Le 14 juillet 2018, le roi Philippe et la reine Mathilde sont reçus au château de Windsor par la reine Elizabeth II. C’est avec un immense plaisir qu’elle reçoit le couple royal belge pour le thé en son château favori. Philippe et Mathilde étaient à Londres pour assister à une cérémonie militaire au Cénotaphe qui commémorait les soldats belges morts pendant les deux guerres mondiales. Elizabeth II apprécie particulièrement la compagnie du roi des Belges. Et pour cause, les deux souverains sont cousins et sont les dignes représentants de deux familles royales extrêmement proches.
Des liens familiaux étroits et anciens entre les deux familles royales
Léopold Ier et les Saxe-Cobourg-Gotha, un destin britannique
Quand meurt en 1806 le duc François de Saxe-Cobourg-Saalfeld, son fils Ernest hérite de son titre, mais c’est bien son fils cadet Léopold qui devient le véritable meneur de la famille. Le tsar Alexandre Ier de Russie souhaite s’attirer les faveurs de l’Angleterre en présentant en 1814 son propre candidat au mariage de la princesse Charlotte du Royaume-Uni, la fille unique du prince-régent. Il choisit alors le prince Léopold comme candidat idéal. D’abord indifférente, elle exige finalement son retour en Grande-Bretagne. Le prince germanique doit cependant attendre la fin des guerres napoléoniennes pour faire sa demande. C’est ainsi que le couple se marie en 1816. Profondément épris de son épouse, Léopold ne tarde pas à mettre enceinte Charlotte, mais elle fait rapidement une fausse-couche. Elle tombe une seconde fois enceinte quelques mois plus tard et donne finalement naissance à un garçon mort-né le 5 novembre 1817. Le lendemain, Charlotte succombe elle aussi à cet accouchement douloureux. Profondément attristé, Léopold retourne en son duché et prend en charge l’avenir de ses sœurs.
Il favorise l’union de sa sœur Victoria avec le prince Edward de Kent, quatrième fils du roi George III, qui est célébrée le 29 mai 1818 au palais Ehrenbourg à Cobourg. La nouvelle duchesse de Kent donne naissance à une petite fille à qui elle offre son prénom le 24 mai 1819, huit mois avant que son époux ne succombe d’une pneumonie. Dès son enfance entre les grilles du palais de Kensington, Victoria entretient une très forte relation avec son « très cher oncle Léopold ». Elle qui n’a jamais connu son père, écoute avec attention ses conseils.
Les Saxe-Cobourg-Saalfeld deviennent les Saxe-Cobourg-Gotha en 1826. Cinq ans plus tard, Léopold embrasse une destinée royale. Il est élu roi des Belges avant de prêter serment sur la constitution du nouveau pays le 21 juillet 1831. Une fois devenu roi, il épouse la princesse Louise d’Orléans, fille du roi des Français Louis-Philippe Ier, le 9 novembre 1932 à Compiègne. Désormais, il pense aux intérêts politiques de son royaume et du Royaume-Uni, tout en encourageant la paix en Europe. C’est dans ce contexte qu’il continue à entretenir une étroite correspondance avec sa nièce Victoria qui reste l’héritière de la Couronne britannique.
Victoria et son « cher oncle Léopold »
Victoria accède au trône du roi Edward en 1837. Elle continue à suivre les recommandations envoyées par cet oncle qu’elle considère comme son « meilleur et plus gentil conseiller ». Cette jeune femme a un cœur à prendre. Pour mener ses ambitions politiques internationales à bien, Léopold Ier favorise le mariage de Victoria avec son neveu Albert. En mai 1836, il avait organisé une réunion de ses proches pour permettre aux deux jeunes gens de se rencontrer. Victoria est sous le charme de son cousin et l’invite régulièrement à Londres. Le mariage est célébré le 10 février 1840 en la chapelle royale du palais Saint James.
Le roi des Belges travaille ensuite à apaiser les tensions entre le Royaume-Uni et la France. Il souhaite que la bonne entente règne entre Londres et Paris, afin que Bruxelles soit en sécurité. Il organise donc une entrevue entre son beau-père Louis-Philippe et sa nièce Victoria en 1843. Le roi des Français choisit son domaine normand d’Eu pour accueillir la reine de Grande-Bretagne et son époux. La rencontre se passe si bien que Louis-Philippe rend la visite reçue l’année suivante à Windsor en effectuant un voyage entièrement organisé par le roi Léopold. En 1845, la reine Victoria revient une nouvelle fois à Eu et confirme donc son amitié avec le roi des Français.
Si Victoria ne s’est jamais entendue avec sa mère, elle admire son oncle qu’elle invite régulièrement dans ses nombreuses résidences. Ainsi, le 29 juin 1859, il est invité avec son fils Philippe, comte de Flandre, à Osborne House sur l’île de Wight. La reine Victoria va jusqu’à faire installer un portrait de Léopold dans son salon 1844 du palais de Buckingham au côté d’un portrait de Louis-Philippe.
Le roi des Belges se veut aussi attentif aux enfants de sa nièce. En 1862, il organise les fiançailles du futur roi Edward VII avec Alexandra de Danemark au palais de Laeken à Bruxelles, avant qu’ils n’embarquent pour Londres et se marient en la chapelle Saint-George de Windsor. Quant à la reine Victoria, elle se veut la protectrice de son cousin, le futur roi Léopold II. Elle conserve toute sa vie un portrait qu’elle fit de lui enfant en 1841 et place un buste le représentant sur une bibliothèque du Grand Corridor du château de Windsor. Léopold part même en Angleterre en octobre 1853 pour son voyage de noces avec sa jeune épouse Marie-Henriette de Habsbourg-Lorraine. Après avoir succédé à son père en 1865, Léopold II est fait chevalier de l’ordre de la Jarretière par la reine Victoria. Il fait évidemment partie des nombreux invités royaux lors du jubilé d’or de la reine en 1887 où il est placé à la droite de la souveraine lors du banquet du jubilé.
Des souverains unis face à la Première guerre mondiale
Albert Ier succède à son oncle Léopold II en 1909. Alors qu’il était encore prince de Belgique, il avait représenté son oncle au couronnement du roi Edward VII le 9 août 1902. Mais le 20 mai 1910, il traverse à nouveau la Manche pour assister désormais aux funérailles du monarque anglais. Ces funérailles rassemblent la totalité des monarques européens de cette époque, l’occasion pour eux de poser pour une photographie qui marquera l’histoire. Ce jour-là, Albert Ier effectue son tout premier voyage officiel à l’étranger en tant que souverain.
En 1914, la Première guerre mondiale éclate. Albert Ier et George V sont des cousins extrêmement proches qui vont faire de leurs points communs des atouts pour affronter ce conflit d’envergure mondiale. Malgré la neutralité de la Belgique, l’armée allemande envahit le royaume. Albert Ier s’allie alors à George V et envoie ses enfants en Grande-Bretagne pour les protéger.
Forcé de quitter Bruxelles, le roi refuse néanmoins de se réfugier à l’étranger. Pendant tout le conflit, il n’aura de cesse de se rendre dans les tranchées françaises pour soutenir ses troupes où il rencontre à de nombreuses reprises son homologue anglais. George V et Albert Ier vont ainsi inspecter leurs troupes en 1914 à Furnes ou encore en 1916. Le 6 juillet 1918, il est reçu avec son épouse au palais de Buckingham avant que les deux couples royaux ne se rendent au château de Tramecourt près d’Azincourt pour effectuer une dernière tournée française avant la fin du conflit.
Le 22 novembre 1918, la famille royale belge fait son grand retour à Bruxelles. George V envoie son fils le duc d’York pour le représenter à ce grand événement qui marque la vie de la famille royale belge. Quatre ans plus tard, George V et la reine Mary font une visite officielle à Bruxelles pour confirmer l’alliance entre les deux royaumes. Cette visite est la dernière rencontre entre les deux cousins, avant que le roi Albert décède en 1934 des suites d’une chute après avoir escaladé une vallée. En mémoire de son cousin, George V accorde à l’armée belge le privilège de pouvoir défiler dans la capitale britannique.
Elizabeth II et Baudouin, une véritable amitié
Le fils d’Albert devient Léopold III. Fortement critiqué pour son comportement pendant la Seconde guerre mondiale, il est finalement obligé d’abdiquer en 1951 pour laisser son trône à son fils Baudouin. George VI va lui aussi critiquer les agissements du roi et va s’exprimer favorablement à l’abdication de Léopold III. Baudouin en veut aux Britanniques et va même refuser de se rendre aux funérailles de George VI en 1952, préférant être remplacer par son frère le prince Albert.
Les premiers liens de Baudouin avec ses cousins anglais remontent au 31 mars 1953. Il se rend à Londres pour assister aux funérailles de la reine Mary. Ces funérailles sont l’occasion pour la jeune Elizabeth II de rencontrer pour la première fois le roi Baudouin. Les deux souverains s’entendent à merveille, et pour cause, ils ont tous les deux dévoués leur vie au service de leurs peuples. Grâce à sa bonne entente avec Elizabeth II, la colère de Baudouin s’estompe. Six ans plus tard, il effectue un séjour privé en Ecosse et loge même au château de Balmoral, à l’invitation de la reine.
Baudouin épouse Fabiola de Mora y Aragón en 1960. Trois ans plus tard, ils sont reçus à Londres pour une visite d’Etat de quatre jours. Cette dernière visite d’Etat d’un souverain belge en Grande-Bretagne est fêtée avec faste avec notamment un dîner d’Etat et une soirée à Covent Garden. Le 14 mai 1966, Elizabeth II et le prince Philip se dirigent vers Bruxelles pour leur premier voyage officiel en Belgique. Cette visite d’Etat marque longtemps les mémoires belges. Et pour cause, elle est l’occasion pour Elizabeth II et Baudouin de confirmer l’amitié entre leurs deux pays après une décennie de relations complexes.
La reine et son époux se rendent d’abord au château d’Argenteuil auprès de l’ancien roi Léopold III. Les réconciliations sont officielles. Ils sont ensuite reçus par Baudouin et Fabiola au château de Laeken où ils visitent pour la première fois les célèbres serres de Léopold II. Les couples royaux prennent aussi du temps en privé, en témoigne ce cliché pris par le roi Baudoin à bord du train royal quelque part entre Bruxelles et Bruges. Un dîner officiel est donné en l’ambassade britannique à Bruxelles mais aussi au palais royal avant de participer à un gala donné au théâtre royal de la Monnaie.
De cette visite officielle qui se termine le 17 mai 1966 naît une véritable amitié entre les deux souverains. Elizabeth II et Baudouin se rencontrent à plusieurs événements officiels comme les 150 ans de l’indépendance de la Belgique, les 50 ans du débarquement de Normandie en 1995, ou encore les 50 ans de la Bataille d’Angleterre en 1990. Les rois des Belges sont même invités au mariage du prince Charles et de la princesse Diana le 29 juillet 1981 où ils logent dans la Belgian Suite du palais de Buckingham qu’occupait le roi Léopold Ier lorsqu’il visitait la reine Victoria. Le 7 juin 1993, Elizabeth II et le prince Philip sont inviter à déjeuner au château de Laeken avant de se rendre avec le duc de Wellington à Waterloo. Ce déjeuner est la dernière rencontre entre les deux couples royaux avant que Baudouin ne rende son dernier souffle.
Preuve de l’affection de la reine pour son cousin, elle se rend personnellement à ses funérailles le 7 août 1993. Le protocole britannique veut que le souverain n’assiste pas aux funérailles des chefs d’Etat étrangers. Elizabeth II a toujours respecté à la lettre le protocole, mais pour Baudouin, elle fit exception.
Les souverains belges au rythme du règne d’Elizabeth II
Une amitié perpétuée
Albert II succède à son frère Baudouin sur le trône belge. Alors qu’il était encore prince de Liège, Albert avait représenté à plusieurs reprises son frère en Grande-Bretagne. Outre les funérailles du roi George VI en 1952, c’est lui qui est choisi par le roi pour représenter la Belgique au couronnement de la jeune reine l’année suivante. Il est bien évidemment présent au voyage officiel d’Elizabeth II et du prince Philip à Bruxelles.
La première rencontre entre le roi Albert II et la reine Elizabeth II après son accession au trône a lieu le 6 juin 1994. Ce jour-là, les chefs d’Etat du monde se rassemblent en France pour célébrer les 60 ans du Débarquement en Normandie. Quatre mois plus tard, les deux couples royaux inaugurent l’Eurostar qui relie Bruxelles à Londres avant qu’Albert II et son épouse Paola ne soient invités à un lunch au palais de Buckingham.
Outre les grands événements internationaux, les couples royaux britannique et belge restent très liés. En 1997, Elizabeth II et Philip fêtent leurs 50 ans de mariage. Les rois belges font bien entendu partie des invités. Trois ans plus tard, ils sont à nouveau invités à Londres pour assister au service d’Action de Grâce en la cathédrale Saint Paul à l’occasion du centième anniversaire de Queen Mum. 2002 est d’abord une année funeste en Angleterre. Outre la mort de la princesse Margaret, Queen Mum rend aussi son dernier souffle. Le roi des Belges se rend alors à ses funérailles le 9 avril avant de revenir en Grande-Bretagne pour le jubilé d’Or de la reine deux mois plus tard.
Elizabeth II traverse une dernière fois la Manche pour une visite officielle le 12 juillet 2007. Elle commence sa journée par une visite de la firme pharmaceutique Glaxo Smith Kline à Wavre aux côtés des princes Philippe et Mathilde. La reine et son époux sont ensuite invités à déjeuner au château de Laeken par le couple royal. L’après-midi, ils se rendent au Tyne Cot Cemetery à l’occasion du 90e anniversaire de la bataille de Passendale avec la reine Paola avant de se rendre à Ypres pour assister au Last Post à la Porte de Menin.
Elizabeth II reçoit une nouvelle fois son cousin Albert II et son épouse en 2012 à l’occasion des festivités de son jubilé de Diamant. Un an plus tard, voyant sa santé diminuer, le roi abdique en faveur de son fils Philippe.
Philippe et Elizabeth II, les représentants de l’entente anglo-belge
Le prince Philippe se rend avec son père à Londres en 2000 pour la cérémonie qui fête les 100 ans de Queen Mum. Ce jour-là, il rencontre pour la première fois la souveraine britannique et sa famille. Trois ans plus tard, c’est lui qui représente son père au mariage du prince William et de Kate Middleton.
Une fois devenu roi, Philippe perpétue les liens qui perdurent entre sa famille et les Windsor. Avec Elizabeth II, il inaugure le 6 novembre 1914 le Flanders Fields Memorial Garden à Londres, un monument dédié à la mémoire des soldats qui ont combattu pendant la Première guerre mondiale. Il faut attendre quatre ans pour revoir le couple royal belge fouler une nouvelle fois le sol britannique en rendant visite à la reine à Windsor après une cérémonie à Londres.
Le roi Philippe a toujours été proche du prince Charles. La préservation de l’environnement est une cause qui lui tient particulièrement à cœur. Il fut ainsi président du Conseil national du développement durable et parrain de l'ONG Plan International Belgique. Leurs convictions écologiques les rapprochent. Ainsi, Philippe fut invité aux soirées d’anniversaire des 60 ans et 70 ans du prince de Galles.
Voilà plus de cent ans que les familles royales de Belgique et de Grande-Bretagne partagent bien des points communs. Au-delà du lien du sang, en elles ont reposé l’amitié entre leurs deux nations. Windsor et Saxe-Cobourg-Gotha ont fait de leur amitié une force envers et contre tout contexte politique. Elizabeth II fut particulièrement proche de ses cousins belges. Avec le roi Baudouin, elle a animé une réelle amitié aussi touchante qu’exceptionnelle. Avec Elizabeth II et sa descendance perdure ainsi l’amitié anglo-belge.
Nous adressons nos remerciements les plus sincères et les plus chaleureuses à M. Xavier Baert, directeur Médias et Communication au sein du Cabinet du Roi des Belges, et à M. Baudouin D'hoore, directeur du service des Archives du Palais Royal de Belgique, pour toutes les informations et photographies inédites qu'ils ont bien voulu me transmettre pour réaliser cet article.