Interview | Virginie Girod - Être une femme au sein de la famille royale britannique

On ne présente plus Virginie Girod. Historienne de talent, elle est régulièrement invitée sur des plateaux télés pour des sujets historiques divers. Elle est d’ailleurs l’une des chroniqueuses fétiches de Secrets d’histoire et de Sous les jupons de l’histoire. Spécialisée dans l’histoire des femmes et de la sexualité, Virginie Girod est l’auteure de plusieurs ouvrages aux thèmes historiques féminins. Le 4 juin prochain elle publie aux éditions Tallandier Théodora, prostituée et impératrice de Byzance.

En exclusivité pour Monarchie Britannique, Virginie Girod a bien voulu répondre à nos questions pour vous dévoiler la place des femmes au sein de la famille royale britannique.

"Kate Middleton est l'exemple type des conditions pour entrer dans la famille royale." 

 

Selon quels critères une femme peut-elle faire son entrée dans la famille royale ?

Entre l’époque de la scandaleuse Wallis Simpson qui avait été désignée comme persona non grata et aujourd’hui, il y a eu une réelle évolution. De nos jours, une femme actrice peut finalement faire son entrée dans la famille royale pour ensuite repartir vivre aux Etats-Unis. Pour appartenir à cette famille, il faut tout d’abord faire partie d’un cercle très restreint représenté par l’aristocratie et la haute bourgeoisie anglo-saxonne. Mais ce ne sont pas les seules conditions. Il faut vendre du rêve quelque part. Appartenir à l’élite artistique britannique est un excellent moyen de faire son entrée dans la famille royale. Mais en règle générale, c’est l’homme qui va permettre d’appartenir à la famille Windsor. Libre à elle ensuite de se construire sa propre place. Si la famille royale a connu quelques innovations, son fonctionnement demeure traditionnel, et pour cause, son rôle repose surtout sur la garantie de traditions immuables tout en devant s’inscrire dans la modernité. C’est là toute la difficulté de la famille royale britannique.

Kate Middleton est à mon sens le bon exemple. Venue d’une famille qui s’est enrichie par le commerce, elle a intégré une très bonne université qui lui a constitué une véritable dote intellectuelle. Elle est aussi une très belle femme. Après avoir trouvé son prince charmant dans le sens littéral, elle a su jouer la partition de la parfaite épouse au sein de la famille royale.

En somme, qu’est-ce qu’il faut pour entrer dans la famille royale ? Une femme doit d’abord avoir une dote intellectuelle, une dote de beauté, et un nom qui existe dans la sphère sociale. Elle doit enfin être capable de jouer le rôle de l’épouse idéale selon les conditions des Windsor.

 

"Les femmes n’ont pas un très bon rôle au sein de la famille royale."

La position de la femme n’est-elle pas prépondérante au sein de la maison Windsor par rapport aux autres monarchies européennes ?

Les Windsor sont peut-être plus célèbres que les autres familles royales européennes parce qu’ils sont plus peoplisés. Les monarchies nordiques offrent une place politique sûrement plus importante aux femmes mais en ce qui concerne la monarchie britannique, c’est une institution où chacun a sa place. La femme peut accéder au pouvoir mais à condition qu’il n’y ait plus d’hommes, ce fut le cas d’Elizabeth II. Les femmes de la famille royale britannique n’ont pas un rôle particulier mais elles n’ont pas été non plus exclues du pouvoir. La monarchie d’outre-Manche ne donne pas de réels pouvoirs au souverain, qu’il soit un homme ou une femme. La représentation est leur réelle prérogative. Leur rôle est assez pauvre finalement. Les femmes n’ont donc pas un très bon rôle je trouve. On est loin d’une Elizabeth Ire qui haranguait ses soldats par de puissants discours politiques.

 

"Le contrôle permanent de leur image doit être un véritable poids."

Les femmes de la famille royale doivent respecter un certain nombre de règles. Mais comment vivre au quotidien avec des règles alimentaires et esthétiques strictes ?

Elles sont entourées par de nombreuses personnes qui veillent à leur régime alimentaire et leur apparence. L’exemple type est la manière dont Kate Middleton a géré ses trois grossesses. Elle n’a jamais pris un gramme de trop et elle est sortie de la maternité en portant du 36, créant une forme d’animosité pour certaines femmes et une admiration pour beaucoup d’autres. Leur travail consiste en partie à vendre leur image pour le compte de la monarchie britannique. Leur image doit donc en permanence être sous contrôle, au prix de leur vie privée et leur réelle personnalité. C’est véritablement un poids pour elles et c’est certainement ce qui a détruit Diana parce que c’était trop lourd à porter.

Les femmes de la famille royale doivent cultiver des idéaux de beauté qui vont de paire avec les restrictions alimentaires. Elles ne peuvent pas porter ou manger n’importe quoi. Il existe des critères d’harmonisation vestimentaire au sein des Windsor qui forment des règles qui peuvent être pesantes. Ainsi, lorsque l’on veut entrer dans la famille royale, on est enfermé dans un type d’image qui peut expliquer que lorsque l’on ne colle pas à ces règles, on s’en va. Il est donc préférable d’avoir déjà une appétence pour toutes ces formes d’élégance, cette vie publique perpétuelle, et pour cette image de représentant de certains standards. Sans cela, le système vous broie littéralement.

 

« L’Angleterre a été faite par ses reines », que pensez-vous de cette phrase ?

Je pense que s’enfermer dans cette idée que ce sont les femmes qui ont construit l’Angleterre c’est avoir une vision genrée malhonnête qui revient à la même chose que de dire « ce sont les rois qui ont fait l’Angleterre ». L’Angleterre a été faite par tous les hommes et les femmes qui ont contribué à fabriquer son histoire. L’Angleterre a également eu de grands rois. Ce serait avoir une vision trop genrée d’avoir un tel jugement. Certaines reines ont marqué l’histoire britannique. La reine Victoria par exemple représente cette époque de création d’empires. Elizabeth Ire avait dit « j’ai le corps d’une femme mais le ventre et le cœur d’un homme ». Elle voulait dire que normalement les femmes ne sont pas destinées à régner, mais puisqu’elle était elle aussi souveraine, elle avait autant de valeurs qu’un homme. Penser juste c’est reconnaître la valeur de chacun des souverains.
"Elizabeth II est devenue un repère majeur pour toute une époque"

 

Quel membre féminin de la famille royale préférez-vous ?

J’ai une forme d’admiration pour Kate Middleton. Elle a réussi à gravir les échelons sociaux jusqu’à devenir duchesse alors qu’elle était roturière. Elle est aujourd’hui la perfection incarnée pour occuper ce rôle de future reine. Elle est parfaite en tout, s’en est presque effrayant. Mais d’un autre côté j’aime aussi le côté rock et rebelle de Meghan Markle. Cette actrice américaine n’a pas réussi à convenir aux exigences de la famille royale et a décidé de repartir avec son prince aux Etats-Unis parce qu’elle estimait que sa vie d’avant était mieux pour eux. En fait, toutes les deux sont de pures antagonistes l’une de l’autre. C’est ça qui est fascinant et qui fait le charme de chacune d’entre elle.

 

Que pensez-vous du symbole que représente Elizabeth II de nos jours ?

Elizabeth II est un symbole parce que, comme Ramsès II dans l’Egypte Antique, son règne a duré tellement longtemps que plusieurs générations l’ont connu sur le trône. Le jour où elle disparaîtra, on va se sentir démunis parce qu’on ne connaissait qu’elle depuis trois générations. Le temps a joué en sa faveur pour qu’elle devienne un symbole. Elle marquera les mémoires au-delà de tout parce qu’elle a traversé les époques. Elle est devenue un repère majeur pour toute une époque. Elle est la femme qui a su tenir l’Angleterre pendant plus d’un demi-siècle. Ce n’est pas si fréquent à notre époque de voir des souverains qui restent si longtemps au pouvoir et qui sont connus du monde entier. Il sera très difficile de la remplacer. Je pense d’ailleurs qu’à part quelques inconditionnels, la majorité des gens souhaitent que le prince William lui succède plutôt que le prince Charles.

Mes remerciements chaleureux à Virginie Girod qui a bien voulu m'accorder cette interview.