Richard Stone est aujourd’hui connu comme le portraitiste préféré de la famille royale. Ce Britannique issu d’un milieu modeste a connu une ascension rocambolesque grâce à son coup de pinceau unique. L’artiste fait du détail sa spécialité. Ses toiles sont d’une fidélité époustouflante. Son talent n’est pas resté inconnu aux yeux de la famille royale très longtemps puisqu’il devient très rapidement le peintre le plus prolifique du règne elizabethain. Certaines de ses œuvres ont même été choisies pour la réalisation de nouveaux timbres comme en 2018 lors des 70 ans du prince de Galles.
En exclusivité pour Monarchie Britannique, Richard Stone se confie sur sa majestueuse carrière de peintre royal.
"A l'âge de 4 ans, j'ai crié à travers les grilles du palais de Buckingham que j'allais peindre la reine."
Comment est née votre passion pour la peinture et plus particulièrement pour la réalisation de portraits ?
Cette passion est en fait le fruit d’un accident. Mon père était facteur et ma mère, femme au foyer, prenait soin de ses quatre enfants, dont je suis l'aîné. Lors d'un voyage à Londres pour mon quatrième anniversaire, j’ai embarrassé ma famille en criant à travers les grilles du palais de Buckingham que j’allais peindre la reine. Mais six mois plus tard, le lendemain de Noël, je suivais ma mère dans l'escalier en allant me coucher, quand je me suis rendu compte que j'avais oublié mon ours en peluche. Je me suis retourné dans les escaliers pour aller le chercher et j’ai accidentellement trébuché sur mes nouvelles pantoufles. Culbuté en arrière, ma tête a violemment frappé le sol en pierres du couloir. Je me suis sévèrement fracturé le crâne et j’ai été transporté à l'hôpital.
Après trois mois de coma, j’ai surpris mes parents angoissés pour moi en étant totalement sourd. Ma surdité a duré pendant trois années, après quoi l'audition a été progressivement rétablie dans mon oreille gauche. Je suis alors retourné à l’école malgré mon handicap. Mes journées étaient surtout consacrées au dessin et à la peinture où je reproduisais le monde qui se trouvait autour de moi. J’ai commencé à me concentrer sur l'étude des visages des personnes que je voyais. Je tentais de comprendre et de reproduire leurs expressions le plus fidèlement possible.
Quels peintres vous inspirent pour constituer vos toiles ?
Cet incident dramatique a dû clairement avoir amélioré mes compétences d'observation, ainsi que ma technique en dessin et en peinture. Il m’a ainsi aidé à devenir extrêmement compétent dans cette dernière. Le voisin de mes parents Frederik Heron, peintre amateur, a bien voulu me donner des leçons pour m’enseigner les bases de la peinture. Comme une récompense à mon travail, il m'a emmené découvrir la Royal Academy Summer Exhibition lors de mon 14e anniversaire. J'ai alors découvert pour la première fois le travail de Sir Gerald Kelly. Jusqu’à sa mort, nous sommes restés très amis et il m’a encouragé et conseillé à de nombreuses reprises. Ces deux hommes sont vraiment les piliers de mon travail de peintre auquel je rends régulièrement hommage. Grâce à eux, j’ai pu commencer une longue carrière de portraitiste.
Sir Gerald Kelly (1879-1972)
Gerald Kelly est un portraitiste britannique de renom. Après avoir étudié l’art à Cambridge puis à Paris, il commence une carrière de peintre spécialisé dans le portrait. Ses nombreux voyages l’inspirent. Les toiles qui en découlent sont exposées à son retour à Londres en 1920 et permettent ainsi de le faire connaître. En 1938, le roi George VI le désigne comme son peintre officiel pour réaliser son portrait et celui de son épouse en habits de sacre. Ces tableaux sont exposés dans les appartements d’Etat du château de Windsor. Par la suite, une dizaine de portraits royaux sont commandés faisant entrer Kelly dans la longue liste des peintres royaux. En remerciement de son travail et de son dévouement à la famille royale, il est finalement anobli en 1945.
"A l'âge de 22 ans, je suis devenu le plus jeune portraitiste royal britannique."
Comment êtes-vous devenu peintre royal ?
Mon travail est arrivé aux oreilles de la reine-mère Elizabeth Bowes-Lyon et à l'âge de 22 ans, je suis devenu le plus jeune portraitiste royal britannique quand elle m’a commandé un portrait. Il se trouve que Sir Thomas Lawrence peint l'épouse de George III, la Reine Charlotte, en 1790 quand il avait 21 ans. Mes portraits successifs de la reine-mère m'ont mis sur la voie d'une longue carrière de près de 50 ans où j’ai pu représenter la plupart des membres de la famille royale britannique. Seule la princesse Diana ne fait pas partie des modèles royaux que j’ai représenté.
Mon ambition d'enfance de peindre la reine a finalement été réalisée en 1989. A cette date s’est tenue la première des nombreuses séances au palais de Buckingham pour réaliser ce qui devait être un portrait très apprécié. Lorsque le portrait a été dévoilé à la National Portrait Gallery en 1992, il m'a permis de commencer une carrière internationale. Ce portrait a été choisi personnellement par Sa Majesté, en collaboration avec le Royal Mail, comme l'un des nouveaux timbres postes en 2013 pour commémorer le Jubilé de Diamant.
Quel portrait royal est à vos yeux le plus réussi ?
Je pense qu’il s’agit du portrait de la reine-mère qui m’a permis de débuter cette carrière. Elle l’aimait énormément et ce fut la peinture préférée de la princesse Margaret de sa mère. La reine-mère m'a présenté non seulement aux membres de sa famille, mais aussi à la haute société britannique. En un mot, ce portrait m’a permis d’obtenir plus de cent commandes. La plupart des portraits royaux ont été commandés par les régiments et les institutions britanniques et ont souvent été présentés par les modèles eux-mêmes. Ils ont tous été réalisés grâce à plusieurs séances dans les différents palais royaux avant d’être achevés dans mon atelier. Je considère chaque tableau comme un document historique, qui reflète non seulement le statut et la personnalité du modèle, mais également son degré d’implication dans son patronage pour les institutions qu’il soutient.
"C'est probablement le portrait de la reine dont les gens se souviennent le plus."
Votre portrait de la reine de 1992 est votre œuvre royale la plus connue. Comment s’est déroulée sa réalisation ?
Les séances étaient difficiles à intégrer dans le programme de la reine, et j'ai dû les répartir sur trois étés lorsque la lumière était constante. Elle m'a donné une dizaine de séances, après quoi je suis allé au palais de Buckingham pour étudier la robe d'État parlementaire qu'elle porte sur le tableau.
Commençant par des croquis sur une toile de 25x20 cm, le portrait final a fini par mesurer 243x152 cm. C'est probablement le portrait de la reine dont les gens se souviennent le plus. Ce fut un véritable cadeau pour ce tableau dont j'ai investi un temps phénoménal. J'ai abandonné tout autre travail pendant trois ans pour le réaliser.
Quelle est votre activité actuelle de peintre royal ?
J’ai travaillé en 2018 sur un nouveau portrait de la reine, qui a été commandé par le Commonwealth. Maintenant qu'il est terminé, il est exposé sur l'escalier principal du palais Saint-James. Ce fut un don du Commonwealth à Sa Majesté quand son règne est devenu le plus long pour un monarque britannique.
Je reste très occupé aujourd’hui. Une nouvelle commande royale m’a une nouvelle fois été faite. Mais je suis parfois demandé pour travailler pour les familles royales étrangères. La plupart de mon temps est aujourd’hui consacré à la peinture des personnalités publiques, et cela, je le dois à ma relation avec la famille royale britannique.
Mes remerciements les plus chaleureux à Richard Stone qui a bien voulu répondre à mes questions.