11 décembre 1936, l’Empire Britannique vit un jour grave et inédit dans son Histoire. Tous les sujets de cet immense empire colonial s’installèrent autour de leur TSF (télégraphie sans fil) respectif, branché sur la BBC, dans un silence assourdissent. Ce soir-là, Sa Majesté Edward VIII, roi du Royaume-Uni et de ses dominions ainsi qu'Empereur des Indes, s’adressa à ses différents peuples par la voix des ondes en prononçant depuis le château de Windsor, avec une voix chargée d’émotions :
« J'ai estimé impossible de porter le lourd fardeau de responsabilités et de remplir les devoirs qui m'incombent en tant que roi, sans l'aide et le secours de la femme que j'aime. » Coup de théâtre pour la monarchie Outre-Manche ! Le roi a décidé de renoncer à son trône et à ses obligations pour le cœur d’une femme, 10 mois et 21 jours seulement après son accession. Une situation sans précédent qui fragilisa la monarchie. Cette femme n’était autre que Wallis Simpson, une américaine peut fréquentable pour la famille royale, mariée à deux reprises. Ainsi avait été la raison officielle de cette abdication. Mais qu’en est-il vraiment des raisons qui poussèrent Edward VIII à abdiquer ce jour de 1936 ? Pour comprendre cette abdication, commençons par analyser la raison officielle.
Edward et Wllis : deux portraits atypiques
Comment décrire Edward en quelques mots ? Un homme puéril, sensible, libertin, dépensier et beaucoup trop festif. Ces quelques adjectifs vous dépeignent un caractère peu commode pour un souverain du XXème siècle. Mais avant de débuter toutes critiques envers le personnage, une présentation s’impose.
Avant de monter sur le trône, le fils aîné du roi George V et de la reine Mary, David (pour les intimes) était prince de Galles depuis le 6 mai 1910. David est né le 23 juin 1894 à Londres à une époque où l’Angleterre victorienne était la plus grande puissance mondiale. Il fut éduqué, selon les mœurs de l’époque, à domicile en étant coupé du monde. Dès son enfance son institutrice remarqua son manque d’enthousiasme pour tout ce qui était intellectuel et tout ce qui entourait sa future fonction.
Mais à partir de son adolescence, David montra un certain intérêt pour la vie publique ou plutôt médiatique. Il multipliait les obligations officielles au milieu du peuple dans le seul but de se faire voir et de jouir d’une popularité qui paraissait sans faille. En effet, David est sans aucun doute le prince de Galles le plus populaire qu’il n’ait été donné à l’Angleterre. Ces obligations lui ont permis de découvrir, en un sens, le monde qui se trouve en dehors de la tour dorée dans lequel il vivait jusqu’ici. A partir des années 1930, l’héritier du trône commença à faire désordre dans l’opinion public en s’affichant au bras de jeunes femmes toutes aussi charmantes les unes que les autres, mais aussi, toutes mariées. Dans une société où le mariage est sacré, le fait que le futur chef de l’Eglise Anglicane s’amourachait de femmes mariées était inconcevable ! Il eut alors droit à de nombreuses remontrances de la part de son père qui accumulait les lettres se terminant par : « Encore une fois, vous me décevez… » Wallis Simpson, qu’il rencontra pour la première fois en 1931, était, au départ, simplement l’une des nombreuses conquêtes du prince. Voyons désormais ce qu'il en est de cette femme.
Wallis Simpson quant à elle, était une femme manipulatrice, déterminée et avide de richesses.
Wallis est une Américaine née le 24 avril 1896 en Pennsylvanie. Née Wallis Warfield, elle passa sa jeunesse à Baltimore. Elle eut une éducation protestante austère dans une école pour filles qui avait pour but de former des futures épouses pour les gentlemans du beau monde. Lorsque son beau-père meurt en 1913, elle n’eut qu’une seule obsession : se trouver un mari riche pour soulager financièrement sa mère. Elle se montra donc très tôt calculatrice, manipulatrice envers les hommes afin d’avoir ce qu’elle voulait. C’est ainsi qu’elle se maria pour la première fois avec Earl Spencer en 1916, un officier de marine alcoolique et espion pour le compte des Etats-Unis. C’est durant leur mariage que Wallis apprit à faire des massages érotiques dans des maisons closes chinoises. Un savoir-faire qui s’est avéré bien utile dans l’art de la manipulation masculine. Le couple finit par divorcer en 1927 mais Wallis ne resta pas célibataire très longtemps puisqu’elle se maria un an plus tard à Ernest Simpson, dirigeant d’une grande entreprise de transport maritime. Le couple, grâce à leurs relations, réussi à être invité à de nombreuses soirées organisées par le prince de Galles à partir de 1931. Les difficultés financières du couple Simpson encouragèrent Wallis à se mettre à la conquête du cœur de l’héritier de la Couronne.
Une relation intolérable
Les mœurs des années 1930 étaient encore celles de l’Angleterre de la reine Victoria. Wallis avait pour projet de divorcer d’Ernest Simpson afin de se consacrer pleinement à sa relation avec David, ce qui faisait d’elle une femme bientôt doublement divorcée. Les femmes divorcées étaient totalement rejetées par la société, et cela pour toutes les catégories sociales de l’époque. La haute société londonienne était, sans doute, encore plus stricte en ce qui concerne le divorce.
Très vite, l’idée de mariage apparu au sein du couple, le divorce de Wallis devenait alors très urgent. L’idée que le futur roi d’Angleterre, chef de l’Eglise Anglicane, épouse une américaine protestante et par ailleurs doublement divorcée était inacceptable. Le peuple se faisait une autre image d’une reine-consort idéale : une jeune fille vierge, anglicane et appartenant à une famille aristocrate britannique prestigieuse. Si la popularité du prince était immense au début des années 1930, celle-ci se vu considérablement diminuée lorsque sa relation avec Wallis fut rendu public. L’Américaine se mit progressivement à dos toute la famille royale en plus d’une majorité des Britanniques.
En 1935, Wallis et David se mirent à faire apparaître des désirs de mariage. George V était alors furieux contre son fils, ne voulant plus jamais revoir celle qu’il appelle déjà « ma femme ». Afin de pouvoir s’unir à jamais, le couple si contesté voulait même s’enfuir du Royaume-Uni et ne plus jamais revenir. Oui mais voilà, un imprévu est venu mettre un terme définitif à leur désir de fuite. Le 20 janvier 1936, George V meurt à l’âge de soixante-dix ans. David doit alors lui succéder sous le nom d’Edward VIII.
Pendant son règne, comme à son habitude, Edward VIII ne pensait qu’à faire la fête et à décliner toutes ses obligations comme de lire et corriger les documents envoyés par le Parlement au souverain dans les célèbres « Red Box ». Wallis ne fut pas mise de côté durant le règne d’Edward, au contraire, elle était à chaque fois présentée publiquement au côté de celui qu’elle désirait épouser. Mais la question du mariage du roi devenait dès lors une affaire publique qui dépendait de la décision du Parlement. Cependant, le Parlement comme le peuple de Grande-Bretagne ne désirait pas avoir Wallis comme reine. Le Premier Ministre Stanley Baldwin était totalement opposé à ce mariage. Celui-ci finit par forcer Edward à choisir entre Wallis et la Couronne. C’est ainsi que le 10 décembre 1936, après 10 mois et 21 jours de règne, Edward VIII se résolut à signer l’acte d’abdication pour elle. Il quitta son trône sans même avoir eut droit au sacre à Westminster Abbey qui était normalement prévu pour le 12 mai 1937. Son frère cadet lui succéda sous le nom de George VI et celui-ci les condamna à l’exile définitive sous le titre de duc et duchesse de Windsor.
Le problème étant qu’aujourd’hui de nombreux historiens contestent cette raison officielle de la seule abdication de l’Histoire de la monarchie britannique.
Des sympathies nazies inappropriées
Edward VIII avait, depuis très jeune, une véritable admiration envers l’Allemagne. Alors qu’il était prince de Galles, il préférait parler allemand plutôt qu’anglais en privé par exemple. De plus, il faut savoir que le nom originel de la dynastie Windsor était Saxe-Cobourg-Gotha, on ne peut faire difficilement plus allemand. C’est George V qui, en 1917, voulut faire oublier les origines allemandes de la famille royale dans un contexte de Première Guerre Mondiale en anglicisant leur nom et en se débarrassant de tous leurs titres allemands.
Mais bien plus que pro-allemand, Edward était sans aucun doute pro-nazi. Il vouait un véritable culte pour Hitler où il admirait sa force de caractère et sa manière de s’imposer dans ses discours. Une orientation politique qui est sans doute venue avec l’arrivée de Wallis dans sa vie. Au sein du couple, elle fut la première à se laisser tenter par les idées nazies et a probablement entraîné Edward avec elle.
Dans les années 1930, l’ambassadeur d’Allemagne en Angleterre était Joachim von Ribbentrop. Il courut la rumeur au sein des services secrets britanniques, selon laquelle Wallis entretenait une liaison avec l’ambassadeur allemand et jouait dans le même temps le rôle d’espionne pour le compte du IIIème Reich. Cependant cette soit disante relation n’a jamais pu être véritablement prouvé. Avant 1939, beaucoup de Britanniques pensaient que le véritable ennemi du Royaume-Uni était l’URSS et non l’Allemagne, et Wallis et Edward ne faisait pas exception.Ils voulaient une Europe en paix dominée par les allemands.
Wallis et Edward entretenaient des amitiés avec de nombreux dignitaires allemands avant son accession au trône. Lorsqu’il est devenu roi, il garda une conversation écrite assidue portant sur des sujets politiques avec l’ambassadeur allemand malgré la neutralité qu’il est censé conserver en tant que souverain d’une monarchie parlementaire.
Une fois l’abdication signée, Edward VIII et sa femme (puisqu’ils ont fini par se marier en France le 3 juin 1937) entreprirent un voyage en Allemagne organisé par Hitler en personne en octobre 1937, soit un an à peine après l’abdication. Un voyage de plusieurs jours, très divulgué par les médias allemands, qui s’acheva par la visite du couple au Führer dans sa résidence de l’Obersalzberg le 27 octobre 1937. Hitler appelait volontiers la duchesse de Windsor « Votre Altesse Royale » alors que cette distinction lui a été refusée par George VI. De plus, Hitler aurait dit d’elle : « Elle aurait fait une bonne reine. » Hitler a tenu à entretenir un lien d’amitié avec l’ancien souverain dans le but de négocier la paix avec le Royaume-Uni par l’intermédiaire d’Edward, pour ensuite le remettre sur le trône afin d’avoir un monarque fantoche qui lui serait totalement dévoué.
Tout au long de leur convalescence qui suivit leur exil forcé, ils continuèrent à rencontrer des hauts dignitaires nazis comme Goebbels. De plus, alors qu’ils étaient semés de rentrer en Angleterre par Churchill pour stopper les ambitions d’Hitler de remettre Edward sur le trône une fois la guerre terminée en 1938, ils rencontrèrent des politiciens fascistes espagnols et portugais, ce qui renforça la méfiance de Churchill à leur égard.
Edward, comme Hitler, pensait que « Un bombardement efficace de l’Angleterre pourrait ramener la paix. » Pour lui ce bombardement aurait permit de créer un mouvement populaire contre le gouvernement, ce qui aurait permit à Hitler de s’imposer et de remettre Edward sur le trône. Ainsi une simple phrase met un point final à la pensée d’Edward sur son grand retour en Grande-Bretagne : « Les Britanniques ne veulent pas de moi comme roi, ils m’auront comme dirigeant. »
Si la raison officielle de l’abdication d’Edward VIII était tout à fait juste, étant donné les mœurs et la pensée des Britanniques de l’époque, elle n’en reste pas moins la seule raison de cette abdication. Edward VIII était ouvertement pro-nazi en étant encouragé par sa femme, ce qui ne pouvait être accepté ni par le gouvernement, ni par la famille royale. Cette famille qui eut tant de mal à se construire une image de la famille « modèle » auxquels chaque sujet devait prendre exemple sous le règne de George V et qui essaya, tant bien que mal, à faire oublier son passé allemand. Edward VIII aimait l’Allemagne et le régime nazi. Son admiration pour eux était sans bornes, ce qui ne pouvait être que gênant dans un Royaume-Uni sur le point d’entrer de nouveau en guerre contre le IIIème Reich. Bien plus que le gouvernement, c’est la famille royale toute entière qui poussa ce jeune souverain à l’abdication pour sa volonté de mariage avec une femme inacceptable et ses penchants politiques trop ouvertement avoués et bien trop opposés à ceux des Anglais.
Ainsi George VI reprit courageusement les charges de monarque à la place d’Edward en 1936, lui qui était le total contraire de son frère aîné : antiallemand, conscient de ses devoirs et de ses prérogatives, transmettant l’image d’une famille parfaite avec son épouse et ses deux enfants (la future Elizabeth II et Margaret-Rose), et marié à une aristocrate écossaise idéale pour le rôle de reine-consort. Une crise dynastique sans précédent qui fut canalisée grâce à l’intervention de Baldwin, Churchill et enfin George VI.