elle s’est révélée être une « Annus horribilis ». »
1992 est l’Annus horribilis. En mars, le prince Andrew divorce de Sarah Ferguson. En avril, la princesse Anne divorce de Mark Philips. Et en décembre, Charles et Diana finissent par se séparer. La reine voit alors en une seule année, le mariage de ses enfants mis à bas.
En plus de ces séparations au sein de sa famille, Elizabeth II voit son très cher château de Windsor partir en fumée. La vieille forteresse millénaire est victime d’un important incendie détruisant de nombreuses pièces d’apparat tel que le Grand Hall Saint George. Cet incendie déchire la souveraine. Toute sa vie, elle est toujours restée très attachée à Windsor, le château qui l’avait protégé de la barbarie nazie. Le château doit alors subir d’importants travaux. En tant que propriété de la Couronne, il revenait au contribuable de les payer. Mais les médias prennent les armes pour obliger la souveraine à payer pour un palais qu’elle seule a la possibilité de profiter. A ce moment-là, jamais le sentiment antimonarchiste n’avait été aussi haut. Finalement, le gouvernement demande à la souveraine de payer un impôt sur le revenu. Le palais de Buckingham est également ouvert au public l’été afin de financer les réparations.
La mort de la princesse Diana
Diana finit par critiquer ouvertement les capacités de Charles à devenir roi. C’est de trop pour Elizabeth II qui ordonne au couple de divorcer. En 1996, le gouvernement annonce le divorce du couple héritier. Diana perd son prédicat d’Altesse royale mais garde son titre de princesse de Galles. Elle accumule alors les couvertures aux bras d’amants. En août 1997, en compagnie de Dodi Al Fayed, elle est victime d’un accident de la route sous le pont de l’Alma à Paris suite à une course-poursuite avec les paparazzis. La princesse rend son dernier souffle quelques heures plus tard.
A ce moment-là, la reine est à Balmoral entourée de sa famille. Pour protéger William et Harry, elle ordonne de supprimer toutes les télévisions et les radios de la demeure. La reine souhaite avant tout protéger ses petits-enfants des yeux indiscrets dans son domaine écossais. Tous les bâtiments officiels avaient mis en berne leur drapeau suite à la mort de la princesse, sauf Buckingham. Le peuple britannique s’indigne. Pour calmer la colère populaire, Tony Blair réussit à convaincre la reine de rentrer à Londres. Trois jours plus tard, elle fait son entrée dans la capitale. Un drapeau est alors mis en berne sur Buckingham et la reine vient rencontrer son peuple apeuré devant les grilles.
Etant donné que Diana ne faisait plus partie de la famille royale, la reine et la famille Spencer souhaitaient des funérailles privées. Mais là encore, le peuple s’y oppose. Finalement, des funérailles dignes d’une Altesse royale sont organisées, retransmises en direct à la télévision.
Jamais une telle hostilité ne s’était manifestée envers Elizabeth. Pour calmer cette colère, elle prononce un discours télévisé depuis un salon de Buckingham la veille des funérailles où elle exprime son admiration pour Diana et ses sentiments de grand-mère. Enfin, au moment où le cercueil passe devant les grilles du palais, Elizabeth II s’incline respectueusement. Des gestes forts qui finirent par mettre un terme à l’hostilité de l’opinion publique.
La modernisation d’une institution vieillissante
En 2002, Elizabeth fête ses 50 ans de règne. Mais ce jubilé d’or est terni par les morts successives de sa sœur Margaret puis de sa mère Elizabeth Bowes-Lyon. Très attristée, elle sauvegarde malgré tout les festivités qui eurent un grand succès.
Le passage de Diana dans la famille royale a laissé des traces. Elizabeth II ne veut plus revivre les horreurs du passé. Le comportement public de la reine change radicalement. Elle commence à dévoiler davantage ses sentiments et se mêle volontiers à la foule. Mais la modernisation de la monarchie britannique va plus loin. Elle ouvre tous à tous un site internet officiel et des comptes Facebook, Instagram et Twitter. Elizabeth 2.0 est née. Elle sait que sans cette connexion au monde, l’institution ne pourra perdurer. Rester dans l’air du temps pour sauvegarder la monarchie, voilà la ligne directrice qu’elle s’est fixée. Pour communiquer, les réseaux sociaux deviennent désormais la meilleure arme des Windsor.
Au sommet de sa popularité
Le mariage de William et Kate
Pour preuve de cette modernisation, Elizabeth II accepte l’union de son petit-fils William avec Kate Middleton, une roturière. Le couple se marie le 29 avril 2011 en l’abbaye de Westminster lors d’une cérémonie somptueuse retransmise en direct à la télévision. Jamais la popularité des Windsor n’avait été si élevée. Ce mariage est perçu comme un tremplin vers une ère nouvelle pour la monarchie outre-Manche. Kate et William offrent trois nouveaux héritiers à la Couronne : George, Charlotte et Louis. Au moment de la naissance de George, les règles de succession au trône changent au profit de la primogéniture sans préférence masculine. Ainsi, qu’il soit un garçon ou une fille, le premier-né de l’héritier accèdera au trône.
Le jubilé de Diamant
En 2012, Elizabeth II fête ses 60 ans de règne. Le jubilé de Diamant est fêté en grande pompe dans tout le Commonwealth. La ferveur populaire est si grande qu’elle montre de nouveau une immense popularité accordée à la souveraine. Concert géant, cérémonie religieuse et parade navale sur la Tamise rythment le cours du jubilé.
Cette année-là, Londres organise les Jeux olympiques. Pour la cérémonie d’ouverture, la reine a accepté de jouer son propre rôle dans un court-métrage au côté de Daniel Craig qui joue James Bond, le célèbre agent secret britannique. Ce film est devenu culte aujourd’hui.
Les dernières crises
Le 4 mai 2017, le prince Philip annonce se retirer de sa vie publique après plus de 70 ans d’obligations. Elizabeth II perd alors le roc sur lequel elle a pu s’appuyer pour régner durant toutes ces années. S’il reste présent en privé, le monde devra s’habituer à ne plus la voir en public au côté de son époux.
Harry a bénéficié lui aussi de la modernisation de sa famille. En mai 2018, il épouse Meghan Markle, une Afro-américaine divorcée. Accueilli comme le dernier signe de modernité, ce mariage se conclut par la naissance d’Archie Harrison. Mais à la fin de l’année 2019, le couple décide de quitter le noyau de la famille royale pour fuir aux Etats-Unis, se disant incapable de vivre avec les obligations et la couverture médiatique qu’ils avaient. Cette crise au sein des Windsor est vécue comme un véritable tsunami. Jamais un membre de la famille royale n’avait répondu à ses caprices en fuyant ses obligations pour vivre « incognito » à l’étranger. Le scandale n’est jamais loin chez les Windsor.
La reine face au coronavirus
Celle qui détient le record de longévité pour un règne britannique, joue son rôle à la perfection. En 2020, le monde est frappé par une crise sanitaire inédite. Le coronavirus né en Chine tue des millions d’individus, obligeant le monde à se confiner. Avec leur grand âge, Elizabeth II et Philip sont considérés comme des individus à risque. Ils se confinent alors au château de Windsor en mars 2020. Le 25 mars suivant, le prince Charles annonce avoir été testé positif au coronavirus avec de faibles symptômes. S’il est déclaré guéri 15 jours plus tard, la nouvelle est accueillie avec effroi. La reine et le prince de Galles sont en première ligne pour galvaniser le courage des Britanniques face à l’épidémie. Le prince Charles accumule les prises de parole vidéos sur de nombreux sujets depuis sa demeure écossaise. Quant à la reine, elle prononce un discours télévisé le 5 avril 2020 enregistré au château de Windsor.
« J’espère que dans les années à venir, tout le monde pourra être fier de la façon dont [le peuple britannique] a répondu à ce défi. Ceux qui nous succéderont diront que les Britanniques de cette génération étaient aussi forts que tous. Que les attributs de l’autodiscipline, de la bonne résolution tranquille et de la camaraderie caractérisent toujours ce pays. »
Ce discours est perçu comme l’un des plus importants de son règne. Jamais un discours de la reine n’avait été aussi repris par les nations européennes. Un mois plus tard, elle prononce un nouveau discours télévisé pour fêter les 70 ans de la fin de la Seconde guerre mondiale le 8 mai 2020. Grâce à lui, elle tente de remonter le moral de ses sujets.
A 94 ans, la doyenne des monarques européens n’a jamais été aussi populaire. Par sa longévité et son prestige, elle est vue aujourd’hui comme la femme la plus influente et la mieux infirmée du monde. Toujours vêtue de couleur vive pour qu’elle soit vue de tous, sa silhouette est désormais légendaire. Sa retenue en toutes circonstances l’a rendu mystérieuse, pourtant, elle a occupé son post avec brio tout au long de ces années. Celle qui vit son règne comme un sacerdoce n’a pas l’intention d’abdiquer. Elle représente à elle seule toute une époque faite de nombreux changements. Son sens du devoir, sa capacité à s’adapter et à moderniser la monarchie firent la force de son règne qui bénéfice d’une image rare aux yeux du monde. Elle seule suffit à représenter le Royaume-Uni. Elizabeth II est, et restera, la reine de tout un siècle.